Le changement des fenêtres, le remplacement de la VMC et l'isolation par l'extérieur de la tour Super-Montparnasse à Paris ont permis de diviser par deux sa consommation d'énergie.
En cette année 2007, la tour Super-Montparnasse a bien besoin d'une rénovation. Lors de sa construction en 1966-68 par l'architecte Bernard Zehrfuss dans le XVième arrondissement de Paris, les façades de ses 30 étages (89,6 m) ont été couvertes de petits carreaux de pâte de verre noirs ou blancs, en 2 x 2 cm. Ils avaient déjà été consolidés plusieurs fois depuis 1992. Mais, en 2007 ils recommencent à tomber, entraînant avec eux de petits morceaux de béton.
Ce revêtement de façade était courant durant les années 60. Il résiste 30 à 40 ans. On ne peut pas le rénover à l'identique, sauf à tout déposer et à recommencer. Ces carreaux ne se fixent pas non-plus sur de l'ITE. Bref, la copropriété était à la recherche d'une rénovation pérenne qui tienne au moins 30 ans.
Le rôle clef de l'Agence Parisienne du Climat
Tania Seitanidou-Waeselynck,Présidente du Conseil Syndical et véritable moteur de l'opération de rénovation, rencontre l'Ademe (Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie) dans un salon consacré aux copropriétés. L'Ademe l'oriente vers l'oriente vers l'APC (Agence Parisienne du Climat), véritable guichet unique pour la rénovation des copropriétés privées parisiennes.
Nous sommes déjà en 2008, la loi Grenelle 2 est en discussion, des dispositifs existent déjà pour le financement des études et des diagnostics thermiques. Conseillée par l'APC, la copropriété commande à Paziaud Ingénierie un audit énergétique. Paziaud Ingénierie facture son travail 11 662 € HT. Ce coût est subventionné à concurrence de 6 860 €, soit 70% du montant H.T., par l'Ademe, la Région Ile-de-France dans le cadre du dispositif « Copropriétés : Objectif Climat ! » et la Ville de Paris.
Après subventions, il revient aux copropriétaires à seulement 18 € par logement pour les 270 logements que compte la tour. Le rapport de 120 pages de Paziaud Ingénierie, rendu début 2010, recommande seulement trois actions : changer les fenêtres (responsables de 45% des déperditions), rénover la VMC (20% des déperditions) et isoler par l'extérieur les parois verticales (35%).
Un coût d'exploitation élevé
L'audit énergétique révèle une consommation moyenne de 170 kWhEP/m²SHON.an, calculée selon la méthode THCEEX ou de 206 kWhEP/m²SHAB.an selon la méthode DPE. Le bâtiment est en classe D. La facture énergétique pour le chauffage et la production d'ECS, tous deux pris en charge par une sous-station CPCU, se montent à 340 000 € TTC par an, soit en moyenne 1308 € TTC par lot. De plus, comme le bâtiment est IGH-A (IGH habitation), il supporte des contraintes particulières liées à la protection anti-incendie.
Tout cela a un coût, si bien que les charges atteignent en moyenne à 700 à 800 €/mois pour un logement de 4 pièces. Si la copropriété est prête à se lancer dans une rénovation radicale, ses moyens ne sont pas infinis et ne pourra pas réinvestir significativement dans 10 ans, les solutions mises en œuvre doivent durer au moins 30 ans. Pour élaborer une solution précise, l'APC recommande à la copropriété de consacrer un budget de 100 000 € TTC à une mission de maîtrise d'œuvre.
La copropriété retient deux cabinets d'architectes - Lair & Roynette, spécialisés dans la rénovation, et François Pélegrin, l'un des spécialistes du BIM en France - soutenus par le BE Paziaud Ingénierie. Ils devront mettre au point les solutions techniques pour la rénovation, consulter les entreprises et suivre le chantier. Leurs travaux commencent début 2011. Leurs tâches ont été au moins autant juridiques et administratives que techniques.
Un bâtiment inscrit au patrimoine architectural du XXième siècle
Comme l'explique François Pélegrin, « il fallait consulter beaucoup de monde. Les ayants droit de l’architecte de la tour, les architectes de la Préfecture de police pour la sécurité incendie, l’architecte des Bâtiments de France dans la mesure où cette tour est inscrite au Patrimoine Architectural du XXièmesiècle, l'association du Vieux Paris, l'association Patrimoine XXièmesiècle, l’architecte Voyer de la Ville de Paris … tous avaient tous leur mot à dire.
Il a fallu rencontrer chacun à plusieurs reprises – à l'exception des ayants droit de l'architecte qui n'ont pas répondu – expliquer le projet, les choix techniques et esthétiques, entendre leur remarques, modifier en conséquence, revenir, … Tout cela prend pas mal de temps ».
Au final, tout le monde a accepté les choix de l'équipe de maîtrise d'oeuvre : ITE en laine de roche (isolant incombustible obligatoire pour un IGH-A) sous bardage ventilé en aluminium, remplacement des menuiseries privées et des parties communes par des menuiseries Aluminium portant un double vitrage 4x20x4, rénovation de la VMC avec remplacement des 9 groupes d'extraction collectifs, des entrées d'air en façade et des bouches d'extraction.
Après consultation des entreprises, le coût de ces travaux s'élève à 4 939 374 € TTC, soit 18 290 € TTC en moyenne par lot. Pour un quatre pièces, le montant de travaux atteint environ 35 000 € TTC. Le lot façades (isolation, bardage, réfection des entres d'air) a été remporté par Lucas Reha, le changement des fenêtres par Norba et le lot ventilation par Samoa. Les travaux ont été votés par l'AG de mars 2014.
Une rénovation BBC Effinergie
Chacun des trois lots de travaux va apporter des économies d'énergie significatives. Après travaux, le bâtiment atteindra une consommation de 104,6 kWhEP/m²SHON.an selon THCEEX ou 206 kWhEP/m²SHAB.an selon la méthode DPE. Il sera donc BBC Effinergie Rénovation. Le coût du chauffage baisserait à 240 000 € TTC par an, soit 924 € TTC/an par lot en moyenne. Le coût du remplacement des fenêtres se monte à 1 125 395 € TTC. Ce remplacement doit se traduire par une économie annuelle de 118 000 € TTC.
Les 9 extracteurs de la VMC ont été remplacés par Samoa, avec mise en place de caissons équipés de moteurs à faible consommation, pour un coût de 81 274 € TTC. Les 7 787 m² de façades seront rénovés (isolation + bardage) pour 3 256 919 € TTC. Ce qui apportera une économie annuelle de 109 000 € TTC. Le coût annuel du chauffage devrait donc baisser à 213 000 € TTC. Ce qui se traduit par un temps de retour brut non-actualisé de 40 ans environ.
Autant dire que sans financements aidés, un tel programme de travaux n'est pas assez rentable. En réalité, la copropriété a décidé de procéder à une requalification architecturale et thermique globale, naturellement pour assurer la maîtrise des consommations d'énergie et des charges, mais aussi pour résoudre le problème de la détérioration des façades et, surtout, pour maintenir la valeur de son patrimoine. Les travaux ont été financés par :
- une subvention de l'Ademe et de la Région Île-de-France de 400 000 € TTC au titre du programme copropriétés durables.
- des aides de l'ANAH pour un total de 136 555 € pour une douzaine de copropriétaires.
- un prêt collectif d'un montant de 4 402 819 €, financé directement par les copropriétaires, proposé par le syndic Le Terroir et négocié avec le Crédit Foncier à des taux de 2,4 à 2,95% par an selon sa durée, des prêts écoPTZ, des crédits d'impôts transition énergétique, ...
Le chantier a été entamé en décembre 2014 et prendra fin en décembre 2015.
Source : batirama.com / Pascal Poggi
Encadré
Une rénovation peut en cacher une autre
Après travaux, les besoins de chauffage seront nettement réduits. Dans le même temps, la sous-station CPCU date de la construction des bâtiments. Les 4 échangeurs vapeur/eau qui l'équipent sont d'origine. S'il fallait les réparer, ce n'est plus possibles, les constructeurs ont disparu et on ne trouve plus de pièces détachées pour des matériels qui ont presque 50 ans.
La copropriété envisage donc de rénover la sous-station « à froid », sans attendre qu'un échangeur casse. Il sera possible de baisser la puissance de 2800 kW souscrite pour l'instant auprès de la CPCU. Elle pourrait descendre à 1000-1200 kW, ce qui réduirait très significativement le montant annuel de l'abonnement.
Le simple remplacement des anciens et vénérables échangeurs vapeur/eau se traduirait immédiatement par une réduction de 10% de l'énergie consommée par le bâtiment, grâce à la compacité et aux pertes de chaleur fortement réduites des nouveaux échangeurs.
De plus, la CPCU vise pour 2016 le seuil de 50% de sa chaleur produite grâce à des énergies renouvelables (déchets ménagers et bois). Ce qui lui permettrait d'abaisser son taux de TVA à 5,5%. Bref, renouvellement des échangeurs, réduction d'abonnement, TVA à taux réduit, … la copropriété pourrait voir le coût annuel de ses besoins de chaleur pour le chauffage et l'ECS, réduit de 35 à 40% en 2016. Il faut tout de même financer la rénovation de la sous-station, évaluée à 400 000 € au minimum. La CPCU peut peut-être cofinancer la rénovation. Ce qui nous fournira matière à une autre article en 2016