Un décret paru le 30 mars 2015 complète le dispositif répressif relatif à la fraude au détachement de travailleurs et à la lutte contre le travail illégal.
Le statut de travailleur détaché est défini par la directive européenne 96/71/CE du 16 décembre 1996. Le principe est que les travailleurs dits « détachés » sont envoyés provisoirement par leurs employeurs dans un Etat membre de l'Union européenne, pour poursuivre leurs fonctions dans cet Etat.
Une entreprise peut, par exemple, remporter un contrat dans un autre pays et décider d'envoyer ses employés exécuter ce contrat sur place. Certaines conditions sont indispensables :
- le lien de subordination doit demeurer avec l’employeur étranger : le travailleur étranger doit être payé par l’entreprise étrangère et recevoir ses ordres uniquement de l’entreprise étrangère.
- le travailleur étranger ne peut pas avoir été embauché juste pour son détachement (« travaillant habituellement… »).
- l’entreprise doit être « habituellement » installée dans le pays étranger (si elle vient juste de s’y délocaliser, ses collaborateurs ne pourront pas bénéficier du statut de détaché) et la durée du détachement est limitée (entre 12 et 24 mois)
La directive et la loi française de juillet 2014
Cette directive a été transposée en droit français (articles L. 1261-1 à L. 1263-2 du code du travail). Si ces éléments sont respectés, la directive prévoit qu’au "niveau droit du travail, le salarié détaché dépend de la législation du pays d’accueil. En matière de protection sociale, il demeure régi par les dispositions de l’Etat d’origine".
Or, cette situation entraîne un manque à gagner pour les organismes de sécurité sociale français (rappelons que la France est soumise à un taux de 51,7% contre 39,4% en Allemagne, 26% en Pologne et 17,9% en Croatie…et il y aurait aujourd’hui plus de 300 000 salariés détachés en France).
La loi française n° 2014-790 du 10 juillet 2014 (dite loi Savary) a renforcé les obligations applicables en matière de sous-traitance.
Deux obligations pour le sous-traitant
En ce qui concerne, le sous-traitant, deux obligations s'imposent :
- l'entreprise qui détache des salariés en France doit adresser une déclaration préalable à l'inspection du travail où débute la prestation ;
- l’employeur est tenu de désigner un représentant de l'entreprise en France, chargé d'assurer la liaison avec l'administration du travail.
En cas de manquement à l'une de ces deux obligations, une amende administrative d'au maximum 2 000 euros par salarié détaché (le double en cas de récidive dans un délai d'un an peut être prononcée.
Afin de fixer le montant de l'amende, l'autorité administrative prend en compte les circonstances et la gravité du manquement, le comportement de son auteur ainsi que ses ressources et ses charges", précise la loi. Le montant total de l'amende ne peut pas être supérieur à 10 000 euros.
Les obligations du donneur d’ordre
En ce qui concerne le donneur d'ordre ou le maître d'ouvrage, celui-ci
- devra vérifier que son sous-traitant s'est bien acquitté de ses deux nouvelles obligations (déclaration préalable du détachement et désignation d'un représentant en France).
- doit, s’il est informé par l'administration que des salariés d'une entreprise sous-traitante "directe ou indirecte sont soumis à des conditions d'hébergement collectif incompatibles avec la dignité humaine", "enjoindre aussitôt son sous-traitant, par écrit, de faire cesser sans délai cette situation.
- doit, s’il est informé par l'administration que son sous-traitant ne respecte pas le droit du travail (libertés individuelles ou collectives ; égalité entre homme et femmes ; protection de la femme enceinte ; droit de grève ; durée du travail ; etc.), enjoindre son sous-traitant de se mettre en conformité avec la législation.
Une liste noire d’entreprises condamnées
Si l'inspection du travail informe le donneur d'ordre ou maître d'ouvrage du non-paiement partiel ou total du salaire minimum légal ou conventionnel dû au salarié détaché, il doit enjoindre son sous-traitant de faire cesser sans délai cette situation.
En outre, la loi du 10 juillet 2014 institue une "liste noire" des entreprises condamnées pour des infractions constitutives de travail illégal (travail dissimulé, marchandage, prêt illicite de main d'œuvre, emploi d'étrangers sans titre de travail…).
Il est également reconnu aux organisations syndicales représentatives la possibilité d'ester en justice et de faire ainsi valoir le droit des travailleurs détachés ou d'agir en cas de travail dissimulé.
Le décret du 30 mars 2015
Le décret n° 2015-364 du 30 mars 2015 relatif à la lutte contre les fraudes au détachement de travailleurs et à la lutte contre le travail illégal vient compléter ce dispositif répressif.
Il précise notamment les obligations des employeurs établis hors de France détachant des salariés en France en matière de déclaration préalable de ce détachement, de désignation d'un représentant en France et de conservation des documents à présenter en cas de contrôle.
Il détermine également les conditions de mise en œuvre de la responsabilité du cocontractant en cas de manquement à l'obligation de déclaration préalable ou de désignation d'un représentant et les sanctions encourues dans cette hypothèse.
Le montant des amendes bientôt augmenté ?
Qui plus est, il définit les modalités de mise en œuvre de l'obligation de vigilance et de la responsabilité des maîtres d'ouvrage et des donneurs d'ordre vis-à-vis de leurs sous-traitants et cocontractants.
Il semble que le gouvernement veuille aller plus loin encore en augmentant le montant des amendes. Celles-ci ont déjà été revues à la hausse dans le cadre de la loi Macron (1° lecture Assemblée Nationale).
source : batirama.com / François Taquet