La branche du BTP s?interroge sur les dernières annonces du 1er ministre et leur faisabilité. Paul Duphil, secrétaire général de l?OPPBTP*, éclaircit certains points.
Comment les référentiels seront-ils définis ?
Paul Duphil
: Il va falloir caractériser globalement les expositions des salariés aux facteurs de pénibilité dans tous les métiers de la branche BTP. Or, la façon de les caractériser n’est pas définie, car l’Etat n’a pas encore donné les règles du jeu (NDLR : attente de décret et circulaires). Ces référentiels pour être opposables devront en effet être validés par l’Etat.
Quel sera le rôle de la branche BTP et celui de l’OPPBTP dans l’élaboration des référentiels ?
Paul Duphil
: Selon le rapport Sirugue/Huot, les référentiels ne devront pas nécessairement être établis sur la base d’un accord des partenaires sociaux de chaque branche. Dans le BTP, il est trop tôt pour dire quelle est la volonté des partenaires sociaux. En tout état de cause, le rapport a recommandé que l’Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics (OPPBTP) soit l’outil technique pour élaborer les méthodologies et pour évaluer l’exposition aux facteurs de pénibilité.
Bien sûr, l’OPPBTP ne pourra pas faire une cartographie exhaustive avec des statistiques représentatives des expositions aux facteurs de pénibilité. Les délais impartis par la Loi ne nous permettraient d’ailleurs pas de le faire. Nous pourrons formuler des avis d’experts et nous pourrions proposer d’aller confirmer l’expertise avec des observations terrain dans un cadre défini.
Certaines entreprises du BTP pourront-elles « échapper » à l’application des référentiels ?
Paul Duphil
: Selon le rapport, les entreprises pourront appliquer les référentiels de branche… ou pas. Celles qui ne le souhaiteront pas, a priori pour ne pas être soumis à la taxe « pénibilité », devront démontrer l’absence d’exposition aux facteurs de pénibilité de leurs salariés. Elles devront faire l’évaluation de leur personnel, et montrer les actions engagées, à partir du Document unique d’évaluation des risques (DUER), dûment complété avec son plan d’action à jour.
N’oublions pas qu’un accord de prévention de la pénibilité et d’amélioration des conditions de travail dans le BTP a déjà été signé en décembre 2011 et que ses annexes très fournies donnent des exemples de méthodologie pour prévenir l’exposition aux facteurs de pénibilité. Le site internet de l’OPPBTP, recense d’ailleurs toutes les solutions possibles -organisation et formation de l’entreprise y compris - pour éviter ou limiter ces expositions.
Qu’en sera-t-il pour les petites entreprises du Bâtiment ?
Paul Duphil
: Une petite entreprise n’a ni le temps ni les moyens de tout gérer, car elle doit d’abord s’occuper de ses clients et de ses chantiers. Si le référentiel reçoit le soutien des organisations professionnelles, comme la Capeb ou la FFB, celle-ci devrait recommander à ses adhérents de l’appliquer, tel quel. Certains organismes ou acteurs du privé pourront certes aider les entreprises à faire leur propre évaluation, mais compte tenu du temps qu’il faudra passer sur les chantiers pour le faire, cette observation risque d’être prohibitive, et l’investissement ne sera pas justifié.
En tout cas, ce n’est pas notre rôle de base que d’accomplir ces missions, car nos accompagnements terrain ont toujours une portée collective. Les grosses entreprises qui disposent de services spécialisés peuvent en revanche regarder les choses d’une manière différente.
*Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics
- Source : batirama.com / Fabienne Leroy
Rappel de la Loi
- Création d’un compte personnel de prévention de pénibilité pour les travailleurs exposés, après application des mesures de protection collectives et individuelles, à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels, au delà des seuils d’exposition, définis par décret, et consignés dans la fiche de prévention des expositions.
- Les salariés exposés au delà de ces seuils bénéficieront de ce compte, sur lequel, ils accumuleront des points leur permettant notamment de changer de poste, de travailler à temps partiel ou de partir plus tôt à la retraite. Financement du dispositif par deux cotisations patronales
- Entrée en vigueur le 1er janvier 2015 pour 4 facteurs de risques : travail de nuit, travail en équipes successives alternantes, travail répétitif, milieu hyperbare
Mission parlementaire Sirughe-Huot
rendue le 26 mai 2015 avec des recommandations
- Les branches professionnelles peuvent rédiger des référentiels qui listeront les situations types ou groupes homogènes d’exposition ainsi que les mesures de prévention pour éviter l’exposition au-delà des seuils et durées fixées par décret. Ces réferentiels seront opposables.
- Autres mesures : assouplissement concernant la fiche d’exposition qui sera établie uniquement dans le cadre des déclarations annuelles par l’employeur (DADS, DSN), réduction du délai de l’action contentieuse du salarié, et attente de précisions sur certains facteurs (travail répétitif et manutentions manuelles)
- Report au 1er juillet 2016 des six derniers facteurs opposables* en 2016 et attente de nouveaux textes réglementaires (décrets).
* Manutentions manuelles, postures pénibles, vibrations, agents chimiques, bruit, températures extrêmes.