La tapisserie constitue la grande spécialité d?Aubusson. Sur place, l?histoire de cet artisanat d?art était présentée dans un musée multifonction trop petit.
La métamorphose de l’ancienne école des Arts décoratifs de la ville en Cité Internationale dédiée, va lui accorder l’écrin et le rayonnement qu’elle mérite.
Comme Biarritz a sa Cité du surf, Toulouse sa Cité de l’Espace, Aubusson aura bientôt sa Cité de la Tapisserie. L’inscription à l’Unesco dans la catégorie patrimoine culturel immatériel de cet artisanat, établi sur place depuis plus de 5 siècles, lui a en effet, donné une nouvelle aura.
Outil culturel et éducatif, la Cité Internationale qui devrait être livrée au printemps 2016, va permettre de valoriser ce patrimoine vivant. «Ce monument va écrire une nouvelle page de l’histoire de la tapisserie et assurer le développement d’un territoire rural fragile», se félicite Jean-Jacques Lozach, sénateur de la Creuse et président de la Cité Internationale de la Tapisserie.
Aubusson commune de 4000 âmes, à l’économie défaillante, perd près de 100 habitants par an, il était donc temps de réagir. «Sur place, du fait de ces départs, le foncier ne manque pas, fait remarquer Emmanuel Gérard, directeur de la Cité. Mais, nous voulions impérativement implanter ce nouvel espace en centre ville. Le choix s’est donc porté sur l’ancienne Ecole Nationale des Arts Décoratifs (ENAD), édifiée en 1969 et fermée en 2005». Vaste, ce complexe un brin austère, au plan en croix latine, est bâti en granit.
- Le plan en croix latine du bâtiment initial est conservé. Les deux fresques sur les façades nord et sud sont protégées par des plaques de contreplaqués (visible sur ce cliché) pendant les travaux.
Conserver l’existant le plus possible
C’est l’Agence Terreneuve, associée aux muséographes Paoletti et Rouland, qui remporte en 2012, le concours d’architecture. «L’objectif était de réanimer cet édifice, en l’habillant notamment de couleurs, pour que les habitants d’Aubusson puissent enfin l’aimer. Il fallait, en sus, créer un musée plus vaste qu’actuellement», précise Cyrille Lamouche l’architecte.
Le cahier des charges comprend également la création d’ateliers de tissage à louer, d’un espace formation, d’une bibliothèque, de locaux destinés à une pépinière d’entreprises ou encore de bureaux administratifs. «Pour réduire la facture nous avons cherché à conserver tout ce qui pouvait l’être. Une manière aussi de préserver la mémoire de ce bâtiment architecturalement intéressant», se félicite ce dernier.
- Pour contenir les coûts, le nouvel édifice reprend toute la trame de 4m x 4m de l’édifice initial. Au niveau du hall d’entrée sur double hauteur, le plancher du premier étage a été déposé pour faire rentrer la lumière.
Le maître d’œuvre choisit donc de préserver la structure poteaux/poutres du bâtiment initial et sa trame de quatre mètres sur quatre.
- Tous les éléments en bon état ont été sauvegardés, comme les fenêtres PVC en double vitrage récemment changées.
Gardés aussi, les sols en petits carreaux ou en belles pierres, tout comme les menuiseries en PVC à double vitrage, datant d’une campagne de rénovation récente. La bibliothèque en beau placage de bois sera quant à elle, juste nettoyée.
Une nef pour cette cathédrale
In fine, le projet garantira 2 800 m2 couvert, dont 1500 m2 d’expo, soit 3 fois plus qu’auparavant. La réhabilitation débute en octobre 2014, par une grosse phase de désamiantage. Il a fallu ôter toutes les plaques de façade. Mais c’est la “Nef des tentures”, très grande salle de 600 m2 sur deux niveaux, qui constitue le clou de cette réalisation.
- Pour concevoir une vaste pièce d’exposition de 600 m2, il a fallu creuser le sol et gagner un niveau en sous-œuvre. C’est la seule partie nouvelle du projet.
- L’aile de bâtiment placé au-dessus de la nouvelle “Nef des tentures”, a été soutenue par des portiques en béton pendant toute la durée des travaux de déblaiement.
Située en rez-de-chaussée, elle constitue la seule partie neuve du projet. Elle se substitue à un ancien parking à voitures.
- Magistrale, la nouvelle pièce prend la place d’un parking à voitures à pilotis.
«Pour la créer, nous avons gagné un niveau en creusant en sous-œuvre. Des portiques en béton ont été en premier construits. Puis nous avons étayé l’édifice pour le soutenir pendant la construction des nouveaux poteaux et poutres plus gros mais moins nombreux, avec la constitution d’une nouvelle trame de 12 mètres», rappelle l’architecte.
- La nouvelle trame de la Nef des tentures reposent sur des poutres et des poteaux moins nombreux mais plus gros.
Enfin nous avons détruits les poteaux et poutres initiaux ». Résultat, la pièce présente de très beaux volumes bien dégagés.
- Dans la grande salle, la mise en place d’une nouvelle trame, a entrainé la destruction des poteaux initiaux.
Une isolation enfin digne de ce nom
- L’isolation est installée par l’extérieur. Recouverte par de la toile, les panneaux de laine de roche se voit elle-même rhabillée d’une nouvelle toile colorée (pas encore en place) et d’un bardage bois.
Lors de notre passage en octobre dernier, des artisans installent les toiles colorées, clin d’œil à la tapisserie, recouvrant les façades. D’autres s’activent sur le bardage bois contemporain, destiné autant à dynamiser visuellement le bâtiment, qu’à cacher l’isolation extérieure.
- Pour les travaux de façade, les menuisiers ont dû travailler simultanément avec les artisans poseurs de la toile. Tout cela a demandé une bonne synchronisation.
Ces deux lots de travaux de façade, entoilage et boiserie, s’effectuent simultanément. Il a fallu coordonner les interventions des différents acteurs. Autre gros défi de cette réhabilitation, l’isolation doit contenir la consommation en énergie du bâtiment. C’est le principe de la laine de roche installée par l’extérieur qui est retenue.
Ce procédé est sensé réduire la facture énergétique de 50%, sans avoir à changer l’actuelle chaudière au gaz. Idée intéressante, les cages d’escaliers à deux niveaux différents ont été transformées en sanitaires.
Avant de rétablir des planchers dans ces espace, nous en avons profité pour laisser passer les conduits d’eaux usées et les gaines électriques. Les escaliers sont déplacés et élargis ainsi que les ascenseurs, remplacés par des monte-charge de 3,80 m de long, capables d’engloutir les plus grandes tapisseries.
Enfin, les gaines de ventilation et les fils électriques qui courent au plafond sont laissés apparents. « Cela aurait coûté cher de les masquer et aurait réduit hauteur des pièces et luminosité», explique le conservateur. Au dernier étage, nous avons dû nous séparer à regret des verrières zénithales, leur adaptation aux normes thermiques était trop onéreuse», ajoute ce dernier.
- Au dernier niveau, la lumière arrivait jusque-là par de superbes verrières zénithale. Elles ne s’adaptaient pas aux nouvelles normes thermiques et n’ont malheureusement pu être conservées.
Elles ont été remplacées par une toiture en bacs acier. Quoi qu’il en soit, grâce à cette réhabilitation contemporaine, on ne surnommera plus Aubusson : la “ville sans musée”.
FICHES CHANTIER
Cité Internationale de la Tapisserie
- Président : Jean-Jacques Lozach, président du conseil général de la Creuse
- Concours d’architecture : résultat en 2012
- Début des travaux : octobre 2014
- Livraison : printemps 2016
- Nature du chantier : réhabilitation façades, rénovation intérieure
- Création de la “nef des tentures” : pièce d’expo de 600 m2
- Maître d’ouvrage : Conseil régional du Limousin, Conseil général de la Creuse et Communauté de communes Aubusson/Felletin
- Maître d’œuvre : Agence Terreneuve Architectes
- Surface utile : 2800 m2
- Dont surface d’exposition : 2000 m2
- Accueil : 150 m2
- Nef des tentures : 600 m2
- Lots de travaux : 18, dont 2 pour la façade (bois et toile)
- Coût du chantier : 8,5 millions d’euros
- Financement Etat : 2,61 millions d’euros
- Conseil régional du Limousin : 1,62 millions d’euros
- Conseil général de la Creuse : 1,62 millions d’euros
Entreprise de carrelage
- Entreprise familiale : Berthon
- Implantation : Auzances dans la Creuse
- Création : 1978 par le père
- Eric Berthon reprend en 1995
- Activité : carrelage
- Nombre d’employés : un salarié en plus de l’artisan
- Moyenne d’âge : 30/35 ans
- Chantier : public ou privé
Eric Berthon, artisan spécialiste du carrelag
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Sur le chantier de la Cité de la Tapisserie à Aubusson, la volonté des architectes était de conserver le maximum d’éléments en bon état. Une partie des sols en petits carreaux de 10 cm de côté a donc été préservée. En revanche, au niveau des cloisons détruites ou dans les sanitaires, on se retrouvait avec des raccords de 15 cm de large.
Il aurait fallu découper des carreaux pour procéder à la reprise des sols. A la place, nous avons opté pour la technique très esthétique du raccord “par carreaux cassés, posés à la chape”. Finalement, à tous les endroits abimés nous avons travaillé de la sorte, de façon à laisser apparent le passage de l’ancien au neuf.
Comme je ne maîtrisais pas cette technique, je me suis rapproché d’un carreleur de la région à la retraite qui nous a dispensé, à mon employé et moi-même, une formation. Grace à lui, nous avons œuvré plus efficacement.
Source : batirama.com / Nicolas Dembreville / Crédit photos : Daniel Rousselot