Entendons-nous bien, Weave, développé par Nest, propriété de Google, n?invente rien.
La mise en relation "Peer to Peer" ou d’égal à égal, entre les appareils connectés à un même réseau se pratique en GTB depuis environ 40 ans.
LonTalk, le protocole développé par Echelon au début des années 80, BACNet et même KNX, fonctionnent de cette manière. En ce qui concerne la domotique, c’est nouveau. Mais mieux vaut tard que jamais.
En domotique, l’architecture des réseaux est traditionnellement centralisée : la sonde de détection de présence parle à la box domotique. La box domotique s’adresse au régulateur du chauffage. Il n’y a pas de dialogue direct entre la sonde et le régulateur. Si la box est en panne, plus d’intelligence.
- Le protocole Weave est utilisé par les produits Nest depuis l’origine. Mais Nest l’a ouvert à d’autres fabricants en juin 2015. © Nest
Les bénéfices du dialogue Peer to Peer
Pourtant, les bénéfices du dialogue direct sont importants. Chaque appareil doit bien sûr disposer d’une petite puissance de traitement électronique pour interpréter les informations qui lui parviennent et décider des actions à prendre.
Mais au prix des processeurs, ce n’est plus un obstacle. Par exemple, la sonde de présence n’a détecté personne depuis 15 minutes ? Le régulateur place le chauffage en veille sans que la box domotique le lui ordonne.
Un réseau Peer to Peer est plus robuste qu’un réseau en étoile. Il continue de fonctionner même si la box – le centre de l’étoile – est en panne. La box devient juste le réceptacle des scénarios de programmation – mode vacances, mode week-end, etc. –, assure le contrôle-commande en relayant les ordres des occupants et sert de passerelle vers internet pour connecter le logement. Pour le reste, les appareils d’un réseau Peer to Peer gèrent eux-mêmes les divers évènements qui surviennent localement.
- L’intérêt de Weave est de permettre une communication d’égal à égal (Peer to Peer) entre appareils, sans passer par un point central. © Nest
Des profils d’appareils
Afin que cela fonctionne correctement, il faut définir des « profils fonctionnels » pour chaque type d’appareil : qu’est-ce qu’un régulateur de chauffage centralisé ? De quelles informations a-t-il besoin, sur quoi peut-il agir, quelles sont les variables qui le définissent, dans quelles unités et comment sont-elles exprimées, etc.
Même chose pour la serrure connectée, la porte de garage, la vanne d’arrosage automatique, les régulateurs de chauffage de chaque pièce (robinet thermostatique motorisé, etc.), pour les disjoncteurs connectés ou les caméras sur IP.
Cela permet au régulateur de chauffage de reconnaître que la sonde de détection de présence dispose d’une information dont il a besoin et à la sonde de l’envoyer. La définition de ces profils-types, si leur emploi est rigoureusement vérifié par une certification, est le seul moyen d’assurer une parfaite interopérabilité entre les appareils.
- L’interopérabilité entre les appareils compatibles Weave est rendue possible par la définition de profils fonctionnels pour chaque type d’appareils.
L’interopérabilité, clef du développement de la domotique
Dans le monde BACNet, en GTB, c’est le cas depuis longtemps. Un régulateur terminal de ventiloconvecteur 4 tubes piloté en BACNet MS/TP, par exemple, est reconnu par le régulateur de zone et piloté de la même manière, qu’il soit fabriqué par Keeback&Peter ou par Schneider Electric.
Une bonne utilisation de ces profils lève, comme par magie, le principal obstacle au développement commercial de la domotique. Une serrure connectée Yale Locks sous Weave se comportera exactement comme une serrure connectée Fichet sous Weave : si elles respectent le profil Weave, elles sont interopérables.
C’est-à-dire que le client final et son serrurier peuvent choisir l’une ou l’autre, pour les raisons qui leur sont propres, mais en ayant la certitude qu’elles réagiront de la même manière. Les critères de choix s’élargissent : résistance à l’effraction, disponibilité, prix, etc. Evidemment, tout n’est pas rose tout de même : Weave est ouvert, mais toujours contrôlé par Nest qui peut en faire ce qu’il veut.
Les profils peuvent s’agréger, comme on assemble des briques Lego. Par exemple, les profils sonde de température et lumière sont englobés dans le profil composite "four" qui a besoin à la fois de gérer son éclairage interne et la température de son enceinte.
Dans Weave, il n’y a rien à jeter
L’intérêt de Nest est cependant de constituer un écosystème suffisamment attractif pour que d’autres industriels s’y rallient et que l’ensemble devienne plus séduisant pour le client final et ses installateurs. Nest ne fabrique pas de disjoncteur, ni de vanne motorisée, par exemple. Pourtant, une installation domotique complète en a besoin.
Weave présente aussi un intérêt pour les installateurs. Ce n’est pas l’électricien qui va poser l’électrovanne pour l’arrosage de la pelouse, ni le plombier que placera un disjoncteur connecté dans le tableau électrique. Pourtant tous deux peuvent collaborer au développement d’une installation qui exploite un protocole tel que Weave.
Il ne lui manque plus que l’auto-déclaration : la vanne d’arrosage proclamant qu’elle est maintenant sur le réseau, indiquant ce qu’elle sait faire et les informations dont elle a besoin. Ce qui supprimerait tout besoin de configuration. Nous n’en sommes pas encore là, mais il n’est pas impossible d’y parvenir.
Weave est une septième couche
Dans cette succession d’articles sur la domotique, nous vous avons beaucoup parlé des 7 couches du modèle logique des protocoles de communication. Weave réside avant tout dans la couche 7. C’est un protocole radio qui fonctionne en IPv6 et concerne avant tout les applications.
Il peut donc tourner sur un réseau Thread, sur un réseau WiFi ou sur tout réseau compatible avec les grands standards des couches 1 à 6. Lorsque Weave fonctionne sur Thread, il hérite de la structure en toile d’araignée (Mesh structure) et de la solidité qui va avec.
Nest envisage même de le porter sur les réseaux câblés en Ethernet, ainsi que sur la prochaine version du standard Bluetooth. Weave est également compatible avec différentes topologies de réseau : en étoile, en râteau, en série, etc. Weave est capable de rassembler des appareils raccordés sur plusieurs réseaux à topologies différentes. Ce qui constitue un bon point pour l’évolutivité des installations domotiques.
- Plusieurs grands industriels mondiaux ont adopté à la fois Thread (couche 3 à 6) et Weave (couche 7) pour prendre place dans l’écosystème que Nest est en train de bâtir. On n’en connaît pas la liste exacte pour l’instant.
Des échanges sécurisés
Les communications sur Weave sont particulièrement sécurisées. Le protocole ajoute une couche de sécurité aux couches réseaux. La plupart des échanges sont codés selon plusieurs clefs propres à chaque réseau Weave : une clef pour les application confort thermique (chauffage, rafraîchissement et ventilation), une autre pour les accès, une troisième pour l’éclairage, etc.
Nest applelle ça les "Application Planes" ou univers d’application. Mais en plus de ces différentes clefs, pour des communications particulièrement sensibles – celles de la serrure connectée, par exemple – les appareils Weave peuvent créer des clefs particulières pour une session d’échange entre deux appareils : la serrure et la détection de présence, par exemple.
La clef de codage changera alors à chaque échange. Si jamais l’échange précédent avait été intercepté, cela ne compromet pas la sécurité puisque l’échange suivant sera codé différemment et qu’une clef de codage ne peut être utilisée deux fois.
- Nest a prévu trois modes de participation à son écosystème.
Et les App ?
Nest a prévu plusieurs types de fonctionnement pour les univers Weave et Nest. Une entreprise peut simplement concevoir une App (application) qui tire parti des informations générées par les appareils Nest et fonctionne avec un service cloud particulier.
Un industriel peut également utiliser Weave, son propre appareil compatible – Hue de Philips Lighting, par exemple -, son propre service cloud et son App dédiée. Ou bien, il peut développer son appareil compatible Weave, passer par le service cloud de Nest et incorporer les fonctionnalités de son appareil à l’App Nest.
C’est le choix de Yale avec sa serrure connectée compatible Thread et Weave. Plusieurs industriels devraient exposer des solutions compatibles Weave lors du salon Light+Building de Francfort la semaine prochaine, dont Osram et son offre LIGHTIFY, mais aussi LG, Crestron et Elan. Nous parviendrons peut-être même a trouver une liste exhaustive des utilisateurs du protocole Weave.
Source : batirama.com / Pascal Poggi