La filière du biogaz dans l’attente de la rentabilité

Quels sont les enjeux et perspectives pour le marché et les différents acteurs du biogaz à moyen terme ? Xerfi* fait le point.

La filière française du biogaz décolle progressivement. Estimée à 390 millions d’euros en 2015, son chiffre d’affaires devrait plus que doubler pour s’établir à 920 millions d’euros d’ici 2020, selon les prévisions des experts de Xerfi.

 

Mais attention à ne pas verser dans l’euphorie. Les objectifs fixés pour la filière à l’horizon 2020 ne seront pas totalement atteints et beaucoup reste à faire pour assurer son développement à plus long terme.

 

Au-delà des nouveaux mécanismes de soutien public attendus, c’est surtout la structuration de la filière qui s’impose aujourd’hui comme une nécessité.

 

Un segment toujours porteur

 

A moyen terme, le potentiel de croissance de la filière du biogaz ne fait aucun doute. Les revenus des exploitants augmentent, portés par une hausse de la consommation finale de biogaz en 2015 (+10%).

 

Celle-ci devrait encore doubler d’ici 2018, d’après les prévisions des experts de Xerfi. En parallèle, plusieurs sites de méthanisation sont sur le point de voir le jour, à l’image de Schmack Biogas à Epaux-Bézu (02) ou encore de Terregr’eau à Evian (74).

 

Les agriculteurs et les STEP (stations d’épuration) sont notamment toujours plus nombreux à s’équiper de méthaniseurs pour valoriser leurs déchets et dégager un complément de revenus.

 

Un environnement réglementaire favorable

 

Les professionnels du biogaz bénéficieront également d’un environnement réglementaire favorable. La loi sur la transition énergétique a fixé de nouveaux objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de développement de l’économie circulaire à l’horizon 2020-2030.

 

Pour y parvenir, des mesures supplémentaires ont été adoptées pour soutenir les énergies renouvelables, dont le biogaz. Par exemple, les unités agricoles de méthanisation sont désormais exonérées de taxes et de cotisations foncières, tandis que les tarifs d’électricité à partir de biogaz ont été revalorisés fin 2015.

 

Des résultats inférieurs aux objectifs

 

Les objectifs fixés pour 2020 restent cependant hors de portée compte tenu de l’évolution actuelle. Trop de retard a été accumulé, que ce soit en termes de consommation finale ou de déploiement des unités de méthanisation à la ferme.

 

Pour arriver à l’objectif fixé de 1000 unités en 2020, il faudrait en effet créer plus de 150 nouvelles unités par an entre 2016 et 2020, contre seulement 50 par an sur la période 2012-2015.

 

Quant aux « 1 500 projets de méthanisation » du ministère de l’Ecologie, ceux-ci ne seront opérationnels qu’après 2020. Sans compter l’essoufflement de certains débouchés, notamment dans le domaine de la cogénération ou de l’installation de méthanisation-TMB (traitement mécano-biologique) et de biogaz issu de déchets industriels, qui grève le potentiel de croissance de la filière.

 

Des problèmes techniques non anticipés

 

Mais ce sont surtout les nombreux problèmes techniques non anticipés qui ont freiné le développement de la filière, jusqu’à entraîner la mise à l’arrêt de certaines unités, comme à Fos-sur-Mer (13) ou à Varennes-Jarcy (91).

 

Les sites ne fonctionnent pas au maximum de leurs capacités, sans parler des surcoûts ainsi engendrés. Les principales difficultés rencontrées concernent l’inadaptation du matériel par rapport aux intrants et le manque de fiabilité du matériel et du réseau local.

 

Au final, la rentabilité n’est pas toujours au rendez-vous. Parmi un panel Xerfi d’entreprises qui exploitaient des unités de valorisation du biogaz en fonctionnement, près de 40% d’entre elles affichaient un taux de résultat d’exploitation négatif en 2014.

 

L’Etat incontournable

 

Décidément incontournable, l’Etat sera sollicité pour insuffler une nouvelle dynamique à la filière. Un arrêté doit paraître prochainement pour garantir un prix d’achat pendant 20 ans, au lieu de 15 actuellement, pour les méthaniseurs d’une puissance de moins de 500 kWe.

 

Les experts de Xerfi émettent cependant des réserves sur l’effet réel de ce dispositif, indexé sur les prix dans l’industrie au vu des pressions déflationnistes persistantes. Pour les unités de plus de 500 kWe, des appels d’offres seront mis en place en guise de complément de rémunération.

 

Enfin, la procédure d’autorisation unique entrera en vigueur sous peu, simplifiant les démarches tout en les accélérant pour les porteurs de projets de sites de méthanisation.

 

Une montée en compétence attendue

 

Mais ce n’est qu’avec la montée en compétence de la filière et sa structuration que celle-ci pourra vraiment devenir incontournable dans le secteur de l’énergie. Surtout, il est nécessaire que des leaders émergent.

 

Certains acteurs ont d’ores et déjà consolidé leurs positions, à l’image de Naskeo Environnement avec le rachat de Méthajade ou de Dalkia avec Verdesis. Ces acquisitions permettent de renforcer les expertises, de créer des synergies et de réaliser des économies d’échelle.

 

Les professionnels devront également saisir toutes les opportunités liées aux procédés autour du biogaz, à l’image du biométhane carburant et de la trigénération. Autre piste envisagée, le digestat (produits résidus de la méthanisation) constitue un fertilisant naturel alternatif aux produits chimiques. Sa revente peut permettre aux acteurs du biogaz d’atteindre l’équilibre économique. Mais des verrous réglementaires doivent encore être levés.

 

*Xerfi vient de publier une étude sous le titre : « Le marché français du biogaz à l’horizon 2020 - Biogaz injecté, cogénération, biométhane carburant, etc. : quels enjeux et perspectives pour le marché et les différents acteurs à moyen terme ? »

 

photo ©artaim-conseil.fr



Source : batirama.com

↑ Allez en Haut ↑