Produire du froid thermochimique sans compression, c'est possible !

Produire du froid à partir de chaleur, sans compression, est déjà possible et fait l?objet de premières applications en froid commercial.

Avec le soutien du Pôle Derbi de Perpignan, le laboratoire Promes du CNRS à l’Université de Perpignan développe des solutions de froid thermochimique réversibles à partir de chaleur solaire.

 

Promes travaille sur des solutions thermochimiques capables de fonctionner à partir de sources de chaleur primaire, essentiellement solaire ou récupération de chaleur fatale, dans des températures de 30 à 600°C.

 

Il ne s’agit pas de mettre au point des pompes à chaleur à absorption, mais des réacteurs thermochimiques réversibles, sans mouvement de liquide.

 

Des réacteurs thermochimiques

 

Les recherches portent sur quatre éléments : le solide actif (celui qui se soumet à une réaction chimique), le composite réactif (qui permet le transfert de la chaleur d’un point à un autre), le réacteur (diffuseur/échangeur de chaleur) dans lequel tout cela se déroule et la compréhension profonde du procédé de manière à l’adapter à différents types d’usages.

 

Le fonctionnement est relativement simple. Il fait appel à une réaction chimique élémentaire entre trois composants - de l’ammoniac, des sels (ici du chlorure de Baryum) et du graphite -, dans deux conteneurs – le réacteur et l’évaporateur – réunis par un circuit fermé par une vanne.

 

L’ammoniac est un fluide naturel, toxique et légèrement inflammable, mais sans effet ni sur la couche d’ozone, ni sur le réchauffement de l’atmosphère : on ne peut pas tout avoir ! Au début du procédé, la vanne entre le réacteur et l’évaporateur est fermée.

 

Dans le réacteur se trouvent les sels de Barium et le graphite. Mélangé aux sels de Baryum, le graphite a simplement pour mission d’accélérer le transfert de chaleur à travers ces sels. L’évaporateur est pour sa part partiellement rempli d’ammoniac liquide. Une partie de l’ammoniac liquide s’évapore, remplit le reste de l’évaporateur et la moitié du circuit jusqu’à la vanne fermée.

 

 

1. Avec de l’ammoniac, des sels de Baryum et du graphite, plus des réservoirs en acier inoxydable, PROMES a développé une solution de production de chaleur et de froid simultanément, indéfiniment réversible, sans compression, sans alimentation électrique, sans bruit et sans fluide dommageable pour la couche d’ozone ou pour le réchauffement planétaire. ©Coldway?

 

Production simultanée de chaleur et de froid

 

Lorsque la vanne s’ouvre, sans aucun apport d’énergie extérieur et par simple différence de pression entre l’évaporateur (pression plus haute) et le réacteur (pression plus basse), l’ammoniac sous forme de gaz se déplace vers le réacteur, diminuant la pression dans l’évaporateur, ce qui provoque l’évaporation de l’ammoniac liquide qu’il contient et donc une absorption de chaleur (production de froid) autour de l’évaporateur.

 

Dans le même temps, l’ammoniac arrive sous forme de gaz dans le réacteur, est adsorbé dans les sels de Baryum, ce qui produit de la chaleur. Le système développé par Promes produit donc simultanément de la chaleur et du froid, mais seulement lorsque la vanne est ouverte.

 

Elle peut demeurer indéfiniment fermée, sans que le système ne perde rien de sa capacité de production de chaleur et de froid. Ce qui en fait une sorte de pile thermique réversible. Une fois tout l’ammoniac évaporé dans l’évaporateur et adsorbé dans le réacteur, la réaction s’achève. Elle est réversible. Il faut réchauffer le réacteur par un apport de chaleur externe.

 

Ce qui provoque une désorption de l’ammoniac adsorbé dans les sels de Baryum (une décompression des sels qui produit de l’ammoniac sous forme de gaz) et, à nouveau sous le simple effet de la différence de pression entre le réacteur (pression plus forte) et l’évaporateur (pression plus faible), l’ammoniac se transfère sous forme gazeuse vers l’évaporateur où il se condense. Ce cycle peut être reproduit à l’infini.

 

 

1. Dans le réacteur, le graphite est mélangé aux sels de Baryum et, grâce à son excellente conductivité thermique, améliore la diffusion de chaleur. Ce qui accroît le rendement et réduit le temps de régénération du réacteur. ©PP

 

Pour quels usages ?

 

Le laboratoire Promes imagine plusieurs emplois pour sa technologie de froid thermochimique. Le premier qu’il expérimente en grandeur nature dans ses locaux est une application de rafraîchissement solaire un peu complexe, faisant appel à des matériaux à changement de phase (MCP ou plus souvent PCM pour Phase Changing Material selon l’acronyme anglais).

 

Ici, il s’agit de paraffine. Un réacteur est couplé à des panneaux solaires thermique en toiture du laboratoire. Durant la journée, ces capteurs fournissent la chaleur externe nécessaire à la régénération du réacteur. A l’inverse, durant la nuit, l’ammoniac liquide est vaporisé dans l’évaporateur pour absorber de la chaleur et descendre à 5°C la température d’un stock de paraffine.

 

Cette paraffine à 5°C est utilisée le lendemain pour rafraîchir une salle de conférence de 120 m² grâce à un circuit d’eau glacée, capable d’absorber 40 W/m² dans la salle. La puissance froid obtenue est de 1,2 kW/m² de capteur solaire.

 

 

1. Le premier emploi du système a consisté à rafraîchir une salle de réunion dans les locaux du laboratoire PROMES. Le froid est produit la nuit, stocké dans de la paraffine à changement de phase, puis diffusé dans la salle de réunion dans la journée. Dans le même temps, des capteurs solaires thermiques apportent de la chaleur pour régénérer le reacteur. ©PP

 

Des solutions autonomes pour les télécommunications

 

Deuxième application similaire pour refroidir les locaux techniques d’installations de télécommunication dans des climats désertiques. Un abri télécom porte des capteurs solaires thermiques et contient le système réacteur/évaporateur, l’ammoniac et le mélange sels de Baryum/graphite, ainsi que le stockage de paraffine.

 

Le but est de maintenir à 18°C la température intérieure du local technique pour préserver les équipements de télécommunication et maximiser leur durée de vie. La puissance froid fournie est de 300 W/m² de capteur solaire thermique.

 

Le laboratoire Promes a également aboutit au lancement de la start-up Coldway. Créée en 2001 par Laurent Rigaud et Francis Kindbeiter et installée à Pia, Coldway a raffiné le procédé, développé des produits pour la chaîne du froid et emploie une trentaine de personnes.

 

Son chiffre d’affaires atteint déjà 2,8 millions d’euros, en croissance de 50% par an depuis trois ans. Coldway propose cette technologie sous deux formes : des produits sur catalogue et, pour d’autres fabricants, la possibilité d’intégrer soit le système, soit la technologie Coldway dans leurs propres produits. Un peu comme « Intel Inside ».

 

 

1. Promes a mis au point un système pour rafraîchir le matériel de télécommunication installé dans des climats désertiques. Les panneaux solaires thermiques fournissent l’énergie pour régénérer le réacteur. Le froid produit sert à maintenir le local technique à une température de 18°C, par des températures ambiantes extérieures pouvant atteindre 50°C, sans compression. ©PP

 

La chaîne du froid

 

Coldway a développé toutes une gamme industrielle de caisses de transport, de rolls (chariots à roulettes), de conteneurs isothermes, réfrigérés et autonomes de 75 à 2 000 l. Sans moteur ni alimentation électrique, ces équipements permettent de transporter des produits périssables pendant 24 ou 48 heures à des températures comprises entre 2 et 8°C, avec une précision de la régulation de température de ±2°C.

 

A ce jour, plus d’un millier de centeneurs Coldway de la gamme Alcatherm sont en fonctionnement dans le monde dans la santé et le transport de produits alimentaires. Le prochain marché visé par Coldway est celui des véhicules électriques qui doivent offrir le même confort, notamment le chauffage et la climatisation, que les véhicules équipés de moteurs à explosion. Mais chauffage et climatisation sont de gros consommateurs d’électricité.

 

La solution Coldway, qui produit toujours du froid et de la chaleur en même temps, apporte une bonne réponse. Ainsi d’ailleurs qu’au problème du réchauffement des batteries Lithium-ion, dont les véhicules électriques sont équipés. Lorsque la réaction est terminée, il faut naturellement régénérer le réacteur à l’aide d’électricité, de chaleur fatale, de solaire thermique, etc.

 

Dans son activité OEM, Coldway a traité avec un fabricant américain de chariots chaud/froid pour la distribution de repas dans les hôpitaux et maisons de retraite. Il est également en cours de discussion avec un leader mondial du froid mobile.

 

 

1. Les premières applications Coldway se trouvent en froid mobile, notamment cette mallette de transport médicale. ©PP

 

 

1. Coldway a développé pour Chronopost des containeur réfrigérés, pour le transport et la livraison de denrées périssables. ©Chronopost

 

 

Source : batirama.com / Pascal Poggi