Journée de la géothermie (3/3) : comment soutenir les réseaux de chaleur ?

Si les pouvoirs publics fixent un objectif de 500 ktep en 2020 aux réseaux de chaleur, les professionnels de la géothermie ne sont pas dupes de la préférence pour la biomasse.

En 2014, alors que le débat sur la loi de transition énergétique battait son plein, les professionnels de la géothermie soulignaient que sa contribution à la production de chaleur collective atteignait déjà 100 ktep.

 

Le texte de loi paru mi-août 2015 ouvrait alors le champ des possibles : un objectif de 500 ktep en 2020, dont 250 pour le collectif et le tertiaire. Comment tenir le défi ? D’ores et déjà, le constat est positif : on comptait 33 doublets géothermiques en exploitation en 2008 ; ils sont 44 en 2016. La puissance consommée a ainsi bondi de 795 GWh en 2011 à 1 044 en 2013.

 

Par ailleurs, les gisements et les technologies évoluent. Si, depuis la fin des années 60, le bassin parisien est foré jusqu’au dogger (environ -1 300 m), des niveaux géologiques telles que l’albien ou le néocomien commencent à produire de l’énergie, respectivement à Issy-les-Moulineaux et au Plessis-Robinson. Des projets en Île-de-France envisagent d’aller jusqu’au trias.

 

De nouvelles couches écologiques exploitables

 

En Aquitaine aussi, la filière est aussi à la recherche de nouvelles couches géologiques exploitables et adaptées aux nouveaux besoins de chaleur. De telles initiatives imposent de rédiger correctement les cahiers des charges et de débattre entre professionnels pour éviter toute contre-références, notamment la pollution des nappes.

 

L’entrée en activité de ces nouveaux forages et de ces pratiques coïncident avec de nouveaux équipements et usages. En premier lieu, pour les sites producteurs d’une eau à plus basse température que les forages classiques, la ressource peut désormais être portée à 120-140 °C à l’aide de pompes à chaleur haute température ; à noter que les rejets « froids » sont d’une température de 100 °C ! Ce qui permet de les exploiter utilement pour toutes sortes d’autres usages.

 

Johnson Controls – notamment son département de production d’unités de réfrigération York – a longuement travaillé avec EDF sur ce sujet. Les groupes thermodynamiques sont sortis des laboratoires de R&D pour figurer au catalogue de ce fournisseur.

 

Transfert des technologies pétrolières au secteur civil

 

Initialement mis au point pour les besoins de l’industrie, ce type d’équipement trouve des débouchés sur les réseaux urbains de chaleur. Pour Frédéric Alleaume, de Johnson Controls, recommande aux investisseurs d’apprécier cette technologie sous les angles de l’équilibre techno-économique, du type de fluide (en l’occurrence du 245 fa, un HFC de type pentafluoropropane produit par Honeywell). Dix installations sont envisagées dès 2017.

 

Au chapitre des usages nouveaux figurent les réseaux de chaleur distribuant une eau à une température basse. Aux besoins classiques de 80 à 90 Gwh/an succèdent des quartiers ne consommant que 35 à 50 Gwh/an.

 

L’amélioration de l’exploitation des gisements passe aussi par la poursuite du transfert des technologies pétrolières à ce secteur « civil ». Trois font particulièrement parler d’elles actuellement.

 

Chemisage des anciens forages

 

La première est le chemisage des anciens forages avec des tubages en fibre de verre. Testé à Chevilly-Larue et à La Haye les Roses, ce matériau utilisé pour la réparation de forages chemisés en acier et fortement corrodés a permis de conserver le dédit initial grâce à la faible perte de charge causé par la surface interne lisse.

 

Les autres arguments sont à l’avenant : une bonne adhérence au forage antérieur, un faible poids et une logistique limitée à deux camions pour les deux puits… Les travaux ont cependant été plus lents – il a fallu deux jours de plus que prévu par puits. On s’oriente désormais vers des doublets neuf en fibre de verre. Un second forage avec des éléments en fibre de verre sera réalisé par GFC Services pour le Musée du Monde Polaire, à Prémanon, dans le Jura

 

La seconde innovation est la création de plateformes de forage très compactes – une emprise au sol de seulement 55 m sur 35 m –, moins bruyantes (85 dB à 1 m) et capable de traiter tous leurs effluents. Idéales pour les chantiers urbains, son fabricant SMP commence à la diffuser avec succès.

 

La dernière adaptation technologique est le forage horizontal. Il est désormais possible de négocier des angles jusqu’à 87 °, ce en associant des rotations radiales. Ce qui permet de rechercher toutes les possibilités de captage de la source géothermale ; notamment, ces modes de forage complexes permettent de différer l’apparition de la « percée thermique », responsable de l’affaiblissement de température des doublets.

 

Capitaliser le savoir-faire

 

Pour diffuser leurs bonnes pratiques, les professionnels se reposent sur les acquis de la trentaine de forages réalisés entre 2007 et 2015. Des fiches de retours d’expériences sur ces puits, leur cimentation, les possibilités de déviations, les durées de séchage des bétons de comblement, le tubage en composite… sont en cours de rédaction. Douze sont finalisées, six en réalisation.

 

Ces documents, essentiellement produits par l’Ademe, ont pour vocation, selon Norbert Bommensatt, d’améliorer les forages et leurs coûts, d’appliquer les meilleures méthodes et solutions sans surenchères techniques et budgétaires. Le but est de mettre sur pied une filière efficace tant sur les aspects techniques, juridiques – contrats, garanties… – que financiers – l’investissement et son retour, les aides…

 

Avec près de cinquante années d’expérience, les acteurs de la filière expriment clairement qu’une accélération de l'activité passe par une maîtrise de l’ensemble de ces données.

 

Réduire les contraintes administratives

 

L’un des enjeux est de réduire systématiquement le délai entre la décision de forer et l’exploitation du site. Actuellement, il est d’au moins quatre ans.

 

Dès son lancement technique et afin de le contenir, il est important de suivre la capacité du forage – puissance, débit au regard de la température des besoins « en surface » – et surtout d’établir, parallèlement à l’organisation du chantier, « une matrice de risques » pour imaginer les solutions de repli en cas de dérive par rapport à l’étude (température, débit, possibilités de réinjection…).

 

Ce management des projets désormais partagé et perçu comme indispensable pour leur réussite et la fourniture du kilowattheure livré le moins cher.



Source : batirama.com / Bernard Reinteau

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