Comment un bâtiment énergivore devient Bepos avec le photovoltaïque

MyLight Systems a installé et pilote une installation photovoltaïque en autoconsommation dans un immeuble parisien, initialement non isolé et chauffé avec des convecteurs électriques.

Ce bâtiment de 5 niveaux rue Lecourbe dans le XVe arrondissement de Paris date de la fin du XIXe siècle. Il est en totalité détenue par une seule propriétaire qui, en 2014, a décidé de le rénover et d’améliorer significativement son efficacité énergétique. Elle partait de loin. Le bâtiment n’était pas isolé et le chauffage était assuré par des convecteurs électriques classiques.

 

Le bâtiment a été isolé par l’intérieur à l’aide de panneaux de doublage laine de chanvre/plâtre. Les sols entre niveaux ont été isolés à l’aide de laine de chanvre en vrac. L’éclairage a été remplacés par des luminaires équipés de LEDs. Les fenêtres ont été changées.

 

Les vieux convecteurs électriques ont été déposés et remplacés par des pompes à chaleur air/air Daikin. Sous le nom pompe à chaleur air/air, l’industrie de la climatisation à réussi au fil des années à déguiser ses classiques monosplits et multisplits.

 

La production d’ECS est prise en charge par des ballons électriques. Le bâtiment a été réhabilité en entier, mais trois appartements et un local à usage de bureau bénéficient en plus de l’apport énergétique de panneaux photovoltaïques installés en toiture.

 

Ce bâtiment de la rue Lecourbe à Paris date de la fin XIXième siècle. Il n'était pas isolé et chauffé à l'aide de simples convecteurs électriques. Une isolation par l'intérieur et entre niveaux a été ajoutés. les convecteurs ont été remplacés par des pompes à chaleur air/air. doc. PP

 

L’autoconsommation photovoltaïque

 

Début 2014, Julien Sécheresse (AJSA – Atelier Julien Sécheresse Architecte-), l’architecte chargé de l’opération rencontre MyLight Systems. Créé en 2014 seulement par Ondine et Virgil Suavet, MyLight Systems fabrique des solutions intelligentes – matériels + logiciels – pour maximiser l’autoconsommation solaire.

 

MyLight Systems explique à AJSA qu’il n’est pas interdit de poser du photovoltaïque en plein centre de Paris, même si ce n’est pas toujours simple. Et que sur ce bâtiment rue Lecourbe, on peut sans doute atteindre plus de 20% de couverture des besoins annuels d’électricité grâce à une autoconsommation d’électricité photovoltaïque produit sur place.

 

Après étude précise, la propriétaire du bâtiment se lance dans cette première opération d’autoconsommation intelligente dans Paris.

 

L'isolation des planchers par de la laine de chanvre, refermée par une chappe sèche a non-seulement réduit la transmission de chaleur entre niveaux, mais aussi amélioré le bilan acoustique. doc. PP

 

Deux ans de tractations, trois jours de travaux

 

Comme le souligne délicatement Ondine Suavet, dans cette opération, la Ville de Paris a été à la fois un obstacle récurrent et un soutien puissant. L’étude montrait que le dimensionnement optimal pour ce bâtiment était de 130 m² de panneaux. En Mai 2014, Dépôt de la déclaration préalable de travaux auprès des services de l’urbanisme parisien. Retour de la ville : enlevez 30 % des panneaux. Ce qui ruinait l’intérêt du projet.

 

A la Direction de l’Urbanisme de la Ville de Paris, MyLight Systems rencontre un interlocuteur plus ouvert et convaincu de l’intérêt de l’opération. Surtout dans une agglomération dotée d’un Plan Climat et dont la municipalité affiche régulièrement son désir de contribuer de manière exemplaire à la protection de l’environnement.

 

Ce nouvel interlocuteur – qui restera anonyme bien que l’on souhaite ardemment élever un monument en son honneur – convainc son collègue de reconsidérer sa position. Soulagement !

 

Les travaux de pose des panneaux photovoltaïques n'a duré que trois jours pour 55 panneaux mis ne oeuvre en surtoiture. doc. MyLight Systems

 

Pas de panneaux sur la rue

 

Mais voici qu’entre en scène l’Architecte de Bâtiment de France (ABF) qui décide que l’on ne peut pas mettre de panneaux photovoltaïques sur la pente du toit donnant sur la rue Lecourbe. Sans doute la vue de ces panneaux depuis le trottoir d’en face la rue était inacceptable ? Non, le toit n’est pas visible.

 

Depuis le 1er étage de l’immeuble d’en face, alors ? Pas davantage. Ni du second, du troisième, du quatrième ou du cinquième étage. Il faut grimper au 6e étage de l’immeuble d’en face pour apercevoir le pan toit qui aurait porté des panneaux photovoltaïques.

 

Mais, un ABF est indépendant. Bref, après nombre d’allers et retours, 90 m2 soit 55 panneaux photovoltaïques SolarWorld ont été installés en 3 jours en septembre 2015. Ensuite, il a fallu convaincre Enedis (ex-ErDF).

 

90m² de panneaux SolarWorld fourniront une puissance nominale de 15 kWc

 

Convaincre Enedis

 

En effet, lorsque cette opération a été lancée, l’autoconsommation collective, définie par l’ordonnance du 27 juillet 2016, parue au JO du 28 juillet 2016, n’était pas encore autorisée. Il a donc fallu convaincre Enedis qu’il ne s’agissait pas de production, puis de revente d’énergie – Vade Retro, Satanas ! – mais plutôt d’autoconsommation avec réduction des charges pour les occupants du bâtiment. Ce qui était parfaitement légitime.

 

Les tractations ont donc abouti à une solution un peu complexe. Aujourd’hui, une opération similaire s’inscrirait dans le cadre de l’autoconsommation définie par l’ordonnance de juillet 2016 et poserait nettement moins de difficultés administratives.

 

Le bâtiment, grâce au fait qu’il est entièrement propriété d’une seule personne, produit de l’électricité photovoltaïque, l’autoconsomme et revend le surplus avec un unique contrat de revente. Le compteur de vente du surplus a été raccordé en juin 2016. MyLight Systems s’attend à ce que seulement 5% de la production PV annuelle soit revendue au réseau, principalement en août.

 

Les automates MyLight Systems sont montés dans le tableau général basse tension. doc. MyLight Systems

 

Réduction des charges

 

Les locataires des trois appartements et du bureau n’ont pas investi dans l’installation. Mais ils en perçoivent les bénéfices sous forme d’une réduction de leurs charges. MyLight Systems a installé des compteurs individuels qui ne servent pas à revendre l’électricité photovoltaïque – ce qui serait autorisé aujourd’hui -, mais à répartir la réduction des charges.

 

Les 3 logements et le bureau ont par ailleurs chacun un compteur Enerdis et achètent leur électricité au fournisseur de leur choix. Simplement, l’électricité photovoltaïque produit sur le toit et qu’ils autoconsomment vient naturellement en diminution de leurs achats de kWh auprès du fournisseur qu’ils ont choisi.

 

Ces kWh autoconsommés sont répartis dans leurs charges collectives à partir des enregistrements des compteurs MyLight Systems et sur la base d’un prix inférieur de 15% au prix du kWh Heures Creuses du Tarif Bleu. Soit 0,127 €/KWh (heures creuses Tarif Bleu 2016) – 15% = 0,09525 €/kWh.

 

Pour gérer finement les charges, des prises pilotables permettent de mettre en route ou de couper certains équipements dans le but de favoriser l'autoconsommation. doc. MyLight Systems

 

55 panneaux photovoltaïques

 

Le branchement du dernier appartement à l’installation PV a été réalisé en septembre 2016. L’installation comporte 55 panneaux, pour une surface totale de 90 m² et puissance de 15 kWc. Elle est construite d’une manière tout à fait spéciale.

 

D’abord, chaque panneau est raccordé à un micro-onduleur EnPhase, au lieu de raccorder plusieurs panneaux en chaîne à un onduleur. Cela permet de basculer la production des panneaux vers l’un ou l’autre des locaux alimentés.

 

Chacun des 3 appartements est alimenté par 4 panneaux SolarWorld, dont la production lui est affectée. En plus, selon leur surface, chaque appartement peut compter sur des panneaux supplémentaires dont la production peut être commutée vers le bureau ou vers un appartement en forte demande en cas de besoin : 12 panneaux pour l’appartement 1, 7 pour l’appartement 2 et 6 pour l’appartement 3. Le bureau, pour sa part, est alimenté par 18 panneaux, soit environ 5 kWc pour couvrir ses besoins de base.

 

Dans chaque logement, comme l'indique Ondine Suavet de MyLight Systems, un boîtier gère les circuits pour maximiser l'autoconsommation. doc. PP

 

Un pilotage fin

 

L’ensemble est géré par les automates et les logiciels de MyLight System dans le but de maximiser l’autoconsommation. La production des panneaux affectés à chaque local couvre ses besoins de base : les boxes diverses, les réfrigérateurs dans les logements, la bureautique dans le bureau, etc.

 

Au-delà, MyLight Systems dirige la production PV en priorité vers les logements, puis vers le bureau. Les logements ont tendance à consommer le matin, en fin d’après-midi et le week-end. Tandis que le bureau consomme uniquement en journée et pas le week-end.

 

Le système commute donc la production vers le bureau durant la journée. Lorsque la demande est faible, le système charge les ballons d’eau chaude des logements jusqu’à la température maximale acceptable. Si il reste de la production non-autoconsommable, elle est dirigée vers le réseau à travers le compteur de revente.

 

Lorsque la consommation est importante, en revanche, MyLight peut interrompre temporairement le fonctionnement de certains appareils, sans nuire au confort des occupants du local : les réfrigérateurs et congélateurs, la production d’ECS en fonction de la température dans les ballons, le chauffage, etc. Au total,

 

Pour la commutation de puissance des circuits issus des champs de panneaux photovoltaïques, MyLight Systems s'est associé avec Schneider Eletric et pilote ses commutateurs montés au tableau basse tension principal du bâtiment.doc. PP

 

Des Applications individuelles

 

Chaque occupant des logements et du bureau bénéficie d’une application MYL2.0 qui fournit une vision précise et détaillée du fonctionnement de l’installation. Elle permet de stocker des historiques et de commander à distance les prises actionnables.

 

MYL2.0 est disponible sur ordinateur Windows ou Mac OS, sous Android et sous iOS (iPhones) sur smartphones et tablettes. Pour le pilotage du chauffage électrique zone par zone, MyLight a par ailleurs conclu un partenariat avec Schneider Electric.

 

Les deux entreprises ont conjointement développé GreenPlay, une application de pilotage du chauffage avec thermostat intelligent. Ce thermostat est accessible et pilotable de n’importe où dans le monde grâce à l’application MYL2.0. GreenPlay fonctionne de manière un peu inhabituelle.

 

Si l’installation PV produit et que le ballon d’ECS est déjà à température, elle déclenche le chauffage électrique durant la journée. Le but est à la fois de maximiser l’autoconsommation PV et de préchauffer le logement durant la journée. MYL2.0 sait aussi piloter le chauffage à eau chaude, quelle que soit l’énergie utilisée par la chaudière.

 

Chaque occupant dispose d'une application sur Smartphone ou sur tablette pour suivre sa consommation répartie entre autoconsommation et énergie achetée au réseau. Il peut aussi piloter les prises connectées. Doc. MyLight Systems

 

20% de couverture des besoins

 

MyLight Systems estime que cette installation couvrira grâce à l’autoconsommation, 20% des besoins annuels des 3 logements et du bureau. Le bilan aurait été encore meilleur avec une surface de panneaux en plus.

 

La mise en place de l’ensemble – pose des panneaux photovoltaïques, de leurs raccordements, des micro-onduleurs, des compteurs et automates MyLight Systems, etc. – a coûté 25 000 € HT, dont une bonne partie pour la location, le montage et le démontage de l’échafaudage pour accéder au toit.

 

Le temps de retour est évalué à 15 ans, aux prix actuels de l’électricité. Toute augmentation des prix du Tarif Bleu diminuera le temps de retour. SalorWorld garantit une perte de rendement des panneaux de 12% seulement au bout de 30 ans. Leur durée de vie est de 40 ans. Les micro-onduleurs sont garantis 20 ans.

 

Résultat : l'installation couvrira plus de 20% de la consommation annuelle avec l'électricité photovoltaïque produit sur site. Le bilan aurait été plus favorable si l'installation de 130 m² initialement prévue avait été autorisée. Doc. MyLight Systems

 

Un bilan carbone des panneaux exceptionnel

 

Contrairement aux idées reçues, le bilan carbone des panneaux est exceptionnel. Un panneau fabriqué en Europe, comme ceux de SolarWorld, génère en 9 mois seulement, autant d’énergie que sa fabrication en a consommé. Pour le propriétaire, son bâtiment est fortement revalorisé. Il est passé d’un classement « G » à la classe « B ».

 

MyLight Systems estime qu’il est parfaitement possible, avec une peu plus de souplesse quant aux autorisations d’urbanisme, de transformer des bâtiments du XIXe siècle gros consommateurs d’énergie, en bâtiments BEPOS pour le XXIe siècle.

 

Il suffit d’appliquer la recette avec trois ingrédients : réduction des besoin, installation de panneaux photovoltaïque, gestion optimisée de la production et de la consommation d’électricité.

 



Source : batirama.com / Pascal Poggi

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