Une expérimentation française et la pratique allemande semblent indiquer que les fenêtres en carrelet de sapin de pays sont une réelle piste de valorisation de cette essence.
Légende : Fabrication de carrelets en sapin pectiné local sans nœuds chez le fabricant de fenêtres Schillinger à Oberwolfach en Forêt Noire. © JT
En alternative au PVC, les pays germaniques fabriquent volontiers des fenêtres en bois ou en bois-alu. Pour ce faire, ils se servent de préférence de carrelets de résineux, plus performants sur le plan thermique que le bois feuillu.
Il s’agit souvent de trois plis, afin de disposer, pour les dormants notamment, de l’épaisseur et de la stabilité requises pour des vitrages multiples de plus en plus lourds.
Les plis extérieurs sont alors sciés sur quartier de façon à ce que les cernes filent parallèlement au pli, tandis que le pli intérieur, masqué, peut éventuellement être de qualité inférieure, scié sur dosse et de section variable.
Carrelets sans nœuds
En Forêt Noire, le fabricant de fenêtres Schillinger reste fidèle à une tradition de qualité de fenêtres sans nœuds. Pour les fenêtres peintes en blanc, il utilise du pin américain.
Le sapin sans nœuds mérite quant à lui de rester apparent sous une lasure de protection. Mais les carrelets en sapin du commerce ne semblent pas convenir à ses standards de qualité, sans doute à cause de la composition habituelle du pli intérieur. C’est pourquoi Schillinger fabrique lui-même ses carrelets en sapin !
Côté extérieur, le bois est protégé par la couverture en aluminium. Par contre, côté intérieur, il révèle son veinage délicat sur fond clair et contemporain. La fenêtre bois-alu en sapin pectiné, cela pourrait être le nec plus ultra en France, une alternative au carrelet en pin maritime, tout en restant un produit du terroir. Mais on n’en est pas encore tout à fait là.
Ligne de fabrication de carrelets © Creabois Isere
Expérimentation française
Lors du séminaire consacré au sapin pectiné dans le cadre de la dernière édition du Forum International Bois Construction, à Lyon en avril dernier, l’une des communications portait sur la tentative de coller dans la Loire des carrelets en sapin de pays pour fabriquer des menuiseries extérieures passives.
La scierie Chorain a remarqué, comme d’autres acteurs de la filière locale, que « globalement, les bois sciés en scierie de charpente deviennent de plus en plus qualitatifs, et qu’une évolution vers des produits à plus haute valeur ajoutée est pertinente, mais aussi nécessaire pour utiliser les sapins de nos forêts ».
Le collage des carrelets s’effectue un peu comme pour du bois lamellé-collé.
La scierie Chorain a donc mené une étude expérimentale de concert avec la menuiserie Beal, et le soutien technique de Ceribois, avec l’objectif d’équiper effectivement une maison passive à St Heand (42).
En principe, il n’est pas simple pour un scieur de charpente de scier sur quartier. Cela signifie qu’il faut d’abord découper le billon en quartiers et repositionner ces derniers afin de pouvoir disposer de sciages avec des cernes alignés.
Toutefois, quand on scie comme d’habitude, sur plots, et qu’on arrive à la hauteur du cœur, de part et d’autre, les planches disposent de cernes parallèles et il suffit de les extraire du plot. Par ailleurs, les sections des carrelets ressemblent à celles de la charpente. En cas de perte de débouché, il est possible de revenir en arrière et de commercialiser les lamelles comme bois de charpente.
Dormant atypique en sapin pectiné chez Schillinger, avec un fort effet qualitatif
Un marché incertain
Selon les Foréziens, la matière ne manque pas. Il convient simplement d’effectuer un tri soigneux en début (grumes) et en bout de chaîne afin de sélectionner les lamelles dites « sur quartier » et sans nœuds. A condition bien sûr qu’une filière de transformation se mette en place. C’est toute la question.
Les dernières données statistiques indiquent que la fenêtre en bois-alu reste cantonnée dans sa niche, ce qui n’est déjà pas si mal car la fenêtre bois recule encore. Ce qui semble plus inquiétant, c’est que les menuiseries en triple vitrage restent peu demandées en France.
Des fenêtres moins performantes, à dormant moins épais, justifient moins le recours à des carrelets en « résineux ». Pourtant, Olivier Selleron, le nouveau responsable de Holz Schiller en France, estimait sur le salon Eurobois que cette famille de produit progresse en France.
En tout cas, le Bavarois Holz Schiller vient de cloner sa grande unité de production de carrelets en République Tchèque. Et c’est par là qu’intervient un troisième facteur : le marché du carrelet de fenêtre est aujourd’hui international. L’option de Schillinger, qui fabrique lui-même ses carrelets en sapin à partir de bois local, n’est pas forcément reproductible en France.
Spectaculaires dormants de fenêtres coulissantes en sapin pectiné, toujours chez Schillinger
Source : batirama.com / Jonas Tophoven