De nombreux acteurs lancent l?initiative « Rénovons ! » Objectif : inscrire la fin des passoires énergétiques au rang d?une priorité nationale.
Faire adopter un plan ambitieux pour la rénovation des passoires énergétiques (logements très énergivores dont la consommation d’énergie primaire est supérieure à 330 kWh/m²/an et ayant une étiquette énergie F ou G) dans le parc privé, et éradiquer par là-même la précarité énergétique.
Tel est l’objectif du « Scénario Rénovons ! » sur lequel ont travaillé de nombreuses associations, fondations sociales et environnementales et acteurs économiques (Fondation Abbé Pierre, Secours Catholique, Cler, Réseau Action Climat, Fédération Soliha, groupe Effy…).
Enfin une étude chiffrée !
L’idée consiste à présenter une étude « coûts et bénéfices d'un plan de rénovation des passoires énergétiques à l'horizon 2025 ». Une grande première lorsque l’on sait que peu de données chiffrées sont disponibles ou en tout cas peu dévoilées par les pouvoirs publics.
Cette analyse de l’écosystème actuel de la rénovation énergétique, particulièrement à destination des ménages précaires, qui identifie les obstacles à lever et les solutions à apporter, est d’autant plus importante que les enjeux sont grands.
Objectifs de la loi non atteints
Pourquoi créer une telle dynamique ? Parce qu’au rythme actuel des rénovations, on est loin des objectifs fixés par la Loi de transition Energétique qui, rappelons-le, prévoit l’élimination des passoires énergétiques à l’horizon 2025, la rénovation de 500 000 logements par an dès 2017 et une baisse de la précarité énergétique de 15% à l’horizon 2020. Or, seules 288 000 rénovations performantes sont réalisées par an, dont 54 000 pour les passoires énergétiques.
Il existe actuellement 7,4 millions de passoires énergétiques parmi les résidences principales du parc privé.Ces logements sont souvent occupés par des ménages les plus vulnérables, ayant un revenu inférieur à 14 610 € (2012), estimés à 2,6 millions.
Ces derniers représentent ainsi près de la moitié des 5,8 millions de ménages en situation de précarité énergétique selon l’Observatoire National de la Précarité Energétique (ONPE).
980 000 rénovations
« Si on veut éliminer les passoires énergétiques d’ici 2025, il faut prévoir une augmentation du nombre des rénovations par rapport à l’objectif prévu dans la loi», estime Joël Vormus du Cler (Réseau pour la transition énergétique), qui ajoute qu’un investissement supplémentaire devra être consenti par les pouvoirs publics ».
Le scénario « Rénovons ! » démarre en 2017 avec 500 000 rénovations, soit le niveau prévu par la LTECV, et prévoit une augmentation progressive du nombre annuel de rénovations jusqu’à 980 000 en 2021, suivi d’une diminution en vue aboutir à la rénovation de l’intégralité des passoires énergétiques en 2025.
Etiquette D pour tous les logements d’ici 2025
Concrètement, seuls les dispositifs les plus efficaces et lisibles sont utilisés, à savoir les subventions « Habiter Mieux », le Crédit d’Impôts Transition Energétique, et l’Eco-Prêt à Taux Zéro (Eco-PTZ).
En outre, les conditions d’accès sont les mêmes pour les propriétaires bailleurs et les propriétaires occupants, les aides sont non plafonnées, mais conditionnées à l’atteinte du niveau de performance énergétique D au minimum, et les montants des subventions « Habiter Mieux » sont augmentés.
Le plan suit la trajectoire définie dans la LTECV : toutes les passoires énergétiques sont rénovées en 2025 pour atteindre l’étiquette Energie D, c’est-à-dire la moyenne de performance énergétique du parc actuellement. En 2050, tous les logements devront atteindre le niveau de performance « rénovation BBC ».
36 milliards investis par l’Etat
Ce plan massif de rénovations implique un investissement total de 80 milliards d’euros, dont 36 milliards en investissement public, soit 4 milliards par an entre 2017 et 2025.
L’étude montre que ce soutien financier serait intégralement récupéré dès 2043 grâce aux recettes fiscales et économies générées par l’activité et l’amélioration du niveau de vie des ménages, soit un temps de retour sur investissement de 26 ans pour l’Etat.
Le plan assurerait ainsi à l’Etat 1,06 € de bénéfice net pour chaque euro investi via les recettes dues aux emplois créés et les économies sur la santé. Quant au reste à charge pour les propriétaires occupants ou bailleurs, y compris pour les plus modestes, il serait compensé par l’économie sur les factures d’énergie.
Impacts du scénario
L’étude chiffre également les bénéfices d’un tel plan. Ainsi, 5 milliards d'euros d'économies annuelles sur la facture énergétique des ménages, soit 512 euros en moyenne par ménage et par an, seraient réalisés. Le niveau actuel des émissions de gaz à effet de serre (GES) du secteur résidentiel serait réduit de 12,5% à partir de 2026.
Par ailleurs, 126 000 emplois équivalents temps plein nets seraient créés entre 2017 et 2025 et 18 000 sur le long terme, une fois les passoires énergétiques rénovées. Sans compter les bénéfices sociaux, notamment sur la santé. 758 millions d’euros seraient économisés par an, dont 666 millions pour la Sécurité Sociale.
10 propositions
Le collectif propose, dans son scénario, un ensemble de 10 mesures. La première d’entre elles est d’avoir une gouvernance nationale de lutte contre les passoires énergétiques à un bon niveau gouvernemental, en regroupant sous un même ministère les ministères de l’Environnement et du Logement, en lien étroit avec le ministère de l’Economie et des Finances.
Il conviendra aussi de faire évoluer le cadre réglementaire pour améliorer la performance énergétique des logements. Plusieurs propositions sont avancées : définir dès maintenant le niveau de performance énergétique à atteindre à long terme ; expérimenter un régime d’incitation à la rénovation énergétique au moment des mutations, par exemple via la modulation des droits de mutation et moderniser la règlementation thermique existante pour qu’elle soit compatible avec les objectifs de la loi de transition énergétique et les directives européennes.
Le manque de données chiffrées pénalise la connaissance sur les rénovations de passoires énergétiques, il faudra donc mettre en place des outils de suivi.
Renforcer le programme Habiter Mieux
Pour faire monter en puissance le nombre de rénovations énergétiques des logements des ménages les plus modestes, le collectif propose de faire évoluer le programme Habiter Mieux, en augmenter ses budgets, en les sécurisant sur 3 ans via des mécanismes de financement plus stables que les quotas carbones et les CEE, ou encore intervenir en priorité auprès des ménages très modestes (3 premiers déciles de revenus), qu’ils soient locataires, propriétaires occupants ou copropriétaires occupants.
Il milite aussi pour que le niveau de subvention soit modulé en fonction des revenus des ménages et que des mécanismes d’ingénierie financière soient mis en place pour le reste à charge. Un système permettant le préfinancement des frais de travaux, garanti par l’Etat, devra être trouvé pour les plus modestes.
Simplifier l’accès aux aides
Une autre mesure porte sur un accès facilité aux aides dont le montant devra être stabilisé sous la forme d’une aide nationale importante complétée d’aides locales, afin de convaincre les ménages de s’engager dans les travaux.
Partant du constat qu’aujourd’hui, trop de ménages sont réticents à l’idée de s’engager dans des travaux de rénovation énergétique, par manque de garantie sur la qualité des travaux, les acteurs de ce scénario demandent à ce que soit instaurée une garantie de la performance énergétique atteinte en sortie de travaux afin de créer un climat de confiance entre les ménages et les professionnels propice à l’engagement des particuliers et des maîtres d’ouvrage en matière de rénovation énergétique.
Ils recommandent ainsi le développement des groupements d’artisans proposant des offres de travaux de rénovation complète, à l’instar de DORéMI (Dispositif Opérationnel de Rénovation énergétique des Maisons Individuelles). Enfin, mieux repérer les ménages vulnérables au niveau local et renforcer l’accompagnement global sont aussi des pistes envisagées.
Interpeller les candidats à la présidentielle
Portées auprès des candidats à l’élection présidentielle, ces propositions ont fait mouche chez certains qui intègrent désormais dans leur programme les termes précarité énergétique et passoires.
Pour autant, le travail de lobbying ne fait que commencer. Le collectif entend identifier les futurs députés et sénateurs (lors des prochaines élections, notamment législatives), capables de s’emparer de ces sujets et de les diffuser à l’ensemble des parlementaires, qui ont encore un gros déficit culturel sur ce thème.
Source : batirama.com / Frédérique Vergne