La modification des tarifs d'achat sans négociation préalable ni préavis, constitue une rupture brutale des relations commerciales, donnant lieu à indemnisation.
La société Algaflex avait pour activité la fabrication de murs, de cloisons et la conception d'espaces mobiles. La société Ventech, sous-traitante de la société Algaflex, effectuait la pose de cloisons mobiles. Après sept années de collaboration, la société Algaflex avait envoyé à la société Ventech, sans négociations préalables et sans préavis, une nouvelle grille tarifaire dans laquelle les prix d’achat avaient été revus à la baisse.
La société Ventech, refusant d’accepter les nouveaux tarifs, continua à facturer ses prestations aux taux convenus précédemment. La société Algaflex, bien décidée à appliquer sa nouvelle grille, ne paya plus dès lors, à la société Ventech, qu’une partie des factures.
La société Ventech l’a donc mise en demeure et assignée devant le Tribunal de Commerce de Lyon afin d’obtenir le paiement du solde de ses factures ainsi que l'indemnisation de son préjudice du fait de la rupture brutale par la société Algaflex, de leurs relations commerciales.
Une modification substantielle des conditions commerciales
Le code du commerce à son article L442-6 I 5° prévoit que si une société rompt brutalement une relation commerciale établie avec une autre société, sans préavis écrit, elle doit indemniser cette dernière du préjudice subi.
Ici, la société Algaflex n’avait pas, à proprement parler, rompu ses relations commerciales avec la société Ventech. L’arrêt précise en effet que la société Algaflex avait continué de lui proposer des chantiers. Chantier que la société Ventech avait refusé, au motif qu’elle ne pouvait pas accepter tant qu’elle ne serait pas payée du solde de ses anciennes factures. La société Algaflex avait d’ailleurs cherché à tirer argument de ce refus pour imputer à la société Ventech la responsabilité de la rupture brutale des relations commerciales.
Mais le Tribunal de commerce de Lyon (31 janvier 2014) puis la Cour d’Appel dans son arrêt 14 septembre 2016 ont estimé que la nouvelle grille tarifaire était une modification substantielle des conditions des relations contractuelles, et qu’une telle modification équivalait à une rupture des relations commerciales.
Un modification sans négociation, ni préavis
Pour tomber sous le coup de l’article L442-6 I 5° du code de commerce, la rupture des relations commerciales doit être arrivée d’une manière brutale et sans qu’il y ait eu de préavis écrit. Pour qualifier la rupture de brutale, la Cour d’Appel retient que la société Algaflex a imposé à la société Ventech sa nouvelle grille tarifaire de manière unilatérale, et sans négociation préalable.
Au sujet de l’absence de préavis de cette rupture, dans la mesure où la société Algaflex n’entendait pas réellement mettre fin aux relations commerciales, mais entendait seulement en réduire le coût, il n’est pas surprenant qu’elle n’ait pas donné de préavis.
Toutefois, la durée du préavis étant un élément d’évaluation du préjudice, il appartenait à la Cour de fixer la durée que celui-ci aurait dû avoir. Pour ce faire, la Cour a pris en compte la durée des relations commerciales des sociétés (sept ans), ainsi que l’usage de la profession en la matière. En l’espèce, la Cour a estimé que le préavis aurait dû être d’une durée de six mois.
Une indemnité proportionnelle aux gains escomptés
La Cour d’Appel énonce que l'évaluation du préjudice subi par la société Ventech doit être appréciée au regard de la marge bénéficiaire brute que cette société pouvait espérer obtenir si ses relations commerciales avec la société Algaflex n'avaient pas été rompues. La cour estime ensuite que la moyenne du chiffre d'affaires hors taxes réalisé entre les deux sociétés au cours des exercices précédant la rupture, peut être retenue comme base de détermination du préjudice.
L’expert comptable de la société Ventech ayant communiqué ses bilans, la détermination du préjudice était rendue possible. La Cour précise par ailleurs que le préjudice est d’autant plus important que la société Algaflex représentait plus de la moitié du chiffre d’affaires de la société Ventech.
En outre, la Cour a condamné la société Algaflex au paiement de 5000 euros au titre des frais exposés par la société Ventech à l’occasion des procédures successives (article 700 du code de Procédure Civile).
Source : CA Paris, Pôle 5, ch. 4, 14 sept. 2016, n° 14/04667
Source : batirama.com / Damien Aymard