Retraite : ce qu'il faut savoir sur les enjeux de la réforme

Alors que le projet de loi sur la retraite est en discussion, François Taquet, chroniqueur pour Bâtirama, répond à nos questions. Selon lui, cette réforme, plus que nécessaire, s?accompagne d?un paradoxe : plus de 60 % des plus de 55 ans ne travaillent pas en France.

 

Les manifestations des 7 et 23 septembre montrent que la réforme des retraites fait polémique. Pourquoi cette réforme est-elle vraiment indispensable ?


FT - D’abord, il est clair que cette réforme sur la retraite est une nécessité qui affecte tous les pays européens. On notera également que l’Europe (fait rarissime) a publié un livre vert sur les retraites. Les causes de nos problèmes actuels sont connues : allongement de la durée de la vie, chômage qui freine l’entrée des ressources, situation économique précaire. Le système français est encore particulier. Il est d’abord marqué par un morcellement des régimes de sécurité sociale avec une kyrielle de régimes spéciaux qui ne sont pas concernés par la réforme actuelle (les régimes spéciaux tels que ceux de la SNCF, de la RATP ou d’EDF par exemple, sont beaucoup plus avantageux que le régime général du secteur privé ; on y cotise une part plus faible de son salaire pour partir en retraite plus tôt et avec un calcul plus avantageux ; ces conditions produisent des déséquilibres budgétaires qui sont épongés par des prélèvements sur le régime général des salariés du privé). Ensuite, il parait évident que les pouvoirs publics ont tardé dans la mise en œuvre des mesures permettant de sauvegarder notre régime de retraite. Qu’on y pense ! Le livre blanc de Michel Rocard tirant officiellement la sonnette d’alarme date de 1991 et la première grande réforme date de 2003. Et pendant ce temps, les comptes n’ont cessé de se dégrader.

 

Pratiquement, comment le gouvernement compte-t-il agir pour sauvegarder notre régime de retraite ?


Le gouvernement agit sur deux tableaux : l’âge (l'âge légal de départ à la retraite est porté à 62 ans ; parallèlement, l'âge de départ à la retraite qui permet de toucher une pension à taux plein est porté de 65 à 67 ans) et la durée de cotisation (qui passera à 41 ans et un trimestre en 2013, et à 41,5 ans en 2020). En contrepartie et afin de mieux faire passer la réforme, quelques compensations ont été accordées : pénibilité, congé de maternité entrant dans le calcul de la pension de retraite…). Ceci étant, on peut regretter le rejet par le gouvernement de certaines avancées intéressantes (ainsi la prise en compte du bénévolat dans le calcul de la retraite). Avec Jean Pierre Decool, Député du Nord, nous avons travaillé pendant les vacances d’été sur de nombreuses propositions (dont certaines ont d’ailleurs été retenues, notamment en matière de pénibilité).

 

Le système par répartition est-il réellement en danger ?


Le système des retraites en France pour 80 % des travailleurs est compliqué puisqu’il repose sur plusieurs piliers : le régime général et les régimes de retraite complémentaires. Et l’on voit même aujourd’hui fleurir dans certaines entreprises des régimes de retraite sur complémentaires. Il ne semble pas qu’il y ait aujourd’hui une remise en cause du système par répartition des pensions vieillesse du régime général. D’ailleurs, l’article 1° du texte voté par l’Assemblée Nationale proclame « La Nation réaffirme solennellement le choix de la retraite par répartition au cœur du pacte social qui unit les générations ». Mais, il est clair qu’à côté subsistent les régimes de retraite complémentaire organisés par des systèmes de points.

 

Quel est selon vous le grand élément manquant de cette réforme ?


Cette réforme a quelque chose de paradoxal quand on réfléchit un peu. En effet, on recule l’âge de la retraite alors que l’on sait que plus de 60 % des plus de 55 ans ne travaillent pas en France. C’est tout le problème du travail des séniors où la France a été sommée par l’Europe d’avoir des résultats plus probants. Et là, on se demande si l’on ne s’est pas trompé dans l’ordre des priorités. Ne faut-il pas régler le problème de l’emploi des séniors avant celui de la retraite ? Car, pratiquement, la majorité de ces séniors sans emplois sont aujourd’hui à la charge de l’assurance chômage. Est-il normal que l’assurance chômage, elle-même en difficulté du fait de la crise économique, joue le rôle d’organisme de préretraite. Il est clair, qu’il faut en la matière renverser la vapeur, inciter les entreprises à recruter des seniors, changer les mentalités. Mais, on sait que changer les mentalités est plus difficile que de changer une loi.

 

Source : batirama.com / François Taquet

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