Au Salon ArchiVision, qui s?est déroulé à Marseille, il a été question d?avenir. Un avenir placé sous le signe de l?accessibilité pour tous, sujet de la table ronde consacrée à la loi du 11 février 2005 relative à la mise aux normes des ERP. Si la réglementation identifie les contraintes, elle donne peu d?indications pour y répondre. Ce qui ne facilite pas l?intervention des professionnels.
Selon les dernières projections de l’Insee, en 2020, les plus de 65 ans représenteront 30% de la population française. Et d’ici 2050, la population des plus de 75 ans devrait doubler, pour atteindre près de 11 millions d’individus contre environ 5 aujourd’hui. Des populations qui vont tout naturellement venir grossir les rangs des personnes aujourd’hui « handicapées », que l’on estime à plus de 5 millions en France. Et des publics pour qui l’accessibilité sera un argument majeur de qualité de vie mais aussi d’autonomie. « Aujourd’hui, la loi sur l’accessibilité est une obligation. Même si cela peut parfois être très contraignant, y compris pour nos clients, nous devons donc nous y former et nous y conformer. Mais, au-delà de la réglementation, il est nécessaire de prendre conscience que l’accessibilité est en phase de devenir un véritable enjeu de société, explique Pierre Scheibli, architecte d’intérieur et président de l’association Handicap à Lyon. Le vieillissement entraîne naturellement de multiples formes de déficiences, qu’elles soient moteurs ou mentales, qu’il va falloir gérer. Devant cet état de fait, nous devons, nous professionnels de la construction, intégrer de manière naturelle et automatique la gestion de l’accessibilité et du handicap dans notre façon de travailler, de concevoir et de rénover le bâti, tant au niveau des ERP que de l’habitat collectif et individuel. C’est un enjeu de société et un véritable marché en devenir ! »
La loi, trop… ou pas assez contraignante ?
Telle qu’elle a été formulée, la loi sur l’accessibilité votée en 2005 ne va pas sans poser problème pour les professionnels chargés de la mettre en œuvre. « Nous recevons quotidiennement des dizaines d’appels de professionnels du bâtiment, d’artisans, qui se sentent un peu perdus face aux obligations qu’ils doivent respecter dans leurs chantiers, explique Rémy Rochon directeur du développement de la société Eo guidage, spécialisée dans le conseil, la fourniture et l’installation de solutions pour l’accessibilité à destination plus particulièrement des déficients visuels. Car si les contraintes sont clairement identifiées, les manières d’y répondre, elles, ne sont que peu, voire pas du tout formulées. Le cadre de la loi, à mon sens, n’est souvent pas assez précis. Il faut normaliser des typologies de solutions et de produits, définir des « bonnes pratiques ».
L'escalier : un exemple à suivre
Prenez le cas du traitement d’un escalier ou celui du guidage au sol. Pour le premier, il est clairement décrit dans les textes ce qu’il faut faire pour rendre son escalier accessible, il y a donc une harmonie dans le traitement des escaliers et tout le monde est en capacité de proposer des solutions pour répondre à ce cadre. Pour le second, par contre, pour l’instant, il n’existe pas de normes précises. L’Afnor vient juste de mettre en place une commission sur ce sujet, qui devrait rendre ses conclusions dans les deux ans. En attendant, les professionnels sont souvent démunis, face à des problématiques pour lesquelles ils n’ont, en plus, aucune sensibilisation et peu d’information. »
S’informer et se former
« Il est du devoir de chacun de s’informer et de se former, réplique Pierre Scheibli. Cela fait de toute façon partie de nos obligations professionnelles. Et les ressources sont nombreuses : internet, mais aussi professionnels du handicap, associations, directions départementales de l’Aménagement, « messieurs et mesdames Handicap » que chaque mairie doit avoir désigné dans ses équipes… Ce sont ces interlocuteurs sur lesquels nous pouvons, et devons, nous appuyer. Auxquels s’ajoutent bien sûr les bureaux de diagnostic, et les industriels qui travaillent justement sur la conception et la réalisation de solutions appropriées, comme EO Guide ou Somograv. »
Enjeu d’importance pour des millions de personnes, le chantier de l’accessibilité semble encore bien loin d’être livré. Mais les évolutions de notre société vont logiquement transformer ce qui est aujourd’hui souvent vécu comme une contrainte en une véritable opportunité économique. Et cette idée, bien logique, germe déjà dans les esprits de nombreux acteurs du bâtiment, pour que, de l’obligation, l’accessibilité et la gestion du handicap deviennent de véritables labels de qualité et donc des arguments commerciaux.
Source : batirama.com / Karine Taillandier