Le Premier ministre a dévoilé les mesures en faveur des indépendants, dont la mort du RSI. Mais la profession du BTP ne digère pas l?élargissement du statut du micro-entrepreneur.
C’est Dijon le 5 septembre qu’a choisi le Premier ministre Edouard Philippe pour présenter le programme gouvernemental en faveur des artisans, commerçants, professions libérales et micro-entrepreneurs (nouvelle dénomination pour les auto-entrepreneurs).
Mort du RSI, compensation de la hausse de la CSG et doublement du seuil du chiffre d’affaires pour bénéficier du régime simplifié du micro-entrepreneur sont les principales mesures du plan.
Le RSI enterré
Suite aux dysfonctionnements et nombreux bugs informatiques et malgré des améliorations de gestion constatées, le régime social des indépendants, créé en 2006, sera supprimé et adossé au régime général de sécurité sociale au 1er janvier 2018. Cela concerne 2,8 millions de cotisants, dont 40% sont des micro-entrepreneurs.
Comme l’avait conseillé début juillet Alain Griset, président de l’U2P, l’Union des entreprises de proximité, une période transitoire de deux ans est prévue. Elle permettra aux différentes missions du RSI (liquidation des retraites, assurance maladie, recouvrement des cotisations…) d’être progressivement reprises en gestion par les caisses du régime général (Cpam, Carsat et Urssaf).
La mission de pilotage, de l’absorption du RSI par le Régime général, a été confiée à Dominique Giorgi, inspecteur général des affaires sociales pour une mise en place définitive de la nouvelle organisation le 31 décembre 2019. Par ailleurs, certaines prestations spécifiques aux travailleurs indépendants seront conservées, notamment le fonds d’action sociale qui vise à soutenir les entreprises en difficulté.
Mais surtout, il n’y aura pas d’alignement des cotisations sur celles des salariés du régime général, ce qui aurait signifié une hausse des cotisations de près de 30%. Enfin, les travailleurs indépendants bénéficieront d’une organisation propre au sein du régime général et seront représentés dans les instances de décision.
Pas de révision du calcul des cotisations
Cette nouvelle gestion réglera-t-elle tous les problèmes, car on sait que le mécontentement des ressortissants provient essentiellement du montant des cotisations. Et là, aucune annonce sur une éventuelle révision de calcul des cotisations, du taux et de l’assiette n’a été faite.
Au grand dam de l’U2P qui réclame de nouveau que les bénéfices réinvestis dans l’entreprise ne soient plus soumis à cotisations, mais que seule la part des bénéfices correspondant à la rémunération des indépendants le soit.
La CPME, quant à elle, s’est exprimée en précisant dans un communiqué « qu’il était impératif de revoir les bases et les modalités de calcul des cotisations afin de mettre en place une autodéclaration et un autopaiement mensuel pour éviter les décalages et erreurs à répétition ». Ces changements inhérents à la réforme seront actés dans la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2018.
Baisses de cotisations
Pour compenser la perte de pouvoir d’achat par la hausse de 1,7 point de la CSG, prévue l’an prochain, Edouard Philippe a annoncé une baisse de cotisations sociales. Cette mesure se traduira par la baisse de la cotisation d’allocations familiales de 2,15 points pour une grande majorité de travailleurs indépendants et par une baisse moyenne de 1,5 point jusqu’à un allégement progressif maximal de 5 points des cotisations d’assurance maladie et maternité.
Cette seconde baisse, soit un gain de pouvoir d’achat de 200 millions d’euros, profitera à environ 75% des indépendants, ceux dont les revenus annuels n’excèdent pas 43 000 euros par an (soit l’équivalent de 3 fois le Smic).
Deux exemples ont été pris : un indépendant dont les revenus sont équivalents à un SMIC aura un gain de 270 euros par an et un indépendant rémunéré 2.400 euros aura un gain de 550 euros par an. Ce gain de pouvoir d’achat devrait être « visible dès les premiers acomptes en milieu d’année 2018 », selon le Premier ministre.
CFE
A partir de 2019, les redevables à la cotisation foncière des entreprises (CFE) qui réalisent un chiffre d’affaires inférieur ou égal à 5 000 euros seront exonérés de cet impôt. Cela concerne près d’un million de redevables sur les 2,7 millions imposables.
Aides à la création d’entreprise
Pour encourager la création et reprise d’entreprise, un dispositif d’exonération de l’ensemble des cotisations de sécurité sociale dues par les créateurs et repreneurs d’entreprise au titre de leur 1ère année d’activité sera mis en place dès le 1er janvier 2019.
Il bénéficiera à tous les entrepreneurs ayant un revenu annuel inférieur à 30 000 euros, mais l’exonération sera dégressive jusqu’à 40 000 euros. Cette exonération prendra la forme d’un élargissement d’éligibilité à l’exonération actuellement réservé aux chômeurs créateurs ou repreneurs d’entreprise (ACCRE).
Soutien aux auto-entrepreneurs
Edouard Philippe a confirmé le doublement des plafonds de revenus pour bénéficier du régime micro-social propre aux auto-entrepreneurs. Ils passent de 82 800 à 165 600 euros pour la vente de marchandises et de 33 100 à 66 200 euros pour les prestations de services. Cette mesure ne va-t-elle pas engendrer chez les artisans installés un transfert du régime réel à celui de la micro-entreprise avec ses avantages sociaux et fiscaux ?
Certainement, mais elle va donner plus d’espace aux micro-entrepreneurs qui ne veulent pas basculer dans le régime réel.
Pas de changement pour la franchise de TVA
Si les plafonds de revenus maximum pour accéder au régime simplifié seront augmentés en 2018, le régime d’exonération de la TVA, lui, reste inchangé. Jusqu’à 33 100 euros pour les services, les micro-entrepreneurs sont exemptés de facturer de la TVA.
Concurrence déloyale
Pour autant, les artisans assujettis, eux, à la TVA pourront encore dénoncer une concurrence déloyale légalisée par ce régime. « Il n’était pas utile d’augmenter le plafond de chiffre d’affaires pour les micro-entreprises, estime Partick Liébus, le président de la Capeb. Heureusement, nous avons évité de justesse que la franchise de TVA soit calée sur ce nouveau plafond doublé ; elle reste en l’état ».
Mais le président de la Capeb n’en est pas moins inquiet : « Si l’auto-entrepreneur dépasse le seuil des 33 100 euros en début d’année par exemple, il ne sera pas assujetti à la TVA cette même année, il a un an de transition. Quant au travail au noir, il ne sera pas abandonné pour autant ».
« Il ne faudrait pas, ajoute-t-il, que les patrons des petites entreprises demandent à leurs salariés de se mettre en micro-entreprise pour faire baisser leurs charges ; phénomène que l’on voit déjà sur des chantiers. Car il ne faut pas oublier que le régime peut amener à une perte de protection sociale pour l’auto-entrepreneur ».
Des mesures adaptées au quotidien des TPE
C’est sur ce point que Patrick Liébus est le plus critique, indiquant même qu’il « va falloir faire de la pédagogie auprès des artisans car leur réaction va être forte ». Pour le reste du plan, le président de la Capeb salue « des mesures qui tiennent compte de la réalité de nos petites entreprises ».
Que ce soient la compensation de la hausse de la CSG, l’aide à la création d’entreprise avec notamment un interlocuteur unique ou encore l’abandon du RSI et son remplacement par une nouvelle organisation avec « une période transitoire pour caler les choses et corriger les erreurs au fur et à mesure », « tous ces dispositifs vont dans le bon sens », estime-t-il, tout en alertant « que pour la protection sociale des travailleurs indépendants, il ne faudra pas se louper une nouvelle fois ».
Source : batirama.com / Frédérique Vergne