Pour répondre aux nouvelles réglementations acoustiques et thermiques, les fabricants de planchers et chapes utilisés en résidentiel jouent la carte de l'innovation
La réglementation thermique RT2012 a poussé le curseur vers le haut en termes d'isolation de l'enveloppe du bâtiment. Cela se répercute sur le plancher bas qui doit être isolé du sol ou sous-sol avec une résistance thermique devant être supérieure à 4 kW/m².
Pour les liaisons des planchers intermédiaires avec les murs extérieurs, la transmission thermique linéique ne doit pas excéder 0,60 W/(ml.K)). Résultat, les fabricants multiplient les solutions afin d'éviter les ponts thermiques entre l'intérieur et l'extérieur de l'habitat tant en ITI qu'en ITE.
Ainsi pour le plancher bas, le taux de recours au vide sanitaire dépasse 75%. Le système d'isolation le plus courant est l'insertion d'une couche isolante en panneaux ou rouleaux entre la dalle de compression et la chape flottante.
Mais il est aussi possible d'avoir recours à une mousse projetée tant en neuf qu'en rénovation où dans ce cas la projection est faite en sous-face de la dalle de compression.
Des performances thermiques et acoustiques
Afin d'éviter la dalle flottante, plusieurs fabricants ont développé des solutions de planchers bas isolés et prêts à l'emploi avec les poutrelles, les entrevous isolés, les rupteurs périphériques et les rupteurs sur refends.
Pour les planchers intermédiaires à hourdis ou avec prédalle, des rupteurs thermiques porteurs à appuis continus sont positionnés en périphérie. Là aussi des solutions complètes intègrent poutrelles en béton armé, entrevous et rupteurs longitudinaux continus et latéraux discontinus.
Les liaisons particulières type balcons, loggias, acrotères, etc doivent être soigneusement traitées. Les performances phoniques de la sous-couche isolante d'un plancher d'étage sont encadrées pour les bâtiments neufs par la Nouvelle Réglementation Acoustique (NRA).
Pour les logements et dans le cas de deux appartements mitoyens (ou de deux maisons mitoyennes), l'Arrêté du 27 novembre 2012 demande un niveau de bruit d’impact L'nTw inférieur à 58 dB perçu dans une pièce principale (55 dB pour la certification Qualitel).
Le niveau d'isolement DnT,A doit être supérieur à 53 dB entre les pièces principales de deux logements. Depuis le 1er janvier 2013, la Maîtrise d’Ouvrage doit produire une Attestation de prise en compte de la réglementation acoustique.
La chape fluide gagne du terrain
©Editelco
Concernant les chapes, il existe deux grandes familles : la chape traditionnelle et, son challenger, la chape fluide, qui gagne du terrain.
La chape traditionnelle au mortier, a toujours les faveurs de la profession. Après coulage, sa surface doit être tirée soigneusement à la règle. Le challenger est la chape fluide (auto-nivelante) dont l'adjuvant principal est du super plastifiant.
Typiquement livrée prête à l'emploi et pompée, la chape fluide fait gagner du temps en mise en œuvre en assurant une qualité en planéité. Cette technique qui est sous Avis Technique est aussi appréciée pour la pose collée de grands carreaux.
« Enfin pour les planchers chauffants en MI, plus de 80% des chapes sont fluides. Un plus grand confort et une plus grande conductivité thermique sont apportés par un meilleur enrobage des tuyaux par rapport à la chape traditionnelle. Même s'il n'existe pas de statistiques, environ 30% du marché est en chape fluide et essentiellement en maison individuelle », résume Estelle Rodot-Chazal, chef de marché Sols chez Béton Vicat.
La base de la composition des chapes fluide peut être le sulfate de calcium (chape dite anhydrite) ou le ciment (hydraulique). Robuste, avec un retrait limité, la chape anhydrite affiche une base de fractionnement de 300 m2 avec plancher chauffant et de 1000 m2 sans.
Son séchage est d'environ huit semaines pour une épaisseur de 6 cm. En revanche la chape ciment sèche en deux semaines mais la base de fractionnement est entre 40 et 100 m2, jusqu'à 400 m2 chez Chryso par exemple avec l'incorporation de macro-fibres.
Le ciment prend le pas sur l'anhydrite
« La chape fluide a démarré dans les années 90 avec l'anhydrite puis la base ciment s'est développée à partir des années 2005 à 2010. Il n'existe pas de chiffres sur le marché par absence de syndicat professionnel de la chape.
De plus le marché est très hétéroclite entre la vente au silo, en centrales à béton ou en sacs, néanmoins le ciment a pris le pas sur l'anhydrite depuis les années 2012 à 2015... », assure Olivier Lardet, Directeur d'activités chez Cemfluid (Groupe Mirbat).
Sur le marché de la rénovation, Edilteco propose des chapes fluides allégées par des billes de polystyrène. « Nous proposons différentes densités de chapes essentiellement sur le marché de l'ancien en MI et en collectif, sur plancher bois ou béton.
La vente de produits prêts à l'emploi se fait avec des sacs en négoce ou en bétonnière avec malaxeur. Les billes seules peuvent aussi être vendues à des centrales à béton », confie Franck Pied, Chef de Marché chez Edilteco.
Formation : les fabricants jouent les réseaux
©Cemfluid
Les produits sous ATec comme les chapes fluides, demandent aux applicateurs de suivre des formations spécifiques, qui sont proposées par les fabricants. « Nous avons une palette de formation à destination de nos clients applicateurs. S'ils sont débutants, la formation complète théorique et pratique est organisée sur trois journées.
Si l'applicateur est déjà agréé par un concurrent, la formation peut être réduite jusqu'à une demie journée après évaluation de son niveau de connaissance », confie Olivier Lardet, directeur d'activités chez Cemfluid.
Au-delà de la formation, les fabricants organisent leurs applicateurs en réseaux afin de leur proposer différents services d'accompagnement technique ou marketing. Chez Vicat fait ainsi valoir Estelle Rodot-Chazal : « Nous avons lancé il y a 18 mois le réseau d'applicateurs Solflex avec de la formation théorique et pratique sur chantier.
Nous les accompagnons sur trois chantiers minimum avant qu'ils deviennent agréés. Le réseau compte déjà une centaine d'applicateurs agréés ».
Quels points de vigilance ?
Parmi les points de vigilance de la mise en oeuvre des chapes fluides, l'importance d'une bonne préparation du chantier avec la pose de bandes de rive périphériques est mise en avant. La chape doit impérativement être coulée hors d'eau et hors d'air, sans courant d'air ni exposition au soleil lors de son séchage.
« Enfin même si certains architectes recherchent un effet brut, en colorant la chape dans la masse, en la vernissant ou en la renforçant avec un traitement filmogène qui ne va pas tenir dans le temps sans protection, il est indispensable de recouvrir la chape d'un revêtement », insiste Estelle Rodot-Chazal.
Interview de Joaquim Monge,
ingénieur produit chape chez Sika France :
« Nous allons continuer à travailler sur la performance de la chape ciment »
Avec ses 273 millions d'euros de CA en 2016, Sika France est une des filiales les plus florissantes du groupe suisse. Sika est présent principalement sur le marché des chapes fluides depuis plus d’une dizaine d'années et propose également des chapes dites traditionnelles prêtes à l’emploi, vendus en sacs en négoce.
Quels sont les facteurs de croissance du marché aujourd’hui ?
Notre marché en chape fluide est essentiellement celui de la construction neuve, plus ponctuellement en rénovation par exemple sur un plancher bois. Il n'existe pas de données statistiques précises du marché, mais il évolue vers davantage de qualité et avec de plus en plus d'acteurs.
Par rapport à la chape traditionnelle, la mise en oeuvre de la chape fluide (auto-nivelante) est moins pénible et mieux contrôlée. Par ailleurs la chape fluide est particulièrement adaptée aux carreaux de grandes dimensions ainsi qu'aux sol souples.
Ces revêtements exigent une bonne planéité du sol plus facile à obtenir avec de l'auto-nivelant et peuvent demander un ragréage du support. L'essor des planchers chauffants en maisons individuelles favorise aussi le marché.
Quelles compétences pour les entreprises de mise en oeuvre ?
Les chapes fluides sont hors DTU et sont sous ATec, ce qui nécessite de former nos applicateurs. Ceux-ci sont agréés par Sika pour l'application de nos produits. Ils sont suivis au démarrage pendant au moins trois chantiers pour vérifier la conformité de mise en œuvre.
En parallèle, nous proposons un club applicateurs où les membres bénéficient d’informations, d’une assistance technique sur les produits, de la pratique (réalisation de devis, panneaux de chantiers …) et d’un programme de fidélité.
Sur quels produits du futur travaillez-vous aujourd’hui ?
Pour des raisons historiques, Sika est majoritairement sur les chapes à base ciment comme Sika ViscoChape par exemple, qui conviennent pour des mises en oeuvre rapides. Notre principal axe de développement présent et futur est de continuer à travailler sur la performance de la chape ciment, en améliorant la formulation d'adjuvants. L'enjeu est d'obtenir des performances comparables à celles de la chape au sulfate de calcium, pour savoir répondre aux chantiers de grande surface, sans joints.
Source : batirama.com / François Ploye / Photo d'ouverture : Chryso