Un prototype de maison passive et 100 % autonome en béton cellulaire a été conçu et réalisé en Creuse. Labellisé Passivhaus Premium, il sera la vitrine du savoir-faire du jeune Constructeur Avenidor.
C’est une maison bleue, non pas adossée à la colline*, mais tapie au bord de l’eau au milieu d’une forêt et en Creuse : voilà le spectacle étonnant que donne à voir la première maison construite par Avenidor qui compte développer plusieurs modèles de maisons passives type.
Nous sommes en Creuse, près d’Ahun mais loin de toute habitation. Les 24 hectares de terrain, boisés et parsemés d’étangs, ressemblent plus à un paradis pour pêcheurs et chasseurs qu’à une zone d’activité de construction.
C’est pourtant là qu’à partir de 2008, le groupe KZB a choisi d’installer son Centre de recherche et développement sur l’habitat durable (non sans mal : il a fallu 6 ans pour obtenir l’autorisation de construire sur 5000 m2). Y sont testés plusieurs modes constructifs, dont la maison Avenidor, achevée en décembre 2017.
Des hivers rigoureux et des étés chauds dans la région
L’endroit, choisi pour des raisons d’attaches familiales, est aussi une bonne occasion de vérifier les performances de la construction car les hivers y sont rigoureux et les étés relativement chauds.
« Notre objectif est de développer des constructions durables, performantes et peu impactantes, pour répondre aux enjeux environnementaux et anticiper la future réglementation liée à l’expérimentation E+C-», explique Steven Kaszuba, concepteur, chef du projet et dirigeant d’Avenidor.
Née en novembre 2017, la start up compte deux collaborateurs, mais elle s’appuie sur l’expérience d’une filiale du groupe, SETIM, entreprise du bâtiment tous corps d’état depuis 1980 (20 personnes).
Le béton cellulaire, pour des murs ultra performants
Après 2 ans de travail, dont 9 mois de travaux, ce projet hors norme aboutit à la première maison certifiée Passive Premium et 100 % autonome. Au terme d’un chantier difficile : l’accès au site est compliqué, avec 800 m de chemin impraticable par des engins de chantier.
Le sous-sol regorge de blocs de granit, qui rendent le terrassement laborieux et les intempéries ne facilitent pas le montage de l’enveloppe ! La bâtisse de 90 m2 au sol totalise 252 m2 habitables, y compris un sous-sol total chauffé.
Avec ses faux colombages, elle copie une maison typique du vieux Colmar. « L’idée est qu’on peut donner un style très classique à une construction réalisée avec des matériaux et des équipements de pointe », précise Steven Kaszuba. « Pour la partie maçonnerie, le choix s’est rapidement porté sur le béton cellulaire Ytong. Très performante et durable dans le temps, cette solution présentait aussi la plus faible production d’énergie grise. »
Les blocs pleins Ytong Thermo de 36,5 cm d’épaisseur et de densité 350 kg/m3 sont collés par joint mince.©Ytong
Le béton cellulaire, seulement 5 % de la construction résidentielle neuve
Résistance, isolation, … les qualités des différents bétons cellulaires répondent parfaitement à un mode constructif maçonné « vertueux ». Facile à mettre en œuvre, en monomur ou avec une isolation rapportée, le matériau est sain (aucun COV émis) et perspirant (laisse passer la vapeur d’eau). Il ne représente encore que 5 % de la construction résidentielle neuve en France.
Les blocs pleins Ytong Thermo de 36,5 cm d’épaisseur et de densité 350 kg/m3 sont collés par joint mince. Leur découpe précise permet de réaliser des encadrements de menuiserie très nets, facilitant une jonction étanche avec les huisseries.
Ils contribuent à l’étanchéité de l’enveloppe, qui atteint ici une moyenne de 0,18 par heure au test de la porte soufflante : une imperméabilité record (le minimum requis est de 0,6 /h).
Des ponts thermiques éradiqués
Les murs ont reçu en outre une membrane d’étanchéité et une ITE de 20 cm de PSE blanc en double encollage et fixation mécanique. Ensuite, 15 mm d’enduit et de faux colombages patinés (25 mm de pierre reconstituée) complètent l’ensemble, qui affiche un R de 10 (l’intérieur est doublé par des cloisons 18 mm sur ossature métallique).
Le reste de l’isolation est à l’avenant : la toiture est isolée avec 600 mm de ouate de cellulose soufflée en combles perdus (R=12). En sous-sol, la dalle est composée de 240 mm d’XPS sous le radier.
Le plancher du rez de chaussée, du béton armé sur hourdis bois, est isolé avec des panneaux en verre cellulaire Foamglas pour éviter les ponts thermiques. Toutes les menuiseries sont en triple vitrage, avec un verre Securit (aucune occultation des surfaces vitrées).
L'application de 15 mm d’enduit et de faux colombages patinés (25 mm de pierre reconstituée) complète l’ensemble, qui affiche un R de 10
Equipée comme une Rolls
Conçue pour consommer moins de 6 kWh/m2/an, la maison ne dispose d’aucun système de chauffage ni de climatisation. Une PAC Daikin air-eau double service fournit l’ECS, alimente 3 chauffe-serviettes et la batterie sèche de la VMC double flux, une Maico à très haut rendement et à très faible consommation d'énergie (300 m3 de débit d’air, pour un taux de renouvellement d'air de 0,5 vol/h).
Les trois chambres situées à l’étage disposent chacune d’une salle de bains et de WC. Un récupérateur d’énergie situé sous chaque douche permet de valoriser 93 % des calories de l’eau évacuée : l’eau froide alimentant la douche passe dans une spirale de cuivre enroulée autour de l’évacuation.
Elle est ainsi préchauffée (10 à 28°C), ce qui permet de limiter fortement le besoin en eau chaude pour atteindre la température idéale de douche. Ces échangeurs sont accessibles par des trappes pratiquées dans le faux plafond acoustique de la pièce unique du RDC.
Laboratoire, la maison est équipée de 23 capteurs de température, CO2, hygrométrie, installés en différents points clés (ouvertures, équipements). Via le modem de la maison, ils transmettront des données qui seront traitées par le bureau d’étude de SETIM pour le suivi des performances.
Vue des capteurs sur la pompe à chaleur au sous-sol
L’autonomie, un coût non "rentabilisable"
Le coût de l’autonomie de la maison est estimé entre 50 et 70 000 €. Le but n’est pas ici de rentabiliser l’installation photovoltaïque (notamment les batteries), ni les systèmes d’alimentation en eau et de traitement des eaux usées mais de démontrer la faisabilité.
La centrale photovoltaïque de 19 kW s’étend sur une digue refaite à neuf. Les 60 capteurs LG de 1,6 m2 chacun sont bifaciaux : la partie en sous face utilise le reflet du soleil sur le sol peint en blanc. La partie supérieure exploite aussi la réflexion du soleil sur l’eau, avec un gain d’efficacité notable. La production, stockée dans 8 batteries ion-lithium assure 2 jours d’autonomie à tout le site : la maison, mais aussi le chalet du gardien et les divers équipements extérieurs.
Pour l’alimentation en eau, un forage permet de collecter l’eau de la nappe phréatique à quelques dizaines de mètres de la maison. Filtrée une première fois avant d’être stockée dans une cuve enterrée, l’eau est filtrée une deuxième fois et potabilisée à l’aide d’un système UV avant distribution. Enfin, une mini-station d’épuration traite les eaux usées.
La centrale photovoltaïque exploite aussi la réflexion du soleil sur l’eau
La labellisation Bâtiment Passif, une garantie
La maison obtient le niveau de certification maximal, « Premium », du label de performance énergétique des bâtiments créé par l’institut allemand Passivhaus. Il définit trois niveaux d’exigences. Les critères minimaux sont ceux du niveau « Passif Classic » :
- Un besoin de chauffage inférieur à 15 kWh d’énergie utile par m² de surface de référence énergétique et par an
- Une consommation totale en énergie primaire (tous usages, électroménager inclus) inférieure à 120 kWh par m² de surface de référence énergétique par an, en sources non renouvelable.
- Une perméabilité à l’air de l’enveloppe mesurée sous 50 Pascals de différence de pression inférieure ou égale à 0,6 par heure. La fréquence de surchauffe intérieure (> à 25°C) doit être inférieure à 10 % des heures de l’année.
*Chanson de Maxime Le Forestier, « C’est une maison bleue »
Avenidor, déjà 40 demandes de devis pour le CMIste « en herbe »
Steven Kaszuba, concepteur, chef du projet et dirigeant d’Avenidor. L'entreprise va lancer, sur le même site, la fabrication d’un autre prototype, à ossature bois et paille cette fois-ci. Elle sera testée de la même façon et devrait obtenir un meilleur bilan carbone que la précédente, selon son promoteur.
Ce premier prototype se veut un bon compromis entre haute performance et coût de revient acceptable. A peine deux mois après son achèvement, Avenidor a reçu une quarantaine de demandes de devis pour des projets de maisons passives, autonomes ou pas. « Un catalogue est en cours de réalisation, pour proposer 4 ou 5 modèles de maisons types, de façon à limiter le nombre d’études réalisées par le BE de SETIM », indique Steven Kaszuba, qui constitue ainsi une base de discussion pour élaborer avec ses futurs clients la maison sur-mesure de leurs rêves.
Le but est de proposer des maisons sur-mesure labellisées Passivhaus autour de 2000- 2500 €/m2 TTC fini. Le prix final variera bien entendu en fonction des performances choisies (épaisseur des murs, équipements, production ou non d’énergie, recours à des ENR, …).
Une partie de la fabrication sera sous-traitée à des entreprises locales du bâtiment sélectionnées dans les réseaux de ses partenaires (fabricants de béton cellulaire, d’équipements, …). A charge pour Avenidor de planifier le chantier, de vérifier les points clés, « par exemple, nous nous chargerons de l’étanchéité à l’air» et de faire labelliser la maison.
L’entreprise a déjà prévu de se lancer dans la fabrication d’un autre prototype, à ossature bois et paille cette fois, pour démontrer l’intérêt d’une construction 100% autonome et biosourcée. Beaucoup de travail en perspective pour Avenidor, dont le nom, mot creusois pour avenir, n’a pas été choisi au hasard !
Source : batirama.com / Emmanuelle Jeanson