En Ille-et-Vilaine, Sarah Fruit a créé l?association Bâti Récup afin de promouvoir le réemploi des matériaux dans le bâtiment à travers une activité de conseil et une marketplace internet.
Pour Sarah Fruit, diplômée en architecture depuis 2011, la société de consommation des années 80 appartient bel et bien au passé. Dans un XXIe siècle confronté à la surabondance des déchets, le réemploi lui semble s’imposer comme une voie d’avenir pour le secteur de la construction.
La réutilisation permet en effet d’éviter le traitement de fin de vie des matériaux (recyclage, incinération, mise en décharge) et génère un marché d’occasion à moindre coût.
Ayant créé en novembre 2017 l’association Bâti Récup pour promouvoir cette filière, Sarah Fruit mène parallèlement à son travail d’architecte classique, des missions de conseil sur la déconstruction et le réemploi et commence à développer sur son site web (sarahfruit.org) une plateforme d’intermédiation pour mettre en relation vendeurs et acheteurs de matériaux de seconde main.
Sa consœur Julie Poutas, elle aussi trentenaire, a rejoint son cabinet et participe à l’aventure. Les deux jeunes femmes ciblent avant tout les professionnels du bâtiment à l’échelle du département mais constatent également un intérêt des particuliers pour la démarche. « Nous ne fonctionnons pas sur le modèle d’une ressourcerie précisent-elles, nous sommes des managers de la récup’ ».
Partenariat avec Veolia
Bâti Récup a signé une convention de partenariat avec le mastodonte Veolia Propreté. Le groupe a accepté de mettre à sa disposition un lieu de dépose sur l’un de ses terrains rennais et les deux partenaires proposent ensemble des prestations de conseil et de coordination de chantier relatives au réemploi en partageant les retombées financières.
Ils ont ainsi répondu de conserve à un Appel à Manifestation d’Intérêt (AMI) pour devenir membres d’une « maison du zéro déchet » à Melesse, une commune au nord de Rennes. A terme, l’association Bâti Récup souhaite devenir une SCIC (Société coopérative d’Intérêt collectif) pour mieux intégrer différents associés.
Appel d'offres remporté pour construire des bâtiments sur 5 déchetteries
L’atelier d’architecture de Sarah Fruit a remporté l’an dernier l’appel d’offres lancé par deux Smitcom (Syndicat mixte Intercommunal de traitement et de collecte des ordures ménagères) d’Ille-et-Vilaine pour la construction de bâtiments sur cinq déchetteries déjà existantes au nord de Rennes.
Chaque bâtiment (de 200 m2 environ) intégrera un local dédié au réemploi et doit être édifié en recourant au réemploi pour tout ce qui concerne le second œuvre. « Le projet prévoit en outre que le local du gardien devra être constitué à 80% de matériaux d’occasion et il est stipulé que les matériaux de seconde main doivent avoir un aspect neuf ! » précise Sarah Fruit.
L’heure est donc à la récupération de tout ce qui pourra être réutilisé pour les futurs bâtiments. Le 26 mars dernier, avec l’aide des compagnons bâtisseurs, du collectif « Rien à jeter », et le concours de Veolia, Sarah et Julie ont ainsi participé à la dépose de l’ancienne école dentaire à l’hôtel Pasteur de Rennes pour récupérer faux-plafonds, luminaires, portes, éviers, fenêtres… Tous ces éléments doivent être directement acheminés auprès des déchetteries où ils trouveront une nouvelle vie dans le chantier à venir.
Les produits récupérés peuvent-ils être assurés ?
L’intérêt pour le réemploi peut être parfois freiné par la problématique des assurances qui ne garantissent pas le risque sur les matériaux d’occasion. « Les choses commencent quand même à bouger de ce point de vue, note Sarah Fruit. L’important est de traiter clairement le sujet dans les contrats.
Dans le projet des Smitcol par exemple, les matériaux récupérés -faux-plafonds, portes, fenêtres etc.- ne seront pas assurés. En revanche tout le gros œuvre le sera bien sûr ainsi que le toit et toutes les normes réglementaires seront respectées ».
L’initiative Bâti Récup a été sélectionnée par la French Tech Rennes Saint-Malo dont la mission est d’accélérer l’essor des startups. « Cela va nous aider à développer la place de marché internet et à peaufiner le modèle économique, se réjouit Sarah Fruit. A l’horizon 2030, mon rêve serait aussi de disposer d’un véritable showroom, un lieu où pratiquer à la fois le stockage, la transformation et le conseil ajoute-t-elle ».
Un objectif de valorisation de 70 % d'ici 2020
Chaque année, les chantiers du bâtiment produisent quelque 42 millions de tonnes de déchets dont 31 millions pour le gros œuvre, 11 millions pour le second œuvre. 65% des déchets proviennent de la démolition, 28% de la réhabilitation 7% de la construction neuve. Actuellement seuls 50% des déchets du bâtiment sont valorisés (réemploi ou recyclage) or la loi de transition énergétique prévoit un objectif de 70% d’ici 2020.
Source : batirama.com / C. Ch