Une offre variée et fiable, des performances intéressantes à un coût acceptable et surtout un écobilan incomparable : les isolants biosourcés affichent une croissance à deux chiffres.
Fibres et laines de bois obtenues à partir de déchets de scierie, ouates de cellulose issues de papier ou de textile recyclés, sous-produits de cultures de chanvre ou de lin, pailles de céréales, …, les matériaux biosourcés d’origine végétale se font leur place sur le marché des isolants acoustiques et thermiques.
Dans la construction neuve comme en réhabilitation, ceux qui se taillent les plus belles parts disposent d’une production industrielle bien structurée, qui a su se développer sur le territoire : l’offre est diversifiée, avec des produits répondant aux contraintes normatives et techniques.
La plupart sont validés par des ATec, ATEX, Pass'innovation, ou certification Acermi, et ils sont distribués dans un réseau qui s’étend et se fiabilise : en bref, la filière est mature et s’installe durablement.
Des atouts valorisés
De plus en plus de maitres d’ouvrage sont sensibilisés à l’impact de leurs constructions sur l’environnement. Architectes et bureaux d’études leur emboitent le pas, quand ils ne les précèdent pas, pour intégrer des matériaux biosourcés dans des projets à faible empreinte carbone.
Ce faisant, la tendance s’amplifie, emmenée par la transition énergétique, qui devrait favoriser le déploiement des matériaux biosourcés dans les années à venir. Car la future réglementation du Bâtiment Responsable, annoncée autour de 2020, prendra en compte le carbone tout au long du cycle de vie du bâtiment. L’expérimentation E+C- et le développement du label associé mettent déjà en valeur le bon bilan carbone des biosourcés.
Avec l’expérience du confort obtenu grâce à l’utilisation de ces isolants, d’autres qualités spécifiques commencent à être reconnues : inertie, perspirance, hygrorégulation,… On évoque notamment une Résistance Thermique Effective (mesurée en conditions réelles) quasi supérieure de 50 % à la Résistance Thermique Calculée classiquement. Les isolants biosourcés ont des atouts sérieux à faire valoir face aux laines minérales et aux isolants issus de la pétrochimie.
Un marché en pleine évolution
La gestion de l’hygrométrie dans les locaux devient une préoccupation
Les ventes d’isolants biosourcés n’ont cessé de progresser depuis dix ans, avec + 6 % entre 2012 et 2014, et depuis, une croissance à deux chiffres chaque année.
Les biosourcés représenteraient aujourd’hui 8 à 10 % du marché des isolants (murs et toiture), dont environ la moitié en fibres de bois, posée surtout en isolation par l’extérieur*. De nombreux facteurs indiquent que la tendance est à une augmentation des parts de marchés dans les années à venir. D’après une étude de l’Ademe, le marché des laines isolantes végétales représenterait plus de 13 % du marché global des laines isolantes en 2030.
Le profil du marché a beaucoup évolué : il y a 10 ans, il reposait sur le logement de particuliers, et singulièrement sur les maisons à ossature bois. Aujourd’hui, le gros des ventes concerne des constructions traditionnelles, avec des chantiers importants de bâtiments publics, en neuf et en rénovation, la commande publique tirant à son tour le tertiaire privé. L’ITE se développe fortement mais l’essentiel du marché est réalisé en isolation par l’intérieur.
Jusqu’à ces 5 dernières années, la grande majorité des isolants biosourcés étaient commercialisés par des distributeurs spécialisés en éco-matériaux ou via la vente directe. Depuis, la tendance s’est inversée et plus de la moitié des volumes sont aujourd’hui vendus par les négoces généralistes.
*Une étude en cours, réalisée par Nomadeis pour le Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire, devrait apporter d’ici l’été 2018 des précisions chiffrées sur les dernières évolutions de la filière.
Une mosaïque d’acteurs
Les Pouvoirs publics s’intéressent aux biosourcés mais n’apportent aucune aide concrète, tandis que les régions ont participé au développement de filières locales, au travers de subventions ©Biofib
Issus du monde agricole, les fournisseurs de paille forment un tissu diffus. Quant aux producteurs de ouate de cellulose, chanvre, lin et fibre de bois, ils se sont concentrés ces dernières années.
Huit groupes industriels majeurs des produits de construction biosourcés, regroupés depuis 2017 dans le syndicat AICB, pèsent à eux seuls autour de 8 % du marché français de l’isolation. Ils totalisent 200 000 t/an de fibres végétales ou issues du recyclage, transformées dans une dizaine d’usines en France (152 millions d’euros d’investis).
Sur les quatre dernières années, leur chiffre d’affaires cumulé s’est développé de 40 %. Ils ont investi 35 millions d’euros dans la filière et sont à l’origine de la pose de 18 millions de m2. Leur activité aurait généré ces six dernières années, environ 4 000 emplois directs et indirects non délocalisables.
Des poseurs avertis
Les artisans qui ont choisi de se spécialiser dans la pose d’isolants biosourcés, par conviction ou pour trouver un nouveau segment d’activité, ont un carnet de commande bien fourni. Avant de se lancer, il est indispensable de se former aux caractéristiques de ces produits : les désordres et sinistres liés à ces isolants sont essentiellement dus à des défauts de prescription et de mise en œuvre.
Les fabricants assurent des formations spécifiques tandis que divers organismes proposent des cessions d’une demi-journée à 3 jours, pour appréhender les bonnes pratiques de conception et de mise en œuvre.
Parmi eux, Céquami, CSTB Formations, INEO Formation, Karibati, Fibres-Énergivie, les CCI, les CAUE, la formation Pro-Paille créée par le RFCP, …, apportent les connaissances nécessaires. A charge pour le poseur de respecter ensuite les indications des guides techniques.
Les matériaux biosourcés dans les textes
Avis d’expert
Olivier Joreau, président de l’Association des industriels de la construction biosourcée (AICB) : « On s’oriente vers des solutions complètes pour traiter l’enveloppe. »
Bâtirama : Quels sont les facteurs de croissance du marché aujourd’hui ?
Olivier Joreau : D’abord la prise de conscience des maîtres d’ouvrage : utiliser des matériaux qui n’épuisent pas les ressources devient une préoccupation sociétale importante qui se traduit de plus en plus dans les cahiers des charges. Ensuite, le fait que les produits soient certifiés rassure les applicateurs et les donneurs d’ordre.
La gamme s’est beaucoup développée ces dix dernières années, avec des progrès sur les performances thermiques, les qualités acoustiques, la capacité à réguler l’humidité et l’inertie qui participe au confort d’été. Les aides octroyées par certaines régions ont joué et enfin, nous profitons pleinement de la reprise du bâtiment.
Quelles compétences doivent avoir les entreprises de mise en œuvre pour développer leur chiffre d’affaires ?
Olivier Joreau : Aucune en particulier car la pose de nos produits n’est pas fondamentalement différente de celle des autres isolants et les quelques spécificités sont vite intégrées. Il suffit d’appliquer les principes de précaution habituels pour obtenir les performances attendues. Les fabricants forment à leurs produits et nombre d’organismes de formation professionnelle organisent des sessions de mise en œuvre des isolants biosourcés.
A quels produits ou systèmes travaillez-vous pour le futur ?
Olivier Joreau : Grâce à l’augmentation des volumes de ventes, nous investissons beaucoup dans les outils pour développer les performances. Nous travaillons à des solutions complètes en biosourcés, incités par les prescripteurs et leur approche globale de l’enveloppe du bâtiment.
Source : batirama.com / Emmanuelle Jeanson / Photo d'ouverture : Les isolants biosourcés installés dans le neuf doivent répondre aux exigences de la réglementation acoustique, dite NRA 2000. Ils sont compatibles avec tous les modes constructifs, à condition de respecter les règles de pose ©Isocell