Les produits de traitement du bois se situent dans un contexte réglementaire évolutif et complexe. Une complexité que l?on retrouve aussi dans la distribution.
Le bois doit affronter deux types d’ennemis essentiels : les effets du climat et la détérioration due aux insectes et aux champignons qui se nourrissent des éléments nutritifs qu’il contient.
Le choix du traitement et son mode d’application sont choisis en fonction de la classe d’emploi à laquelle le bois est destiné et de la nature des essences. Chaque classe d’emploi d’un bois est déterminée par la norme NF EN 335-1 à 3 selon les risques d’exposition à l’humidité. (voir encadré).
Une réglementation contraignante
Pour sa part, le marché des produits de traitement du bois est très lié à l’environnement règlementaire européen, dont le BPR (Biocides Product Regulation).
« Le BPR concerne la mise sur le marché et l'utilisation des produits biocides utilisés pour préserver le bois contre les attaques des organismes nuisibles », explique François Corda, Président du SPB*.
« Tous ces produits requièrent en effet une Autorisation de mise sur le marché ou AMM, les substances actives qu’ils contiennent devant être préalablement approuvées. Traduit en France par la loi N°2015-1567 du 2 décembre 2015, ce cadre réglementaire et législatif très strict a énormément réduit le nombre de produits admis sur le marché et, partant, le nombre d’acteurs ».
Une distribution à plusieurs niveaux
Quant à la distribution de ces produits, elle est assez complexe. A titre d’exemple, ainsi que l’indique Stéphanie Vignon, chef de produits chez Cecil Professionnel, « la société V33 distribue des traitements à marque Cecil Professionnel en boite de 1l à 60l via le négoce de matériaux à une cible de clientèle de particuliers et artisans multi-spécialistes (menuisier, maçons...) et des traitements destinés aux particuliers à marque V33 en GSB.
La partie « industrielle », soit le traitement des charpentes neuves en bac de trempage, ainsi que les produits pour les artisans spécialistes du traitement, passe préférentiellement par un marché B to B ».
* Syndicat national des industriels de la Préservation du Bois et de la lutte anti-termites, le SPB représente 85% de la filière « préservation et traitement du bois ».
Solution 1 : Protéger contre les aléas climatiques
©Corywood
Tous les bois, sans exception, s’altèrent dans le temps face aux agressions climatiques. Les protéger permet de maintenir leur aspect esthétique et de les stabiliser.
Non protégé contre les agressions climatiques, le bois peut subir des phénomènes de déformation (tuilage, gonflement et retrait) ou de fendillement de surface, le contraste entre les saisons accentuant ce phénomène. Il perd aussi à la longue sa teinte naturelle et grisaille.
Les essences nécessitent donc une protection de surface parmi lesquelles :
- un vernis, une protection filmogène contre les infiltrations d’eau mais qui présente l’inconvénient de s’écailler à la longue, nécessitant un ponçage intégral du bois avant d’appliquer une nouvelle finition.
- l'huile de lin, protection hydrofuge qui retarde le grisaillement en extérieur, mais qui présente avec le temps des traces noires incrustées qui s'avèrent très difficiles à effacer, le bois étant devenu gras.
- les lasures et saturateurs, qui assurent des fonctions anti-UV et sont hydrofuges, avec des différences : un saturateur permet de conserver l’aspect mat et la texture du matériau, ce qui n’est pas le cas de la lasure. Il nécessite d’être appliqué en plusieurs couches successives pour assurer une bonne protection, tandis que la lasure permet une application monocouche.
A noter : Il ne faut pas confondre les produits de traitement et de préservation des bois avec ces produits de finition qui ne font que retarder l'apparition des pourritures, protéger des UV et préserver la couleur.
Solution 2 : traitement préventif contre les champignons et insectes
© Sarpap
Un traitement préventif doit être appliqué sur un bois sain, garantissant une protection pour une période d'environ 10 années.
La mise en œuvre des produits de traitements préventifs du bois avant son utilisation peut se faire par différents procédés assurant la pénétration et la fixation du produit :
- le trempage court dans un bac.
- l’imprégnation profonde, par autoclave vide et pression (seulement pour des bois dont l’humidité est inférieure à 25%).
- le procédé oléo-thermique, à base d’huiles végétales chauffées à basse température (120°), qui permet au bois de devenir hydrophobe, donc peu ou pas sensible aux micro-organismes. Ce traitement est surtout utilisé pour des bois en extérieur, pouvant répondre aux exigences des classes d’emploi 3.
- la rétification, dont le principe est de « cuire » le bois. Selon les épaisseurs du bois, le taux d’humidité et l’essence, un cycle peut durer entre 25 et 50 heures. Ce procédé vise les bois en extérieur et permet d’utiliser des essences locales sans avoir recours aux bois exotiques.
A noter : Le traitement en autoclave est particulièrement recommandé pour les bois exposés aux conditions rigoureuses : contact avec le sol et/ou sources d'humidité. Le procédé oléo-thermique a l’avantage de pouvoir s’appliquer à tous les types de bois.
Solution 3 : Les traitements curatifs
A/ Pour les insectes et les larves
© sarpap
Les procédés de traitement curatifs se répartissent en deux grandes catégories selon qu'ils possèdent ou non un effet de longue durée (rémanence).
- La fumigation consiste à activer un fumigène insecticide dans un environnement clos contenant les insectes à tuer. Relativement aisé à mettre en œuvre, ce procédé ne permet pas d'agir sur les larves logées dans le bois. Utilisable pour des charpentes de grenier, il n'est pas rémanent.
- Le gazage consiste à placer les bois attaqués dans une ambiance gazeuse hautement toxique à fort pouvoir pénétrant, tuant toute forme de vie animale au plus profond des bois. Il peut être appliqué, sous certaines conditions, aux bâtiments isolés. Pas de rémanence.
- Le traitement thermique vise à chauffer avec de l’air chaud pendant plusieurs heures les éléments infestés jusqu'à dépasser la température létale des larves qui y vivent. Pas de rémanence.
- La pulvérisation / le badigeon consiste à appliquer une solution contenant un insecticide de contact sur toutes les faces accessibles des éléments infectés. Les insectes sont empoisonnés, mais non les larves. Utilisé avec les insecticides appropriés, ce traitement apporte une protection préventive durable au bois. ?
- L'injection fait pénétrer une solution biocide dans la masse du bois de manière à intoxiquer les larves, sans toutefois parvenir à imprégner la totalité du bois, créant seulement des barrières toxiques. Ce traitement s'accompagne obligatoirement d'un traitement par pulvérisation de la surface.
A noter : selon l'Institut Technologique du bois FCBA, seuls les produits insecticides présentés en solution organique ou en émulsion aqueuse se révèlent efficaces pour traiter de manière curative le bois par injection et aspersion/badigeon.
B/ Pour les champignons
Les traitements curatifs fongicides se répartissent en deux catégories selon l'importance des dégâts que les champignons peuvent générer. Le procédé pourra ainsi être superficiel ou en profondeur.
Dans les cas les moins graves, un traitement local, comprenant un décapage et un assèchement suivi d'une application abondante d'un fongicide et d'une finition doit suffire. Dans les autres cas (bois pourris au contact d'une maçonnerie ou d’un sol humide), les éléments attaqués sont systématiquement évacués. Ensuite, il s’agit de supprimer la source d'humidité, avant d’appliquer un traitement de désinfection chimique sur les murs et les sols contaminés.
A noter : ce traitement ne permet pas toujours de tuer le champignon qui est parfois incrusté très profondément dans les maçonneries et les sols, mais il forme un cordon sanitaire empêchant toute prolifération ultérieure du mycélium.
Interview de Claude Genty, Directeur Général d’Adkalis*
Adkalis est un formulateur majeur pour les produits de protection du bois à destination de la 1ere et 2e transformation (sciage et menuiseries charpentes-parquets). C’est l'une des entités du Groupe Berkem dont le chiffre d’affaires a été de 54 M€ en 2017.
Bâtirama : Quels sont les contours du marché des produits de préservation du bois ?
Claude Genty : Si le chiffre d’affaires des produits de protection du bois est difficile à préciser, on peut cependant dire que 2017 a été une année de croissance à la marge (dans les 2 à 3%), rompant avec la décroissance observée depuis 2008/2010. Si la construction suit le train amorcé en 2017, 2018 devrait véritablement renouer avec la croissance.
Les importations ont beaucoup diminué et ont même quasiment disparu au niveau de la classe d’emploi 2. Quant au nombre d’acteurs en présence sur le marché français, il est environ d’une petite dizaine.
On observe également que le coût élevé des AMM, les Autorisations de mise sur le marché (environ 300 000 € par formule) ont donné lieu à la réduction de l’offre en nombre de formules de protection du bois en présence. Par ailleurs, certains acteurs se sont désengagés ces dernières années du marché de la protection du bois à destination de la première et deuxième transformation du bois.
Quels en sont les facteurs de croissance aujourd’hui ?
Il y a certes ce qui semble être la reprise dans le secteur de la construction, mais on a également assisté à des facteurs mondiaux qui ont conduit à une augmentation du volume de sciages dans les scieries françaises (par exemple, des importations moindres en provenance d’Allemagne et de vives tensions entre le Canada et les USA).
Pour notre entreprise, l’innovation est aussi un facteur de croissance sur nos marchés en Europe, la commercialisation de notre nouvelle gamme Biosourcé pour les marchés du préventif et du curatif portera cette croissance.
Quelles sont les caractéristiques principales sur lesquelles travaille la R & D ?
Il est incontestable qu’une grande partie des efforts des laboratoires sont dirigés par les AMM, qui ont eu un impact très fort sur l’activité de nos laboratoires et de notre service réglementaire, avec un effet de réduction du nombre de formules : 30% environ ont été retirées du marché.
Elles ont aussi généré une rationalisation de ces formules : au lieu de deux ou trois fonctions (Propriétés) par produit, on observe aujourd’hui que les produits n’en détiennent plus que deux, voire trois. Des produits qui étaient auparavant multifonctions (insecticides, fongicides, retardateur de feu, hydrofuge, teintant, etc.), avec de faibles parts de marché, ont été réduits à deux ou trois fonctions par formules, maintenant néanmoins les fonctions insecticide et/ou fongicide.
* Le groupe Berkem a repris l’activité Xylophène Industrie de Dyrup, qui a rejoint le pôle Formulation du groupe, composé des deux filiales Sarpap & Cecil Industries et S&C Construction. Le nouvel ensemble s’appelle Adkalis.
Les classes d'emploi
Chaque classe d’emploi détermine un degré de résistance soit par durabilité naturelle, soit par un traitement de préservation, soit par une combinaison des deux :
Classe 1 : les bois secs en application intérieure avec un taux d’humidité toujours inférieur à 20 % (menuiseries intérieures ou zones à l’abri de l’humidité).
Classe 2 : les bois secs qui peuvent être occasionnellement en contact avec un taux d’humidité supérieur à 20% (ossatures et charpentes).
Classe 3 : les bois qui peuvent être fréquemment en contact avec l’humidité, même au-delà de 20% (pièces de construction et menuiseries extérieures comme le bardage).
Classe 4 : les bois pouvant être en contact permanent avec l’eau douce (bois stabilisés et/ou imputrescibles comme la majorité des bois exotiques).
Classe 5 : les essences pouvant être en contact permanent avec l’eau de mer (bois exotiques).
Applicateurs et négociants : quelles obligations et compétences ?
Suite aux dispositions de l’arrêté du 9 octobre 2013 relatives « aux conditions d’exercice de l’activité des utilisateurs professionnels et distributeurs de certains types de biocides » applicables depuis le 1er juillet 2015, le certificat Certibiocide est obligatoire pour toute personne manipulant des produits biocides dans un usage professionnel.
Il s’agit d’un certificat individuel délivré à un compagnon en tant que personne physique (et non à l’entreprise elle-même). La formation nécessaire à son obtention dure trois jours et est dispensée dans de nombreux centres en France.
Une fois la formation reçue, c’est à l’employé de demander sa carte « certibiocide » sur le site Simmbad.fr. Elle est valable cinq ans maximum. Ne concernant que les produits biocides utilisés par ou vendus à des professionnels, Certibiocide vise ici les produits TP8 (produits de préservation du bois) et TP18 (insecticides).
Par ailleurs, l’article 69 du BPR spécifie que les produits biocides doivent être classés, emballés et étiquetés conformément au règlement CLP* et contenir des éléments d’étiquetage supplémentaires spécifiques aux BP pour le packaging et le stockage de produits dangereux.
Depuis le 1er juin 2017, les négociants n’ont plus le droit de vendre des produits biocides qui ne respectent pas le CLP. Cela concerne les produits mis sur le marché avant le 1er janvier 2015 et non écoulés au 1er juin 2017. Enfin, les applicateurs peuvent avoir une certification Qualibat ou FCBA, qui découlent d’une démarche volontaire.
*acronyme de « Classification, Labelling and Packaging of substances and mixtures » («Classification, étiquetage et emballage des substances et mélanges»)
Un guide pour les mérules
Un guide pratique pour l’éradication des mérules a été édité conjointement par le ministère du logement et de la ville, l’agence nationale de l’habitat (Anah), le centre expérimental de recherches et d’études du bâtiment et des travaux public (CEBTP) et l’institut technologique du bois (FCBA) de Bordeaux.
On peut le consulter ou le télécharger ici.
Source : batirama.com / Michèle Fourret / Photo d'ouverture ©MABI