Cumulant les avantages, s?affranchissant de préjugés grâce à de nombreuses évaluations techniques, la construction bois se développe portée par son utilisation dans des immeubles de plus en plus hauts.
Certes, le secteur de la maison individuelle pour la construction bois est toujours un peu à la peine avec plus ou moins 10 % de part de marché selon les années dans le neuf. Il faut bien que ce marché essuie aussi la crise du bâtiment, avec un décalage de trois ans, selon l’Enquête nationale de la construction bois*.
Pour autant ce matériau tutoie plutôt le positif pour ériger des logements collectifs, l’heure est plus à la verticale qu’à l’horizontale. De leur côté, faute de pouvoir déménager, les particuliers sont conquis par des extensions-surélévations.
Conséquence : boostée par cette quête de hauteur, la construction bois sort (enfin) son épingle du jeu. La preuve : alors que le nombre d’extensions-surélévations de manière générale dégringole en 2016 (-22 %), celles en bois progressent lentement mais positivement de 8 % entre 2014 et 2016.
Sachant que dans le cadre de ces travaux prévus pour agrandir leur cocon, les particuliers y ajoutent souvent l’amélioration énergétique de leur logement. 85 % des entreprises présentes sur cette activité associent très souvent à ces ouvrages, une isolation thermique par l’extérieur.
Le collectif séduit par le bois
De plus, dans un contexte où le nombre total de mises en chantier de logements collectifs progresse en 2016, ceux construits en bois font littéralement un bond : + 72 %.
Preuve de cet engouement, des opérations emblématiques sortent de terre partout en France griffées par de grands noms de l’architecture nationale et internationale. À Bordeaux (33), 1 400 m3 de bois massif, en partie issu de la proche forêt landaise, vont notamment composer le squelette d’une tour de 57 mètres de haut dessinée par Jean-Paul Viguier et Associés. Livraison prévue : 2020.
À Nantes (44), l’agence libanaise de Youssef Tohme Architects and Associates a conçu la Canopée, soit une tour de 11 étages avec un noyau central en béton et une enveloppe construite en murs à ossature bois, ceinturée par des balcons filants aux volets papillons fixés au extrémités.
Envolée prévue pour 2019.
En Île-de-France, à Villiers-sur-Marne (94), l’opération Balcon sur Paris vise à construire le premier projet dense de grande hauteur en éco-construction bois d’Europe. Une opération inédite qui devrait s’échelonner de 2022 à 2024.
Mais en attendant, et alors que le programme ADIVBois* (Association pour le développement des immeubles à vivre bois) a concrétisé le lancement l’an passé de près de 25 projets de R+10 à R +15, ce matériau consolidé également par un arsenal réglementaire en cours de révision devrait continuer à prendre autant d’hauteur que d’ampleur. Car il est aussi une réponse globale dans un contexte bas carbone dont la généralisation se profile dès 2020. C’est à dire demain.
* 4e enquête nationale construction bois (2016) publié en juin 2017, lancée par le Codifab et France Bois Forêt dans le cadre de l’Observatoire national de la construction bois.
** Lancé par le Comité stratégique de la filière bois avec le Plan urbanisme construction architecture (PUCA).
Solution 1 : Les panneaux massifs contrecollés
©Piveteau Bois
Plus connue sous le nom de CLT pour Cross Laminated Timber, cette offre plus vraiment nouvelle agit désormais comme un raz de marée dans la construction bois.
Ses avantages : construction sèche, meilleure gestion des déchets de chantiers, performances accrues sur les plans thermique, acoustique et incendie. Quand l’instruction technique IT 249 impose ses règles en façade, cette solution constructive élève le bois. Les IMH (Immeubles de Moyennes Hauteur) en R+3 et R+4 ne sont plus rares.
Grâce à la préfabrication en autre, le CLT ouvre ce matériau à des chantiers complexes, en milieu contraint, en site occupé. Pour asseoir son rôle déterminant dans la construction d’immeubles de logements collectifs de moyenne et grande hauteur, le programme RAGE qui a débouché sur de nombreuses recommandations dans le domaine de la construction bois a aussi abouti sur la rédaction d’un guide Panneaux massifs bois contre-collés (ou CLT). Une mode constructif promis à un bel avenir.
- Avantages : préfabrication, gestion des déchets et nuisances réduites, rapidité d’exécution, performances thermique et acoustique, légèreté, construction économique à l’empreinte écologique réduite, performances mécaniques supérieurs au bois massif traditionnel.
- Limites : favoriser les procédés sous Avis techniques encore peu nombreux.
Solution 2 : L’ossature bois
©Ytaa
C’est encore le système le plus utilisé pour ériger des maisons individuelles puisqu’il représente 84 % de celles sorties de terre en 2016, même si le bois accuse un recul en secteur diffus et groupé (-7 %).
Si le logement neuf a repris des couleurs, c’est en partie grâce au prêt à taux zéro et à la loi Pinel favorisant deux publics – les primo-accédants et les investisseurs – traditionnellement peu enclins à opter pour du bois. Reste que d’un point de vue technique, ce mode constructif se réforme aussi et connaît des évolutions certaines puisque des études et essais ont été réalisés concernant l’étanchéité des murs à ossature bois.
Ces travaux vont notamment apparaître dans la version 2019/2020 révisée du NF DTU 31.2 « Bâtiments à ossature bois », en cours de dépouillement des nombreuses remarques émises suite à l’enquête publique de fin 2017.
- Avantages : mode constructif maîtrisé qui a aussi bénéficié du développement des bois d’ingénierie, économique, rapidité de mise en œuvre, quasi absence de ponts thermiques.
- Limites : faible inertie qui peut devenir un inconvénient si elle n’est pas intégrée en confort d’été, n’autorise pas encore de très grandes dimensions.
Solution 3 : Le poteau poutre
© Gilles Mermet
Pour concevoir des maisons en quelques jours grâce à un montage en atelier, le poteau-poutre séduit aussi pour la diversité de remplissage que ce mode constructif offre.
Ses autres atouts prisés sont l’effet de lumière et de légèreté apporté par sa trame soulignée par les poutres de grande portée. Dessinée par des espaces réguliers de 2,5 m à 5 m, cette structure porteuse se décline en bois massif, armée de profils métalliques, en contrecollé ou lamellé-collé. Elle se décline aussi dans des immeubles de moyenne hauteur.
Mais à l’inverse du CLT capable de gérer la descente de charge et de devenir murs et planchers, le poteau-poutre doit s’accompagner d’une façade manteau, jouant par exemple la mixité avec une ossature bois ou un panneau-mur. CQFD : le travail d’ingénierie sera plus poussé qu’avec du CLT.
- Avantages : grands volumes, longues portées, rapidité de la préfabrication, reçoit tous types de parements, adapté sur les terrains difficiles, grande liberté de conception en dissociant structure et remplissage.
- Limites : souffre le plus de la conquête du CLT.
Parole d’expert, Benoit Cauchard, ingénieur ENSTIB* :
« Le CLT s’inscrit dans la continuité pour les métiers du bois »
*responsable technique menuiserie intérieure et agencement à l’Union des Métiers du Bois de la Fédération française du bâtiment (UMB-FFB).
La filière bois construction dopée par le CLT et une batterie d’évolutions menées tambours battants par des actions collectives se réinvente. Et n’a plus rien à envier à d’autres modes constructifs avec des opportunités à saisir par tous.
Le CLT est le mode constructif qui progresse le plus. Est-ce une bonne chose pour les entreprises de la construction bois, artisans, TPE et PME ?
B. Cauchard : Les entreprises de la construction bois voient leurs parts de marché régresser sur la partie fabrication. Mais ce mode constructif est moins coûteux, plus rapide, plus propres grâce à la préfabrication en atelier. Du coup, avec moins de mise en œuvre, les entreprises doivent réorganiser leurs temps d’interventions entre l’atelier et le chantier. Néanmoins, le CLT est un nouveau procédé qui s’inscrit dans la continuité.
Ces entreprises peuvent-elles valoriser cette nouvelle prestation ?
Bien sûr. Les charpentiers habitués à travailler le bois sur les chantiers en termes de structure peuvent se repositionner par exemple sur de la maison d’architecte ou autres bâtiment collectifs grâce au CLT. Le temps et la valeur ajoutée perdus en fabrication, sont réaffectés dans l’augmentation du nombre de chantiers. Ils doivent alors embaucher et repositionner leurs marchés en réaménageant leurs ateliers.
Comment explique-t-on l’engouement pour le bois dans les logements collectifs aujourd’hui ?
C’est un matériau environnemental, durable qui s’est affranchi de ses principaux défauts. Des évaluations techniques et des essais ont été menés afin de palier ses lacunes par rapport à d’autres modes constructifs, en particulier pour ce qui concerne la réaction et la résistance au feu, le sismique, la performance thermique ou encore en matière d’acoustique.
Pour les termites, les traitements sont efficaces, et la cartographie de leur présence sur le territoire est plus précise. Aujourd’hui, un bâtiment en bois recouvert d’enduit ne se distingue pas d’une structure béton.
Et grâce au programme ADIVBois et ces 25 projets pour la construction d’immeubles de moyenne et grande hauteur, le bois va prendre encore une dimension supplémentaire.
Quels sont ses inconvénients ?
Les soucis d’approvisionnement en bois en France et en Europe sont quelque peu perturbés par l’augmentation de la demande, l’essor du bois énergie, ou encore l’appétit énorme de la Chine pour nos grumes. En effet, le coût de la main d’œuvre étant beaucoup moins élevé, les transformateurs chinois s’en sortent mieux que les entreprises françaises qui ne peuvent pas s’aligner sur leurs prix.
Certains charpentiers installés au cœur d’une forêt, ne peuvent pas s’alimenter de manière locale, et se fournissent à des milliers de kilomètres. C’est désastreux d’un point de vue du bilan carbone.
Source : batirama.com / Stéphanie Lacaze / Photo d'ouverture : ©Compagnie de Phalsbourg Architectes 08