Assureur leader de la construction depuis 160 ans, la SMABTP a organisé un colloque destiné à dresser un bilan des 40 ans de la loi Spinetta.
Une chose est certaine : l’avant loi Spinetta était fort dommageable pour les consommateurs, ainsi que l’a rappelé Bertrand Lotte, directeur des règlements du groupe SMA : « les délais de règlement des sinistres étaient insoutenables, avec des règlements plus de huit ans après la déclaration de ceux-ci dans 75% des cas. Dans de nombreux cas restants, les règlements de sinistres pouvaient s’effectuer dans un délai supérieur à 20 ans ! »
La loi du 4 janvier 1978, dite Loi Spinetta a donc largement bénéficié aux Français. Régissant la responsabilité et les assurances obligatoires dans le domaine de la construction, ce dispositif a institué une assurance obligatoire des risques de la construction destinée à couvrir la réparation des dommages « de nature décennale » des ouvrages de bâtiment.
Si, de l’avis unanime des acteurs du BTP, ce régime a atteint ses principaux objectifs (meilleure protection du consommateur final, réduction des délais de règlement, diminution du nombre de contentieux, etc.), il a toutefois révélé des faiblesses importantes résidant notamment dans l’imprécision de la loi et dans les incertitudes engendrées par la jurisprudence.
Une ordonnance pour améliorer le dispositif
Pour répondre aux demandes des acteurs du BTP sur ces points, l’ordonnance du 8 juin 2005 est venue définir le champ de l’assurance obligatoire, en établissant la liste des ouvrages exclus. Elle a précisé que l’obligation d’assurance ne s’appliquait pas aux ouvrages existants avant l’ouverture du chantier, à l’exception de ceux qui, totalement incorporés dans l’ouvrage neuf, en deviennent indivisibles.
Enfin, l’ordonnance a prévu que les actions au titre des désordres de nature décennale mettant en cause la responsabilité des sous-traitants soient soumises aux mêmes délais de prescription que celles qui mettent en cause la responsabilité des constructeurs.
Toutefois, des dérives sont apparues ces dernières années, amenant certains acteurs à souhaiter une réforme. Gwénaëlle Durand-Pasquier, professeur à l'université de Rennes, en a brossé le tableau : élargissement de la notion de risque décennal, avec assimilation de simples risques de dommage à un dommage immédiatement réparable, désordres esthétiques ou en lien avec le confort phonique considérés comme des désordres décennaux, etc.
Des dérives alarmantes
Elle a également posé la question du sens à donner à la responsabilité des constructeurs si la notion d'ouvrage disparaît : « La jurisprudence ne fait plus la référence à un ouvrage, mais considère qu'un élément d'équipement sur un existant peut engager la responsabilité de l'installateur, dès lors que cela rend l'ouvrage impropre à sa destination. Mais quelle destination ? ».
Pour leur part, François Malan, directeur de la gestion et du contrôle des risques de Nexity et Laurent Canu, directeur du développement chez Saretec, ont estimé que la performance énergétique, ainsi que le bâtiment connecté et la qualité de l'air intérieur seront particulièrement concernés à cet égard.
Car, de l’avis des experts, la loi Spinetta déresponsabilise le maître d'ouvrage au niveau de l'état du bien bâti. A titre d’exemple, les économies d’énergie ne peuvent être réalisées qu’avec un bon entretien des équipements et un comportement vertueux de l'usager. Or, il y a un manque dans la loi au niveau de la responsabilité du maître d'ouvrage, qu'il soit particulier ou institutionnel.
Maîtrise d’oeuve et maîtrise d’ouvrage dans le collimateur
« Je ne peux pas accepter l'idée qu'un institutionnel choisisse une offre anormalement basse, sachant que derrière il a l'assurance tout risque avec sa dommages-ouvrage », s’est indigné à ce sujet Philippe Guérin de l’entreprise Sofradi, commission assurances de la Fédération française du bâtiment.
Constat similaire du côté de la maîtrise d’oeuvre pour Alain Le Floc'h du service assurances d'Eiffage Construction, qui a pointé du doigt la course au plus bas prix, ainsi qu’une baisse générale de l'exigence technique.
« Le bureau de contrôles est aujourd'hui un commerçant, il est comme n'importe quel acteur plongé dans la bataille des appels d'offres. Les coûts et délais sont sous pression… Je rappelle par ailleurs que dans d'autres pays, il n'y a pas de loi Spinetta, et les acteurs ne construisent ni mieux ni moins bien qu'ici. »
Enfin, alors que les sinistres les plus fréquents pourraient concerner à l’avenir la performance énergétique, les dysfonctionnements d'objets connectés ou encore la qualité de l'air, les acteurs de ce colloque ont considéré que la loi Spinetta ne sera pas en mesure de répondre aux problématiques auxquelles le secteur devra se confronter demain.
Source : batirama.com / Michèle Fourret