Après l?engouement de la fin des années 2000, le photovoltaïque adopte une posture plus technique et réaliste.
Quelques fabricants restent bien campés sur ce secteur ; l’arrivée de la mobilité électrique suscite la vocation d’un nouvel acteur
Le moratoire sur le tarif de rachat de l’électricité d’origine photovoltaïque à la fin des années 2000 a brutalement interrompu le développement du secteur embryonnaire des petits éléments de toiture à fonction photovoltaïque. À tel point que la plupart de petits fournisseurs ont disparu… quand des gammes ne sont plus suivies – Wienerberger a abandonné Korasun.
À la faveur de plusieurs événements récents, ce marché semble se refaire une santé. En premier lieu, une bonne lecture de la réglementation thermique 2012 fournit des arguments sérieux pour installer une solution d’autoconsommation : il est ainsi possible de dépasser le seuil de consommation d’énergie primaire (le Cep max) de 12 kWhep/m².an. Soit 62 kWhep/m².an au lieu de 50. Un avantage directement lié aux 5 kWhep/m².an obligatoirement produits par une EnR que n’offrent pas les autres énergies : poêle à bois ou chauffe-eau thermodynamique.
De forts leviers de développement
Deuxième levier en action : la possibilité d’autoconsommer son énergie électrique. Les textes réglementaires datent de février 2017, et ils ont donné un vrai coup d’accélérateur à la mesure contenue dans la RT 2012 auprès des futurs propriétaires de maisons individuelles. Troisième point d’appui : l’expérimentation E+C- lancée mi-2017.
Cette anticipation de la future transposition de la directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments permet aux pouvoirs publics et à toute la filière bâtiment de tester les bonnes formules de construction et d’équipement avant de poser noir sur blanc, en 2019-2020, la réglementation sur les bâtiments dits « à consommation quasi-nulle ». De fait, le photovoltaïque se refait une place de choix, surtout lorsqu’il s’agit de viser le niveau Énergie 3 – voire 4, mais là, ça devient plus délicat !
Favoriser une autoconsommation naturelle
La différence entre la RT 2012 et la future réglementation actuellement en test géant porte sur la stratégie d’autoconsommation. Avec la RT 2012, celle-ci est fondée sur une autoconsommation dite naturelle : on consomme ce que l’on produit, on ne stocke pas, et ce qui n’est pas consommé est rejeté gratuitement sur le réseau. Ainsi, l’investissement est léger – il est de l’ordre de 1 à 3 kWc – et il couvre au mieux 40 % des consommations annuelles.
E+C- devrait populariser le stockage d’énergie
Dans la « mallette pédagogique E+C- » rédigée par les ingénieurs de l’AICVF pour le programme Pacte*, on lit qu’il faut rajouter entre 1,5 et 4,5 m² de capteur PV pour atteindre les niveaux Énergie 1, 2 ou 3, selon l’énergie principale choisie (gaz naturel, Pac...).
Pour passer à Énergie 4 (soit 0 kWhep/m².an), la simulation demande d’équiper la toiture de 50 à 60 m² de capteurs ! Ce qui devient très coûteux, d’un rendement aléatoire et sans doute problématique sur un toit à deux pentes d’une maison de 100 m² au sol.
Autant dire que l’autoconsommation naturelle atteint ses limites. En conséquence, des fournisseurs comme Terreal, Edlilians ou Wienerberger complètent leur gamme d’indispensables batteries de stockage d’énergie.
L’idée étant : l’énergie produite doit pouvoir être autoconsommée durant les pointes d’appel d’électricité de la fin de journée. L’économie de consommation serait, en hiver, de 25 %, en été, de 70 % ; en moyenne annuelle, on passerait la barre des 50 %.
Un retour sur investissement plus rapide
Si l’investissement sera d’un niveau plus élevé, son retour devrait être plus rapide. Par ailleurs, la mobilité électrique se développant, cette formule « d’autoconsommation stockée » pourrait faire l’objet de multiples autres stratégies d’échange d’énergie entre la maison et le véhicule – ce qui est d’ailleurs hors-champ dans l’expérimentation E+C-.
Le concept n’est pas nouveau ; il avait été diffusé par Toyota il y a une dizaine d’années. Il refait surface : l’entreprise américaine Tesla fait la promotion depuis plusieurs mois sur son site sur quatre éléments de couverture et de batteries associées.
Ils serviront à recharger la berline familiale électrique et aussi à alimenter le logement en énergie. Cette synergie va-t-elle se généraliser ? Les fournisseurs d’éléments de toiture considèrent qu’il existe des barrières réglementaires et techniques encore infranchissables entre bâtiment, énergie et mobilité.
* http://www.programmepacte.fr/referentiel-pedagogique-label-ec
Chantier : près de 60 m2 de tuiles solaires sur un toit de maison
Les 87 m² de capteurs photovoltaïques sont constitués de 26 kits. Tuiles et capteurs restent esthétiquement homogènes.
La toiture à deux pentes de cette maison à ossature bois dispose de 87 m² de tuiles solaires.
Dans les nouveaux éco-lotissements de la commune de Villars-de-Lans, en plein cœur du massif isèrois du Vercors, le plan local d’urbanisme demande de recourir aux énergies renouvelables à hauteur de 53 %.
Pour répondre à cette demande, l’entreprise locale Bourguignon a construit une maison de 140 m² à ossature bois dont l’une des deux pentes du toit – celle au sud-est est recouverte de 57,2 m² de tuiles Alpha Solaire d'Edilians. Soit 26 kits d’une capacité de production annuelle estimée à environ 8,5 kWc.
L’intérêt de cette solution se révèle multiple. Technique et énergétique en premier lieu, car les modules affichent d’un rendement de 159 Wc/m², équivalent à celui de panneaux classiques ; esthétique aussi, car les kits se marient avec les tuiles Alpha 10 Ste Foy de teinte ardoisée.
L’énergie non stockée est destinée, pour deux tiers de la production, à l'autoconsommation, et pour le reste, à la revente sur le réseau de distribution électrique.
Témoignage : Krasimir Yordanov, responsable des produits « production et stockage d’énergie » chez Terreal
« Terreal ne produit plus de petits éléments de couverture à fonction photovoltaïque, mais nous restons présents avec les équipements de moyenne dimension Solterre, d’ailleurs présents sur des chantiers d'expérimentation E+C-.
Cependant, nous restons en recherche et développement sur ce marché de niche. Le problème, pour nous qui disposons d’un catalogue de quelque cinquante modèles de tuiles en terre cuite, c’est de tous les adapter aux capteurs. Ce qui suppose retenir des cellules rigides ou flexibles selon leur profil.
Les principaux critères de qualité des tuiles sont l'étanchéité et l'esthétique. L'ajout de la fonction de production d'énergie ne doit pas les perturber. Pour faire évoluer le métier de couvreur, nous travaillons sur le concept de toiture positive qui devrait répondre à la future réglementation sur les constructions. »
Source : batirama.com / Bernard Reinteau / Photo d’ouverture : ©Edilians