L?un des châteaux majeurs du Luxembourg, vieux de 400 ans, est traité contre la mérule : ses murs débarrassés de leurs enduits sont revêtus d?un enduit chanvre-chaux pour éviter la reprise du redoutable champignon.
Au cœur du Grand-Duché du Luxembourg, la vallée des sept châteaux est un haut lieu historique et touristique. Le long de la rivière Eisch, sept châteaux d’origine médiévale se succèdent sur une quarantaine de kilomètres. L’un des plus remarquables est le Grand Château d’Ansembourg.
Construit au XVIIe siècle sur les terres de l’ancien château fortifié du même nom, puis agrandi au XVIIIe siècle pour devenir un véritable palais entouré de jardins baroques en terrasses, il fait aujourd’hui l’objet d’une vaste opération de restauration, avec le concours du Service des Sites et Monuments Nationaux.
Acquis en 1986 par l’association Sûkyô Mahikari, l’édifice a fait l’objet d’une première phase de consolidation de fondations, puis d’une deuxième phase de restauration des escaliers et de soutènement des terrasses. La troisième campagne de travaux, actuellement en cours, consiste à consolider la partie centrale, la plus ancienne du château.
L’architecte Ngoma Madoki (MDK Architects), chargé de la maîtrise d’œuvre, a entrepris le renforcement des planchers et le redressement de l’escalier dont le limon s’était affaissé de 17 cm. Sur les murs, était simplement prévue une réfection légère du première étage. Jusqu’à ce que l’on découvre la présence de mérule, d’abord ponctuelle puis généralisée. L’intervention légère a alors pris la tournure d’une restauration de grande ampleur.
Lutter contre la mérule
« L’ensemble des enduits a été déposé pour mettre à nu la pierre de construction dans laquelle prend naissance la mérule avant de se nourrir de la cellulose du bois et d’aller chercher l’humidité sous les enduits », confie l’architecte. Quelque 1500 m2 de paroi ont été traités par l’injection d’un produit fongicide.
Mais tout risque de redéveloppement de la mérule n’est pas écarté. Une souche restée en sommeil peut redémarrer dès que les conditions favorables sont réunies, notamment l’humidité et le manque d’aération ainsi que l’obscurité.
La mérule étend rapidement des cordonnets, appelés rhizomorphes, destinés à lui apporter de l’eau et s’étend au travers des maçonneries.
Par quoi faut-il remplacer les anciens enduits en plâtre, tout en apportant une isolation sur les murs extérieurs, pour éviter un nouveau développement de mérule ? Stéphane Dupaquier, tailleur de pierre de l’Atelier Saint-Fiacre présent sur le chantier, suggère le recours au béton de chanvre qui a fait ses preuves sur d’autres chantiers.
Etude de la solution béton de chanvre
Le tailleur de pierre bourguignon met en contact les acteurs du projet avec BCB Tradical. Son responsable technique Yannic Santandreu organise au château un séminaire qui rassemble les représentants du Service des Sites et Monuments Nationaux (SSMN), de la maîtrise d’ouvrage, de la maîtrise d’œuvre, ainsi que différentes entreprises et artisans.
Le fabricant présente les solutions de béton de chanvre, enduit chaux-chanvre et badigeons, ainsi que certains chantiers historiques auxquels elle a participé. A la suite de cette conférence et de visites de plusieurs chantiers réalisés avec ces produits, un chantier test est réalisé fin 2016 dans une des tours d’angle du château.
Dans cette pièce de 4 m x 4m, 44 m2 de murs sont revêtus d’un système béton de chanvre sur ossature métallique, avec des produits du fabricant. Le résultat est probant, en termes d’isolation et d’hygrométrie mais aussi d’acoustique et d’esthétique. L’isolation doit en effet respecter la perméance des murs mais aussi préserver les différents éléments décoratifs. Le raccordement du doublage en chaux-chanvre avec les voûtes et croisées d’ogives est particulièrement réussi.
Le chantier test dans la tour d’angle a montré que le béton de chanvre pouvait respecter les contraintes d’épaisseur pour se raccorder à la voûte. ©Tradical
Doublage à ossature métallique
Le test convainc les décisionnaires de généraliser cette technique sur tous les murs mis à nu. Le béton de chanvre n’est pas projeté sur les murs de pierre mais mis en œuvre dans un coffrage et porté par une structure métallique indépendante du support.
L’une des raisons de ce choix technique est la réversibilité de l’ouvrage isolant demandée par le maître d’ouvrage et le SSMN : les doublages ne doivent pas dénaturer l’ouvrage original et doivent pouvoir être éventuellement retirés aisément.
Les règles professionnelles de la construction en béton de chanvre prévoient des ossatures de doublage en bois. Mais le risque de réapparition de la mérule a conduit Yannic Santandreu à préconiser l’utilisation de profilés métalliques. Des montants en acier galvanisé ont été positionnés verticalement tous les 40 cm, à quelques centimètres du mur, à l’aide de vis de calage jouant le rôle d’écarteurs.
L’ossature du doublage est constituée de profilés métalliques
Pour assurer un remplissage parfait et un enrobage homogène du profilé, dans le respect des règles, le responsable technique a proposé d’utiliser des profilés en U destinés aux cloisons sèches. Les rails de 48 mm de large sont posés avec le creux de la forme orienté vers le côté extérieur. Les profilés sont ainsi suffisamment recouverts de béton de chanvre pour éviter toute fissuration.
Finition à la chaux aérienne
Le béton de chaux-chanvre est fabriqué à la bétonnière à partir de chaux Tradical PF 70 et de granulats Chanvribat, puis déversé entre le banchage en panneaux d’OSB et le mur de pierre, par passes successives de 50 à 70 cm de hauteur.
Le chanvre-chaux est déversé entre banche et mur par passes successives.
Le doublage isolant fini
Le béton de chanvre reçoit ensuite une finition à le chaux aérienne sous forme d’un enduit mince parfaitement compatible en termes de résistance mécanique (adapté aux supports tendres) et dont le niveau de perméance respecte les échanges hydriques favorisés par l’isolation. Le même enduit mince est utilisé sur les supports minéraux des parois voisines afin d’assurer l’homogénéité de l’ensemble.
Une finition à l’enduit de chaux recouvre le béton de chanvre.
Fiche technique
- Maître d’ouvrage : Sûkyô Mahikari
- Maître d’œuvre: Ngoma Madoki (MDK Architects)
- Entreprises et artisans associés pose béton de chanvre : Atelier Saint-Fiacre, Entreprise Hennen, société Millereaux, Atelier Montomble
- Industriel fournisseur béton de chanvre : BCB Tradical (groupe Lhoist)
- Démarrage du chantier : fin 2016
- Durée du chantier : 10 semaines réparties sur 10 mois
Source : batirama.com / Isabelle Duffaure-Gallais