Le peuplier local de Garnica vise la construction francilienne

L?Espagnol Garnica installe en amont de la Seine une grande unité de production de contreplaqué de peuplier, qui pourrait ŕ terme faciliter la construction francilienne en bois local.

Phot d'ouverture : Vue aérienne d’une peupleraie exploitée par Garnica dans la province de La Rioja en Espagne. ©Garnica

 

Depuis le développement du contreplaqué au siècle dernier, l’Espagne et l’Italie y ont trouvé un moyen de valoriser leurs peupleraies de la région de l’Ebre, du Duero et de la plaine du Pô. D’abord pour l’emballage, mais progressivement, à destination des équipements de transport et des cuisines.

 

Dans les deux cas, le contreplaqué de peuplier fait valoir son très bon rapport performance mécanique/poids. Le principal concurrent international actuel du contreplaqué de peuplier est le contreplaqué de bouleau, à cause de l’immense gisement autour de la Russie et des capacités d’investissement industriel finlandaises.

 

Mais le ratio performance/poids est moins favorable que pour le peuplier. A présent, on voit émerger ça et là de nouvelles utilisations constructives, une première maison antisismique construite en Italie, des usages variés et originaux aux Pays-Bas. N’oublions pas que le Lamibois ou LVL n’est rien d’autre qu’une sorte de contreplaqué de forte épaisseur.

 

Coup double à Samazan

 

En France, le contreplaqué de peuplier a longtemps subi la concurrence de l’Okoumé. Actuellement, les principaux acteurs industriels du contreplaqué, souvent situés à bon escient en bordure atlantique, optent pour une diversification des essences afin de se prémunir des aléas de la ressource forestière africaine, et le peuplier est tout indiqué pour prendre la relève.

 

Mieux vaut trop tard que jamais ! Il y a une dizaine d’années, les Espagnols et les Italiens sont entrés en compétition directe pour s’assurer l’accès à la ressource en France, dans la vallée de la Garonne.

 

L’italien Mantovani a joué la carte de l’association avec la grande coopérative forestière Cofogar et monté un site de production, Xilofrance, qui a fait long feu en 2012. L’Espagnol Garnica, installé au même moment à Samazan, à une trentaine de kilomètres à peine, réussit son implantation d’un site destiné à produire des placages expédiés en Espagne pour la fabrication des contreplaqués proprement dite.

 

Il parvient aussi à récupérer la majeure partie de l’outil de production de Xilofrance, qui produit aujourd’hui 300 m3 de contreplaqué de peuplier par jour, comme le précise avec fierté Pedro Garnica, le patron d’une entreprise qui n’est plus tout à fait familiale.

 

 

Pedro Garnica, aux commandes d’une entreprise familiale en passe de prendre une dimension globale. ©JT

 

A la recherche du peuplier du quart Nord-Est

 

Garnica est né dans la province de La Rioja, la haute vallée de l’Ebre connue pour son vin et où le peuplier est chez lui. En 1941, déjà, un ouragan couche les peupleraies et une scierie est créée pour valoriser le chablis.

 

Trente ans plus tard, les fabricants de contreplaqué de peuplier d’autres provinces s’intéressent à la ressource de la province de La Rioja, et grand mal leur prend. Garnica devient acteur du contreplaqué d’emballage, puis industriel, leader espagnol et bientôt leader mondial de la spécialité.

 

A partir de 2006, l’entreprise familiale change de braquet, ouvre son capital, ce qui lui permet notamment de tenter l’aventure de Samazan. Fort de ce succès, et disposant depuis 2016 d’une nouvelle injection de plus de 100 millions d’euros de capitaux, Garnica cherche à capter une ressource de peuplier sous-exploitée, celle du quart Nord-Est.

 

Une enquête précise lancée par la profession sur la ressource

 

Il se trouve que précisément en 2016, le Conseil National du Peuplier réalise une enquête extrêmement précise sur la ressource de peuplier en France. Non pas pour faciliter les projets d’expansion de Garnica, mais pour circonscrire le phénomène de baisse alarmante de la plantation, et préciser la période prochaine où la matière viendra à manquer.

 

Dans la foulée, le secteur s’engage dans une exemplaire campagne de co-financement de la re-plantation, prenant à sa charge environ la moitié du déboursé d’un plant. Face à une forte pression environnementaliste, la pompe ne se réamorce que lentement. Gageons que le véritable impact viendra de l’engouement actuel pour le peuplier produit en France, en aval de la chaîne de production.

 

 

A la tête de Troyes Champagne Métropole, François Barouin se réjouit de l’arrivée de Garnica.© JT

 

Une solution de bardage thermotraité prisée

 

Soutenu par le fabricant J. Drouin du Grand Ouest, la société Avec le Bois fondée par le Lorrain Benoît Reitz a pour ainsi dire transposé au contreplaqué de peuplier l’approche haut de gamme du sciage de sapin pectiné sans nœuds de Lignotrend en Forêt Noire.

 

Parallèlement, les Hauts-de-France se sont engagés depuis plusieurs années dans une politique volontariste de développement de la construction bois avec des sciages issu d’un cultivar très présent localement, le robusta. Comme son nom l’indique, il se distingue par ses propriétés mécaniques.

 

Le peuplier est prisé comme solution de bardage thermotraité, sans parler du développement des emballages alimentaires légers qui profitent des résultats d’une longue étude prouvant non seulement l’innocuité de ce bois au contact avec des aliments, mais son action antiseptique. Bref, alors que le peuplier n’a plus la cote chez les producteurs, il est en passe de devenir une essence-phare du renouveau de la filière française du bois !

 

 

Panneaux sandwich porteurs avec du contreplaqué de peuplier Garnica, utilisés notamment pour la construction aux Pays-Bas.© Garnica

 

350 000 m3 de peupliers déroulables pour Garnica

 

L’arrivée de Garnica à Troyes se produit au moment où deux producteurs de contreplaqué du Grand Ouest, Thébault et R.Drouin, ont lancé non loin de là leur propre production de contreplaqué de peuplier, un troisième intervenant étant établi à Epernay.

 

A lui seul, Garnica vise une consommation de 350 000 m3 de peupliers déroulables à terme. Les fins relevés du stock sur pied disponible et sous-utilisé tendent à montrer que c’est faisable, au moins pendant quelques années. L’inévitable pénurie annoncée avec un pic autour de 2031 sera une autre affaire, pour tout le monde.

 

 

 

Pour l’heure, le site destiné à l’usine de Garnica est encore un champ, mais il devrait être mis en service dès 2020.© JT

 

Les USA, un client de choix

 

Les USA comptent parmi les grands clients de Garnica. Ils adorent utiliser le contreplaqué de peuplier pour leurs cuisines intégrées. Les panneaux qui sortiront bientôt de l’usine de Troyes, voire ceux que produit le site voisin de Marigny pour J. Drouin et Thébault, pourront être acheminés jusqu’au Havre par voie fluviale, via le port de Nogent-sur-Seine.

 

« Mais ce sera à condition d’augmenter le gabarit de ce réseau, qui peut être une condition limitante à ce jour », précise Pierre Dhorne, l’ingénieur forestier qui a été placé à la tête du nouveau site. Rien n’interdira ensuite de venir en déposer également dans les ports franciliens.

 

Le peuplier, essence du bassin parisien, permettrait de doter la mégapole d’un matériau de construction robuste et léger, adapté notamment aux surélévations, et il s’agira d’un matériau biosourcé, vertueux, de transformation locale.

 


Source : batirama.com / Jonas Tophoven

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