Le délai de prescription de l'action pour non-conformité des matériaux ne court pas à partir de la date d?apparition de cette non-conformité, mais à partir de leur livraison.
La société Flacher avait fait construire par la société Baudy Traynard Sassolas (la société BTS) un chai de vinification dont la société Charpentes industrielles Rhône-Alpes (la société CIRAM) avait fourni les matériaux de charpente.
Postérieurement à la réception de l’ouvrage sont apparus des désordres qui amenèrent la société Flasher à assigner en justice les sociétés BTS et CIRAM afin d’obtenir réparation de son préjudice. La Cour d’appel avait rejeté ses demandes au motif que celles-ci étaient prescrites !
En effet, les charpentes avaient été livrées en 2001, et l’action en justice ne datait que de 2013. Le délai de 10 ans de responsabilité civile contractuelle était donc forclos.
Prescription de l’action en non-conformité de la chose vendue
Mais, bien décidée à ne pas en rester là, la société Flasher s’était pourvue en cassation. Elle reprochait aux juges d’appel d’avoir déclaré prescrites ses demandes alors que, selon elle, le point de départ de la prescription de l'action en non-conformité de la chose vendue court à compter du jour de livraison de la chose ou, lorsque la non-conformité n'est pas apparente à cette date, à compter du jour où l'acheteur en a eu connaissance.
Or, la société Flacher n'avait eu connaissance de la non-conformité affectant la charpente qu’en 2013. Son action devait donc être recevable.
Mais la Cour de cassation, dans un arrêt du 7 juin 2018, ne va pas se laisser convaincre, et va juger que le point de départ du délai de prescription de l'action fondée sur la non-conformité des matériaux doit être fixé à la date de leur livraison à l'entrepreneur.
Prescription de l’action en non-conformité des matériaux
Elle rejette donc les demandes de la société Flasher. La Cour opère une distinction entre le régime de prescription de l’action en non-conformité de la chose vendue, et celui de la non-conformité de la chose vendue lorsque cette chose est un matériau.
Dans le premier cas, le point de départ de la prescription court effectivement à compter du jour de livraison de la chose ou du jour où l'acheteur en a eu connaissance de la non-conformité.
Dans le second cas, le point de départ de la prescription court nécessairement à compter du jour de livraison. Cette décision nous semble empreinte de sagesse.
En effet, une action en responsabilité civile ne doit pas être disponible éternellement. Le constructeur doit pouvoir légitimement se considérer hors d’atteinte au bout d’un certain laps de temps.
Autant une chose complexe est susceptible de contenir un vice caché au titre duquel un report du point de départ de la prescription au jour de sa découverte peut paraître justifié ; autant étendre la possibilité de ce report pour un matériau aurait pour effet de rendre l’action en justice imprescriptible !
Source : Cour de cassation, 7 juin 2018
Source : batirama.com