La location dans le BTP : un secteur en pleine révolution

Avec un chiffre d?affaires annuel de 4,22 Mds?, la location est un phénomène important de la construction, voire un véritable révélateur de tendances.

Qui loue ?

 

Il y a loueurs… et loueurs. Côté clients, tous les corps d’état du bâtiment trouvent de quoi satisfaire leurs besoins techniques quotidiens sur les chantiers dans les catalogues ou sur les pages professionnelles des sites internet des loueurs-fournisseurs.

 

Côté offreurs de matériels à louer, il est évident que les travaux publics, les travaux routiers et le gros oeuvre de bâtiment consomme la quasi-totalité de l’investissement : pelles, chargeurs, compacteurs à rouleaux ou à plaques… De fait, ces secteurs sont prioritairement prospectés par les agences afin d’amortir ces investissements conséquents.

 

Si quelques majors balisent le territoire – Loxam et Kiloutou en tête – l'activité de location est en réalité très peu concentrée. Elle compte quelque 1 500 entreprises et 3 300 établissements ; soit 2,15 agences par entreprise. Ce qui contraste sensiblement avec la situation des leaders. Ce secteur pèse aussi socialement : il emploie près de 26 000 personnes, soit une moyenne de 17 personnes par entreprise et 8 par agence.

 

Que loue-t-on et pourquoi ?

 

Un nombre croissant d’entreprises considèrent qu’en dehors de quelques matériels spécifiques à leur coeur d’activité, la location est une meilleure solution que la possession » explique Pierre-Yves Rallet, directeur Marketing et commercial du groupe Loxam.

 

Il poursuit : « La location de courte ou longue durée, est le moyen de limiter son endettement ou l’immobilisation de capitaux qui seraient mieux utilisés sur d’autres projets. Elle offre surtout la flexibilité, qui permet de s’adapter aux cycles d’activité en variabilisant les coûts, y compris ceux de maintenance et de contrôle. »

 

Pour Valérie Marchand, responsable Commerce et marketing chez Kiloutou, « la location se développe essentiellement en raison de la mise à niveau régulière des équipements, pour utiliser des équipements innovant sans supporter l’investissement, et de fait, pour une économie d’usage. »

 

Au fil des ans, la palette des solutions à louer s’étend. Des produits « de niche » s'imposent dans les catalogues. Il faut citer les bases de vie et autres constructions modulaires (Kiloutou a acquis le loueur nantais Landrau CEB), accueil des compagnons sur le chantier et besoin de locaux spécifiques obligent : réunions, études, organisation…

 

Autres équipements qui prennent actuellement leurs marques :

 

Comment loue-t-on ?

 

Si le comptoir est utilisé pour 60 % des locations, la demande de livraison sur les chantiers dans un rayon de moins de moins de 30 min est en nette augmentation « y compris pour du petit matériel ». Cependant, le numérique a visiblement fortement marqué ce secteur de son empreinte. Avec une limite : sur les marchés techniques, le client a besoin de sécurité, d’apprentissage à la prise en main.

 

Réservation en direct par le web

 

« L’évolution à venir sera le développement de la réservation directement par le web ou le portail client, probablement au détriment du téléphone », estime pour sa part Pierre-Yves Rallet. « Cela permettra au client un meilleur suivi de ses réservations et locations. » Tout l’enjeu sera de transférer la confiance entre le client et une application…

 


Président de la start-up Tracktor et du site internet du même nom (15 000 machines référencés), Idir Ait Si Amer livre son expérience : les clients semblent très à l’aise avec ces nouvelles pratiques. « Nous jouons un rôle de tiers de confiance. La transaction en quelques clics comprend la rédaction d’un contrat neutre et juste, avec contrat d’assurance et un rappel téléphonique dans un délai très court. »

 


Trackor dit enregistrer un taux de relocation de 85 %. Pour les loueurs partenaires, ce site permet de générer du chiffre d’affaires en s’affranchissant de la démarche administrative et commerciale.

 


Lancée en Île-de-France en 2016, Tracktor a été étendu en juin dernier à Lyon, Bordeaux, Lille et Nantes. Dès 2019, il couvrira la France, puis en 2020, la Belgique. Pour ce faire, une seconde levée de fonds sera menée fin de cette année – la précédente, en 2017, avait rapporté 700 000 €.

 

Quelle est la durée de location ?

 

La durée de location est évidemment variable selon le matériel, le chantier… de quelques jours à plusieurs mois. Elle est d'ailleurs le casse-tête des loueurs : un équipement emprunté pour une semaine peut faire l'objet de prolongation de contrat et ne revenir qu’un mois plus tard…

 

Les loueurs ont cependant défini des contrats de courte et de longue durée, cette dernière pouvant aller jusqu'à 3 ans chez certains. Les locations courtes demeurent cependant largement majoritaires même si les entreprises ciblent la location de matériel sur de longue durée pour augmenter l'intérêt du service : le client est ainsi débarrassé de l'investissement et de la maintenance au profit d'un contrat de service.

 

Quels sont les prix de location ?

 

Point épineux de ce marché où la souplesse, le service et la réactivité constituent des fondamentaux commerciaux. Le prix fait l'objet d'une véritable alchimie : type de matériel, équipements optionnels, localisation, durée de location, négociations…

 

Pierre-Yves Raillet lève un peu le voile : « Les matériels se sophistiquent, le coût de l’acier augmentent… Tout cela a des répercussions sur le prix d’achat des matériels. Pour autant le tarif de location des équipements est calculé sur la base d’un coût moyen d’achat - qui augmente tous les ans. Ces hausses se retrouvent forcément en partie dans nos tarifs même si nous cherchons à les compenser par des gains de productivités et d’efficacité. »

 

Chaque location supporte une part de coûts fixes chez les loueurs et les clients : traitement de la commande, préparation du matériel, facturation, contrôle du matériel… « Cette réalité économique doit se refléter dans les tarifs et non pas une gestion de la disponibilité comme on peut l’observer parfois sur le marché » explique-t-il.

 

Interview de Bertrand Carret

 

Président de la Fédération DLR, distributeurs, loueurs et réparateurs de matériels de bâtiments

 

Bertrand Carret © DLR

 

Comment se porte le marché ?

« Le marché a connu une forte reprise depuis 2016, avec une croissance de l’ordre de 5 à 10 % par an. Malgré tout, la France avance à deux vitesses : d’un côté il y a les grandes villes et le Littoral qui tirent l’activité, et de l’autre les petites et moyennes agglomérations, les campagnes… Les entreprises doivent ainsi opérer des stratégies différentes selon leur localisation. Aussi, cette euphorie a été de courte durée. Actuellement nous observons en effet une baisse du nombre de commandes.

 

Quelles sont les évolutions des matériels loués ?

Concernant les évolutions, la demande de matériels hybrides et électriques émerge. Mais la progression de commandes dans notre secteur reste encore marginale par rapport à d’autres marchés, comme celui de l’automobile par exemple.

 

L’hybride et l’électrique posent de nouvelles questions. Au premier rang, celui du coût : les équipements sont 20 à 30 % plus chers. C’est donc un sujet important. Cependant, les adhérents de notre fédération sont déjà présents sur ce marché et notre mission est d’anticiper les évolutions, notamment le développement des réseaux de location de parcs électriques par les fabricants eux-mêmes.

 

Où en est- du e-commerce ?

À terme, il se généralisera, mais comment concrètement l’organiser ? Ce sujet pose de nouvelles questions. D’abord, il tire les prix vers le bas. Ensuite, il demande un important investissement de temps pour les entreprises : se former aux outils, rédiger ses demandes sur site, gérer les échanges – ce qui se révèle bien plus long que les échanges traditionnels par téléphone –, réaliser un état des matériels sur photos… Passer au numérique doit apporter plus de services. »

 

Interview de Joël Fruchart 

 

Président du groupe « Location » au DLR

 

Joël Fruchart © Location

 

Quelles nouvelles tendances observez-vous ?

« Les tendances orientent les loueurs vers les produits de niche tels que les bases de vie ou les matériels électriques ou hybrides. Ce type de demandes pour des équipements moins bruyants et moins polluants prend de l’ampleur chez les donneurs d’ordre publics.

 

Quelles sont les difficultés du secteur aujourd’hui ?

Il faut citer trois autres grands sujets de débats de la profession. En premier lieu, les difficultés de recrutement de personnels – et notamment de mécanicien de maintenance. En second lieu, le contournement par les très grandes entreprises des accords cadres signés entre les loueurs et les représentants des utilisateurs. En effet, il nous est parfois imposé des préconisations qui renchérissent les matériels et les rendent techniquement difficiles à relouer. Ce sujet pose de grandes difficultés aux loueurs les plus modestes.

 

Et la location numérique ?

 

C’est notre troisième sujet. Les professionnels savent que cette évolution est inéluctable. Pour les loueurs de petite et moyenne taille, l’e-commerce prendra de l’importance dans les cinq prochaines années. Il faudra structurer les réseaux, fédérer les loueurs… Le retour d’expérience des adhérents qui travaillent avec les majors du BTP aidera à opérer ce changement.

 


Mais, pour une activité capitalistique comme la nôtre, ce développement coûtera cher, et la promesse de ce service n’est pas évidente. Il faudra créer des modes d’emplois basiques, des « tutos »… Et qu’en sera-t-il des astreintes et du contact téléphonique ?

 


Pour autant, la location voit un boulevard s’ouvrir devant elle, car la notion d’usage va s’accentuer au détriment de celle de propriété. Cela se voit déjà dans l’automobile où les locations viennent de dépasser les ventes. Pour cela, il va falloir nous professionnaliser encore plus. »

 

Actis Location : la manutention avant tout

 

 

Réseau de 110 loueurs, Actis Location, basée en Loire-Atlantique et dirigé par Cédric Thein, est spécialisé en levage dans les secteurs du bâtiment, de l’industrie, de l’agriculture et de l’environnement. Créé en 2003, il s’appuie sur le réseau de concessionnaires Manitou et Toyota BT. Son parc est constitué de quelque 5 500 engins récents (moins de cinq ans). Axée sur le service, cette enseigne compte 1 100 salariés, dont 900 techniciens. Outre sa gamme, ses arguments commerciaux reposent sur un service après-vente réactif – dans la journée – après une réponse rapide, ainsi que la disponibilité de 600 véhicules d’intervention.

 

site www.actis-location.com

 

Kiloutou : le dynamisme d’un challenger

 

 

Groupe européen – au 4e rang avec plus de 500 agences et un chiffre d’affaires de 606 M€ – capable de proposer une gamme d’équipements très étendue en bâtiment et travaux publics, le challenger français présidé par Olivier Colleau repose sur 437 agences en France, dont 14 sont spécialisées en travaux publics, installation de bases de vie et production d’énergie.

 

L’entreprise annonce disposer de quelque 250 000 matériels, tous domaines confondus ; elle a annoncé investir plus de 180 M€ en 2018. L’enseigne a notamment revu le concept de ses agences et développe plusieurs services numériques : une application d’assistance technique sur chantier, un suivi (tracking) en temps réel, une base de données BIM 3D (avec abaques et image augmentée) d’une cinquantaine de matériel afin d’anticiper leur adaptation au chantier…

 

www.kiloutou.fr

 

Salti : une gamme énergie très technique

 

 

Entreprise basée à Marcq-en-Baroeul (Nord) et strictement dédiée à la location pour les chantiers de travaux publics et de bâtiment, Salti compte 39 agences, majoritairement dans le Nord et en grande région parisienne. Son offre comprend essentiellement des matériels de levage (jusqu’à la mini-grue araignée), de compactage (jusqu’à 6 t) et de fourniture d’énergie (du chauffage à l’électricité en passant par l’air comprimé).

 

À noter que la gamme comprend des unités de production d’air respirable ainsi que des analyseurs d’air, des équipements adaptés aux opérations en milieux nucléaires ou amiantés. Salti prévoit deux ouvertures d’agence début 2019, et trois les années suivantes.

 

salti.fr

 

Locamod poursuit ses investissements

 

 

Ce groupe de 22 agences en France, présidé par Bertrand Philiaire, a été entièrement remis à niveau en 2016. 50 % du parc a été renouvelé en 2 ans, 400 matériels acquis en 2018 et un programme d’investissement qui continuera en 2019.

 

Ce groupe exploite trois marques : Locamod Equip’Pro pour les engins (TP, manutention, élévation, outillage, équipements énergétique), Locamod Module pour les bases de vie, Locamod Echafaudage pour les échafaudages, scènes et tribunes. Dans le cadre de sa démarche RSE (responsabilité sociale de l’entreprise), Locamod a créé en 2018 une Académie et une Fondation pour accompagner ses salariés. Début 2019 seront annoncées les modalités du projet Cap 2022.

 

locamod.com

 

Aprolis : mettre les outils numériques en avant

 

 

Ce loueur fort de 45 agences avance sur ses deux pieds : le comptoir et le numérique. En témoigne la mise en avant sur son site internet de l’application, pour tablette ou smartphone, Aprolis Service de demande d’intervention pour dépannage.

 

Filiale dédiée aux matériels de manutention du groupe Monnoyeur, distributeur historique des matériels Caterpillar et, depuis 2002, de Crown, il affiche un catalogue de quelque 30 000 matériels : chariots de manutention thermiques et électriques, nacelles élévatrices (de marques JLG, Baumann et Haulotte)…

 

Cette entreprise, qui génère un CA annuel de 183 M€ (chiffre 2017), loue une flotte de 2 500 matériels en contrats courte durée (moins de 24 mois) et 17 000 en contrat longue durée. Son organisation est structurée autour de ses agences et de près de mille collaborateurs, dont plus de 550 techniciens répartis dans cinq régions.

 

aprolis.com


Source : batirama.com/ Bernard Reinteau

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