La Filière Béton veut produire des bétons contenant de plus en plus de granulats recyclés, avec une empreinte carbone de plus en plus faible. Elle prédit aussi l?arrivée de bétons intelligents pour les villes de demain.
Légende : Les représentants de la filière béton présentent leur actualité : de gauche à droite, Benoist Thomas (SNBPE), Sylvie Combe (SFIC), Philippe Gruat (Filière Béton) et Nicolas Vuillier (Unicem).
« Nous sommes mobilisés pour apporter des solutions innovantes répondant aux exigences de la RE2020 » annonce Philippe Gruat, Président de la Filière Béton, l’association qui regroupe tous les acteurs de cette industrie, de l’extraction aux produits finis.
Le béton d’aujourd’hui entre déjà dans une économie circulaire : il permet de construire local, avec 4 400 sites de production répartis sur le territoire. Il est facile à recycler : en 2018, 80 à 90 % des déchets inertes issus de la déconstruction étaient recyclés dès leur sortie de chantier. Les granulats issus de ce recyclage couvrent 28 % des besoins pour la construction et l’entretien des infrastructures et ouvrages de génie civil.
La Filière Béton veut contribuer davantage à l’économie circulaire pour 2025-2030 et se dit prête à signer avec le Gouvernement un « engagement de croissance verte ».? L’idée est de fixer des garanties relatives à la construction et à la déconstruction des ouvrages, pour faciliter le recyclage et la valorisation des déchets, en rendant obligatoire l’allotissement de la gestion des déchets, dans la commande publique, dans un premier temps, et privée, par la suite. Elle veut aussi aider à structurer la filière de la déconstruction sélective.?
Le Onze, une résidence vertueuse
Construire à faible empreinte carbone, au même prix, avec un béton plus performant ? C’est déjà possible et c’est le pari que s’est lancé Pierres et Territoires, un promoteur d’Eure et Loir lié au Réseau Procivis, en construisant un immeuble de 4 étages (12 logements).
Les principes de l’économie circulaire ont été intégrés très en amont dans une démarche collaborative, avec l’ensemble des acteurs. Le projet entre dans la démarche expérimentale E+C- (le niveau visé est E2C1). Il a aussi prévu d’anticiper une rénovation lourde à 50 ans et une approche de la déconstruction par affectations à 100 ans.
Construit par des entreprises locales, le bâtiment intègre des granulats de bétons issus de déconstructions à Chartres même et conditionnés à 10 km (entreprise Granudem). Le chantier est approvisionné en circuit court, en béton prêt-à-l’emploi et autres solutions préfabriquées (Prémurs et escaliers en béton). La livraison est prévue en mars 2020.
Patricia Festivi, PDG de Pierres et Territoires. Le promoteur s'est lancé dans la construction d'un immeuble de 4 étages avec des granulats de bétons issus de déconstructions.
Du béton recyclé pour Orange
Pour construire l’extension du siège régional d’Orange à Lyon, deux bâtiments de 8 étages avec deux niveaux de sous-sol, Eiffage Construction a utilisé près de 11 000 m3 de bétons recyclés livrés par LafargeHolcim ; soit 60 % des bétons utilisés pour le chantier.
Formulés avec de l’eau recyclée issue des bassins de décantation de la centrale à bétons d’Herriot, ces bétons à base de granulats issus du concassage criblage des retours de bétons de la région lyonnaise, sont de qualité similaire aux bétons traditionnels et respectent la norme EN 206 CN sur les bétons structuraux. LafargeHolcim s’appuie sur son dispositif d’économie circulaire aggneo pour réduire l’extraction de ressources naturelles et limiter le dégagement de CO2.
Encore peu utilisés, les bétons à base de granulats recyclés permettent de limiter les extractions en carrière et de réduire l’impact environnemental lié au transport (possibilité de double fret). Le programme Recybéton a montré que les granulats recyclés n’altéraient pas la résistance et la durabilité des bétons et qu’ils pouvaient être utilisés à un taux bien supérieur que les 20 % fixés par la norme actuelle.
Construire demain : le calendrier du béton
La R&D est au cœur des réflexions et travaux de la Filière, qui dévoile un planning prévisionnel impressionnant :
2019 : le BIM et le CIM (qui élargit la modélisation à l’environnement urbain) permettent de choisir la formule de béton et le procédé constructif les plus adaptés. A terme, le béton connecté permettra la traçabilité du matériau, pour optimiser son recyclage.
2020 : suite aux résultats du programme Recybéton, présentés fin 2018, le béton recyclé devrait être normé et généralisé dans la construction des bâtiments.
2021 : De nouveaux ciments bas carbone (35 % d’émissions de CO2 en moins) seront mis sur le marché. Ils contiennent moins de clinker, principe actif hydraulique qui donne sa résistance au matériau, mais qui est responsable de l’essentiel de son empreinte carbone. En cours de normalisation, ces ciments tout aussi résistants allient du clinker et d’autres composés cimentaires (calcaire, laitier, cendres volantes, pouzzolanes ou argiles calcinées).
Le béton, un matériau pour les villes du futur
2022 : la capacité de « puits de carbone » du béton sera optimisée. Par recarbonatation, le béton stocke le CO2 atmosphérique. On estime que 10-15 % les émissions de gaz carbonique liées à la production du béton pourraient ainsi être captées par le matériau lui-même (projet Fast Carb).
2030 et au-delà : le béton comme support de notre futur urbain : sa portance, sa résistance et sa durabilité en font un matériau adapté aux villes du futur, plus verticales, plus vertes (toits béton végétalisés).
On parle déjà de bétons auto-réparants, auto-sensibles (propriétés électriques ou thermiques), stockeurs de froid et de chaud, photo-catalytiques (pour réduire la pollution atmosphérique), drainants (gestion des eaux pluviales), … Bref, le matériau apportera des solutions concrètes pour répondre aux défis de la ville de demain, au même titre que d'autres matériaux biosourcés qui n'ont pas dit leur dernier rmot...
JO : du béton pour le Village ?
D’ici là et plus prosaïquement, la Filière Béton compte bien faire valoir ses arguments auprès des acteurs du futur Village Olympique pour les JO de Paris 2024 : « La réduction de l'empreinte carbone des nouveaux ciments, et la durabilité et la recyclabilité du béton s’inscrivent dans la prochaine réglementation environnementale 2020. Nous contribuerions ainsi à montrer le savoir-faire français. Et nous évoquerons aussi notre capacité à produire en masse, car il reste peu de temps pour construire ! » conclut Philippe Gruat, Président de la Filière Béton
Source : batirama.com / Emmanuelle Jeanson