Culture en progression dans la région, le chanvre s?affiche sur le siège de la coopérative HEMP-it à Beaufort-en-Vallée. Les producteurs de semences de chanvre industriel s?offrent une vitrine de choix.
Tout naturellement, l’écoconstruction est la thématique qui s’est imposée lors de la deuxième édition de Business Vallée, événement annuel organisé par la Communauté de communes Baugeois Vallée (7 communes situées à l'est du Maine-et-Loire, à quelque 30 km d’Angers). Et le chanvre y tient une place privilégiée.
Culture historique dans la région, il a longtemps participé à l’essor économique local. Sous Louis XV, la fibre servait notamment à confectionner cordes et toile de voiles ; la graine à fabriquer huile, savon et glue ; le tourteau à nourrir le bétail ; et la chènevotte était utilisée comme combustible. Jusqu’en 1852, 2000 personnes travaillaient à la Fabrique. Puis la culture a périclité avec la concurrence de produits plus modernes …
Le futur siège social de HEMP-it : un bardage faux claire-voie en Douglas est prévu sur les façades Nord et Est, ainsi que sur les parties hautes des façades Sud et Ouest. ©Can-ia
Le chanvre, vecteur de croissance locale
Depuis des années, la France est pourtant le premier producteur de chanvre en Europe, avec plus de la moitié des volumes produits (moins de 40 000 hectares sont cultivés dans l’UE).
En 2019, la culture du chanvre occupe 1700 hectares dans l’est du Maine et Loire. HEMP-it, la seule coopérative de producteurs de semences de chanvre en France, produit et commercialise ses semences à destination du bâtiment, mais aussi de la plasturgie, l’alimentation, la cosmétique, le textile, l’agronomie, l’agriculture, l’énergie, des secteurs qui valorisent aussi bien la fibre que la paille et la graine.
Les 145 producteurs de HEMP-it cultivent 9 variétés de la plante, sélectionnées pour la qualité de leurs graines et certifiées. La culture progressant de 20 % par an, 2 000 hectares y seront consacrés en 2020 sur le département. Cette entité unique en Europe exporte 70 % de ses semences en Europe et ailleurs, essentiellement pour produire des protéines alimentaires.
Photos : ©Hemp it Angers
Un potentiel à exploiter
En France, les semences vendues sont cultivées et valorisées, d’abord dans les 7 outils de transformation primaire qui existent sur le territoire (pour la séparation graine, fibre et chènevotte), puis au cours d’une transformation secondaire qui en fait des produits de consommation élaborés.
« La chaîne complète de transformation, qui s’est surtout développée ces 5 dernières années, est une spécificité française » explique Christophe Février, le directeur de HEMP-it. « Dans ce marché de niche, les produits sont encore méconnus et la mise en réseau commercial est la grosse difficulté. »
Mais désormais, l’économie du chanvre a le vent en poupe, portée par une demande en forte croissance dans le bâtiment, l’alimentation, l’environnement, la cosmétique et la santé.
En Anjou, on l’a bien compris : « la culture du chanvre est une bonne alternative au maïs, trop gourmand en eau. Cultivé en tête d’assolement, le chanvre repose le sol. C’est une véritable « pompe à nitrates » qui améliore sa qualité. Cette culture durable donne du sens à l’action environnementale de territoire ; elle est vecteur d’emplois et permet de développer des techniques de construction », résume Philippe Chalopin, le président de Baugeois Vallée, qui assure : « Nous soutenons la filière chanvre au travers de l’installation d’entreprises et comptons bien devenir une capitale du végétal. »
Christophe Février, directeur d’HEMP IT : « Notre bâtiment sera un vecteur de communication ; il doit donner envie d’utiliser le chanvre et contribuer à dépasser le stade de filière de niche. »
Le chanvre, une aubaine dans le bâtiment
Enduits intérieurs et extérieurs à base de chaux, panneaux isolants de laine de chanvre, béton de chanvre banché manuellement ou projeté, parpaings ou panneaux préfabriqués : le chanvre est de plus en plus utilisé, au mur, au sol ou dans le toit.
Il permet de fabriquer des parois simples, perspirantes et bénéficiant d’une bonne isolation thermique et acoustique. Excellent coupe-feu, le béton de chanvre a bien d’autres atouts, dont une capacité à apporter un confort hygrothermique dans le bâtiment.
De faible densité, il permet en outre de réaliser une architecture légère, intéressante notamment pour les extensions/surélévations en bois, dont la région Pays de Loire détient le record.
Environ 15 % du CA de HEMP It sont investis dans la R&D, sur des projets comme l’élaboration de protéines alimentaires riches en Oméga 3, de fibre textile, de matériaux biocomposites ou encore de cannabis médical.
Un projet en phase avec les enjeux climatiques
Le coût global du projet d’HEMP-it est de 9,3 million d’euros : 850 000 € HT sont consacrés au bâtiment abritant le siège social qui sera achevé fin mars 2020. Recevant du public, il sera la vitrine à la fois du savoir-faire en matière de construction et des produits transformés obtenus à partir du chanvre.
Sur les 4,2 hectares acquis à Beaufort en Anjou, la coopérative a prévu dans un second temps la construction d’une usine en structure bois de 7000 m2, qui remplacera l’unité de production vieillissante de Beaufort-en-Vallée.
Livrable en septembre 2021, le nouvel outil industriel coûtera 6,5 millions € à HEMP-it (dont 1 million de subvention et 1 million d’avance remboursable de la part de l’Etat et de la Région ). Y seront intégrés un laboratoire d’études génétiques et une serre bioclimatique, qui permettront de mettre au point de nouvelles variétés.
Approche bioclimatique : larges ouvertures à l’ouest et au sud, avec pergola et brise soleil, et une façade nord quasi aveugle.
Le chantier en cours
Le siège social a été conçu par le cabinet nantais d’ingénierie en matériaux biosourcés CAN-ia. Le bâtiment de 475 m2, sur un seul niveau, est biosourcé à 90 % (les fondations et la dalle sont en béton ; l’isolant en sous-face de dallage est en PU et l’étanchéité de la toiture est assurée par un bi-couche élastomère).
L’ossature bois est contreventée par des panneaux de fibre de bois Pavawall GF 80 mm (Pavatex), qui reçoivent par l’intérieur 24 cm d’épaisseur de béton de chanvre. La projection des 70 m3 de mélange chènevotte Biofibat (Biofib’) - chaux Tradical Thermo (BCB) demande environ 1 semaine à 3 compagnons (1 à la lance, 1 à la machine, 1 qui dresse).
Christophe Lubert, gérant de LB Eco Habitat, précise : « La chènevotte est labellisée et le couple granulat-liant est validé. La mise en œuvre du béton de chanvre respecte les règles professionnelles. » ©CAN-ia
Chaux-chanvre et bois
La finition extérieure sera un mix de bardage bois et d’enduit à la chaux aérienne. Nicolas Consigny, gérant d’Ajilit indique : «Parexlanko doit venir valider le protocole pour ses sous-enduit Maité et enduit Calcifin, utilisés pour la première fois sur ces panneaux. » L’enduit intérieur étant à base de chaux Tradical Bâtir (BCB), les deux faces seront donc perspirantes, ce qui permet une régulation de l’hygrométrie et de la température qui participe au confort intérieur.
Le toit plat, en bois, est ventilé et isolé en sous face 40 cm de ouate de cellulose en vrac, projetée par au-dessus
Le bâtiment ne coûte guère plus cher qu’un système constructif traditionnel à qualité architecturale équivalente : le bilan s’équilibre à 2 % près. Parmi les avantages de cette écoconstruction, citons le confort thermique été-hiver, des économies d’énergie et d’entretien (pas de clim, chauffage d’appoint électrique), une faible empreinte environnementale (carbone stocké, matériaux locaux, ...).
L’isolant liège, en pied de longrine, descend jusqu’à l’isolant PU sous dalle pour éviter les ponts thermiques en pied de mur. Il reçoit 10 cm de béton de chanvre.
Les acteurs du projet
- Toutes les entreprises sont locales, excepté LB Eco Habitat, qui projette le béton de chanvre (Ille et Vilaine).
- Constructions Trillot gère le macro-lot « Enveloppe » : charpente bois, isolation et bardage.
- Ajilit : enduits intérieur et extérieur
- Justeau Frères : terrassement et maçonnerie (fondations, longrines, dalle, réseau sous dalle)
- Levèque and Co : étanchéité
- Gaubert-Bazanté : pose des menuiseries bois-alu triple vitrage
- Maître d’œuvre: cabinet Can IA ; directeur de projet Baptiste Chauvet
Christophe Lubert, gérant de LB Eco Habitat (à gauche), avec Nicolas Consigny, gérant d’Ajilit, qui précise : « A l’intérieur, l’enduit à base de chaux aérienne blanche Tradical Bâtir (BCB) sera lissé pour faire ressortir la chènevotte. »
Source : batirama.com / Emmanuelle Jeanson