La conception des pompes à chaleur est en pleine transition : inverter, R32, R290, haute température s?imposent.
Tout d'abord, une définition rapide de la pompe à chaleur peut aider à comprendre la problématique en jeu. Il s'agit d une machine thermodynamique qui prend sa chaleur dans l’air extérieur, dans une épingle d’eau glycolée enterrée ou dans un puisage en nappe phréatique et la restitue dans de l’eau : ce sont les pompes à chaleur air/eau, eau glycolée/eau ou eau/eau, à l’exclusion des mono- ou multisplits air/air. Une pompe à chaleur peut être chauffage seul, réversible ou triple service chauffage-rafraîchissement-ECS.
Chez Toshiba Climatisation, toute la gamme des pompes à chaleur Estia bascule au R32 début 2020, à la faveur du lancement d’une solution triple service. ©PP
Deux règlements européens : Directive ecoDesign et règlement F-Gaz
Pour l’essentiel, deux réglementations européennes déterminent depuis plusieurs années l’évolution technologique des pompes à chaleur. Il s’agit d’abord de la Directive Européenne 2009/125/CE, dite ecoDesign ou ErP, ainsi que de son règlement d’application n°813/2013 qui concerne « les exigences d’écoconception applicables aux dispositifs de chauffage des locaux et aux dispositifs de chauffage mixte ».
L’annexe IV du règlement 813/2013 sur la surveillance du marché a été modifiée par l’annexe XVI du règlement européen 2016/2282 en décembre 2016, dans le sens d’une réduction des possibilités de fraude. La révision du règlement 813/2013 aurait dû être terminée en septembre 2018, pour publication d’une révision en 2019. Il faudra sans doute attendre l’installation de la nouvelle Commission Européenne pour voir une révision de ce règlement.
La seconde influence sur l’évolution de la technologie des pompes à chaleur est le règlement F-Gaz n°517/2014 qui, depuis son entrée en vigueur en 2015, organise une réduction des émissions de gaz à effet de serre attribuables aux systèmes thermodynamiques utilisés pour le froid, la climatisation, le chauffage et la production d’eau chaude sanitaire.
Le règlement F-Gaz est le responsable direct de la transition en cours vers des fluides frigorigènes à GWP (Global Warming Power ou contribution à l’effet de serre) réduits. L’influence de ces règlementations sur la conception des pompes à chaleur était particulièrement en évidence au salon Interclima 2019, où plus d’une cinquantaine de fabricants de pompes à chaleur exposaient leurs nouvelles solutions.
Le marché français est à près de 80% dominé par les pompes à chaleur split, avec une liaison en fluide entre l’unité extérieure et l’unité intérieure. L’unité intérieure est soit avec ballon pour la production d’ECS et panoplie hydraulique pour un ou deux départs chauffage, soit avec départs chauffage et échangeur à plaques pour la production d’ECS. La plupart des constructeurs, dont Toshiba Climatisation, proposent les deux solutions. ©Toshiba Climatisation
Plus de 50 fabricants de pompes à chaleur à Interclima 2019
Parmi ces fabricants, on trouve les principales marques qui se partagent le marché français : Daikin, Atlantic, Toshiba, Hitachi, Panasonic, Vaillant-Saunier Duval, Samsung, LG, Ciat, … On a aussi vu les spécialistes de la chaudière qui étoffent leurs offres en pompes à chaleur, comme Frisquet, Weishaupt, BDR Thermea ou Perge. Puis, des challengers, tels qu’Aermec, Airwell, Clivet, Amzair, Gree Products France, MTA, Argoclima et une demi-douzaine de marques chinoises, comme PHNX Heat Pump.
Les produits de tous ces industriels montrent des tendances communes. La Directive ecoDesign et ses règlements d’application ont mis l’accent sur la performance saisonnière, envisagée sur l’année selon des profils de fonctionnement type. Ce qui a poussé les constructeurs à améliorer les rendements des générateurs à charge partielle.
Pour les pompes à chaleur, cela s’est traduit par la généralisation du pilotage par inverter, bien en évidence à Interclima 2019. L’inverter est une variation de fréquence du courant alimentant le moteur électrique du compresseur pour obtenir une variation de la vitesse de rotation du compresseur, donc une variation de la puissance restituée par la pompe à chaleur.
L’inverter, finalement moins coûteux et plus performant que la variation de puissance par palier obtenu en utilisant plusieurs compresseurs de puissances différentes dans une pompe à chaleur, triomphe depuis les machines domestiques jusqu’aux plus grosses pompes à chaleur tertiaires.
La pompe à chaleur Isilia au R32 d’Atlantic atteindra un classement A+++ en chauffage avec du R32. Ce sera une pompe à chaleur monobloc avec liaison en eau vers le module hydraulique intérieur. La version Alfea Extensa Duo A.I. R32 ci-dessous sera une pompe à chaleur triple service en split avec production d’ECS intégrée. ©PP
Le R32 est très présent, le R290 pointe son nez, le R410A résiste
Ensuite, pour les modèles de pompes à chaleur domestiques jusqu’à 20 kW, le R32 s’impose dans toutes les offres issues de fabrications asiatiques. Le R32, avec son classement A2L (légèrement inflammable) et son GWP de 675 ne peut être considéré comme un fluide d’avenir, mais seulement comme un fluide de transition, dans la marche tracée par le règlement F-Gaz vers un GWP moyen de 400 en 2030.
La pression de l’industrie asiatique en faveur du R32 est telle cependant que la seule question que le marché peut se poser est celle de la durée de la transition vers d’autres fluides à beaucoup plus faibles GWP : 5 ans, 10 ans ? Seuls certains constructeurs européens, dont le petit français Amzair et le géant Vaillant-Saunier Duval, ont décidé de sauter la transition par le R32 en passant directement au R290 (propane, GWP = 3) qui échappe aux restrictions du règlement F-Gaz, à la fois en raison de son très faible GWP et du fait qu’il s’agit d’un fluide naturel.
Mais le principal enseignement d’Interclima 2019 est qu’un nombre significatif de fabricants introduisent en 2019 de nouveaux modèles au R410A pour une commercialisation à partir de 2020. Qu’il s’agisse de pompes à chaleur domestiques chez Hitachi ou chez BDR Thermea, de pompes à chaleur de forte puissance pour le tertiaire chez Panasonic ou Hitachi, le R410A demeure le fluide de choix dans de quantités nouvelles machines.
Pourtant, même si certains fabricants proclament « qu’il y aura toujours du R410A », son GWP très élevé de 2088, en regard de la valeur moyenne de 400 à atteindre pour le parc installé en 2030, pointe au contraire vers sa raréfaction accélérée dans les 5 à 10 ans qui viennent.
A Interclima 2019, les fabricants exposant de nouveaux modèles de pompes à chaleur domestiques au R410A ont tous annoncé l’arrivée de solutions R32 pour 2020 ou 2021. Dès à présent, Hitachi a présenté 3 modèles de pompes à chaleur air/eau au R32, chacun disponible dans 3 puissances – 4,3, 6 et 8 kW en monophasé – Yutaki S réversible, Yutaki S combi réversible + production d’ECS par ballon de 200 ou 260 litres et Yutaki S Combi Solaire réversible avec production d’ECS par ballon de 260 litres raccordé à un panneau solaire thermique.
Les pompes à chaleur domestiques plus puissantes 11 à 24 kW chez Hitachi ne sont pour l’instant disponibles qu’avec du R410A. Le modèle Yutaki S80 est même équipé de deux compresseurs en cascade, l’un au R410A, l’autre au R134a (GWP = 1430). Mais ces machines de puissance plus importantes devraient basculer vers le R32 au plus tard en 2021. ©PP
Daikin qui utilisait cette même architecture en cascade R410A/R134a pour sa pompe à chaleur domestique haute température précédente, a montré à Interclima sa nouvelle machine Daikin 3 H HT qui adopte une toute autre technologie. La pompe à chaleur monobloc à liaison en eau passe au R32 et reçoit un nouveau compresseur à double ré-injection de vapeur et de liquide. Ce compresseur fonctionne jusqu’à 56 bars de pression. La nouvelle Daikin 3 H HT atteint une température de sortie d’eau de 70°C, sans aide d’une résistance électrique. Elle sera disponible en 2020 en 14, 16 et 18 kW en 230 V et en 400 V et se destine clairement à la rénovation et au remplacement des chaudières fioul. Daikin revendique une pression sonore de seulement 31 dB(A) à 5 m. ©PP
Saunier Duval a présenté une nouvelle pompe à chaleur, utilisant toujours le R410A. Elle devrait basculer vers un autre fluide, pas nécessairement le R32, en 2021. ©PP
R32 et R290 orientent la conception des pompes à chaleur
Le marché français de la pompe à chaleur domestique est dominé à plus de 80% par les solutions biblocs : la liaison entre l’évaporateur extérieur et le condenseur intérieur est en fluide. L’arrivée du R32 classé A2L (légèrement inflammable) et du R290 classé A3 (franchement inflammable) parmi les fluides utilisés dans les pompes à chaleur domestiques va sans doute peser sur l’engouement en faveur du bibloc.
Les solutions monoblocs air/eau – tout le fluide est confiné dans l’unité extérieure – avec une liaison en eau vers le module hydraulique intérieur vont de multiplier, car, pour l’installation, il sera plus simple de ne pas faire entrer un fluide A2L ou A3 dans la maison.
Vaillant montrait d’ailleurs à Interclima, aroTHERM plus, sa nouvelle pompe à chaleur air-eau qui obéit à ce nouveau schéma. C’est une pompe à chaleur monobloc avec liaison en eau vers le module intériueur, simple ou double service, utilisant le réfrigérant naturel R290. Le R290 est reconnu pour ses excellentes performances thermodynamiques, ce qui permet à aroTHERM plus d’atteindre une température de sortie d’eau jusqu’à 75 °C, sans l’assistance d’une résistance électrique.
En tant que PAC haute température, elle est conçue pour la rénovation et le remplacement des chaudières fioul pour lequel sa pression acoustique de 32 dB(A) à 5 m est un atout. aroTHERM plus a été conçue en intégrant pas moins de 24 brevets technologiques et dispose de très bonnes performances en chauffage, avec un classement ERP A++ et un COP supérieur à 5.
La pompe à chaleur au R290 de Vaillant sera fabriquée à Nantes, sur le site historique de Saunier Duval. Ce dernier estime que son site de Nantes est le premier site en France pour la fabrication d’unités extérieures de pompes à chaleur. Le fabricant promet la disponibilité des pièces de rechange de ses pompes à chaleur durant 15 ans après l’arrêt de leur fabrication. Et met en avant la performance acoustique : 33 dB(A) à 5 mètres. ©PP
Atlantic, de son côté, a adopté le R32 pour tous les modèles de sa nouvelle pompe à chaleur Alfea Extensa de 5 à 10 kW. Le passage du R410A au R32 réduit fortement la charge de fluide, qui, pour 15 m de liaison, chute de 1,1 kg en R410A à 250 g en R32. Les nouveaux modèles R32 gagnent un rang en classement de performance énergétique et passent de A+ à 55°C à A++. Promise pour 2021, la future pompe à chaleur Evalia Duo d’Atlantic sera en bibloc et triple service et utilisera le R32.
Chauffer et rafraîchir avec les épisodes de canicule à répétition
Autre évolution remarquable à Interclima 2019, les nouvelles pompes à chaleur domestiques sont pratiquement toutes réversibles. Une succession d’étés marqués par plusieurs épisodes de canicule ont augmenté la demande de rafraîchissement. La prévision des experts du climat selon laquelle les épisodes de canicules deviendront en France plus fréquents et plus intenses dans les 15 prochaines années a conforté les industriels dans l’idée que le rafraîchissement est un marché appelé à grandir.
Du coup, le salon a révélé une multiplication de pompes à chaleur triple service – chauffage, rafraîchissement et eau chaude sanitaire – à usage domestique, chez Atlantic, Daikin, Toshiba, Hitachi, … En revanche la technologie de ces pompes à chaleur demeure « traditionnelle » : lorsqu’elles fonctionnent en mode rafraîchissement, elles ne sont pas capables de récupérer la chaleur extraite de la maison pour produire de l’eau chaude sanitaire, bipassant le condenseur à air extérieur. Elles doivent renverser leur cycle de fonctionnement et ne peuvent produire de l’ECS tout en rafraîchissant en même temps.
Pour rafraîchir, il faut des émetteurs réversibles. Atlantic a développé une intéressante idée dans son espace innovation. Il associe une pompe à chaleur réversible eau glycolée/eau avec nappe de tubes enterrée à l’extérieur, baptisée Split 3S, un nouveau plafond chauffant-rafraîchissant ultra-fin.
Ce dernier fonctionnera avec une loi d’eau de 27/22°C en chauffage, ce qui dopera le rendement de la pompe à chaleur. Pour le rafraîchissement, la pompe à chaleur Split 3S saura bypasser son compresseur pour fonctionner directement en échange de chaleur avec le circuit d’eau glycolée enterré, une sorte de free geocooling.
Daikin a mis en avant son nouveau ventiloconvecteur FWXV-AT en forme de console, capable de chauffer et de rafraîchir, particulièrement destiné au marché domestique. Samsung a exposé sa nouvelle pompe à chaleur monobloc au R32 avec liaison en eau, pour éviter la contrainte de l’attestation de l’aptitude à la manipulation des fluides pour leur mise en œuvre.
La future pompe à chaleur Split S3 triple service d’Atlantic sera au R32 et associée à un plafond chauffant-rafraîchissant très peu inerte pour le confort d’été. ©PP
Les offres globales pompes à chaleur + panneaux photovoltaïques pour l’autoconsommation commencent à apparaître chez LG, chez Panasonic ci-dessus. LG et Panasonic fabriquent les panneaux PV et les pompes à chaleur. Daikin s’est quant à lui associé à Dualsun pour sa solution ECH2O Sun qui exploite les panneaux solaires mixtes thermiques et photovoltaïques de Dualsun. ©PP
Source : batirama.com / Pascal Poggi