Près de la tour Hypérion, dont la première planche vient d?être posée, l?aménageur Euratlantique a décidé que 100% des opérations du quartier Armagnac Sud, soit 16 immeubles, se feront en bois.
Bordeaux est une ville minérale où dominent les habitations de petite hauteur. Mais voilà qu’arrive la ligne du TGV, l’extension de l’Aquitaine devenue Nouvelle Aquitaine. Autour de la gare St Jean, une zone urbaine plutôt déshéritée fait l’objet, depuis une dizaine d’années, d’un vaste projet d’urbanisme.
Le spectaculaire immeuble Innova, qui superpose un bloc d’habitations sur un bloc de bureaux, souligne la volonté de la ville de rompre avec ses habitudes constructives. A une autre extrémité de l’immense zone d’aménagement, en bordure de la Garonne, l’immeuble Perspective (R+6) témoigne de la volonté locale de monter en hauteur avec le bois.
Une simple préfiguration de la tour d’habitation Hypérion, futur fanal méridional de la ville avec une hauteur totale de 55 mètres, égale à celle de la tour Innova déjà livrée. Sachant que le défi d’Hypérion, c’est de combiner l’audace architecturale de la tour Innova et l’approche biosourcée de l’immeuble Perspective.
Magnifique représentation de la structure unique de cette tour bordelaise.© Viguier
Neuf offres de qualité pour la construction de la tour
Conçue par l’agence Viguier avec le concours de Woodeum, la tour Hypérion a été lauréate en 2016 d’un concours un peu fou lancé par l’aménageur Euratlantique. Il portait sur la réalisation d’une tour en bois alors que la réglementation française de cette époque récente ne permettait pas (encore) de la construire à une telle hauteur, comme l’a précisé Stephan de Faÿ, le directeur général d’Euratlantique, à l’occasion de la pose symbolique de la première poutre de l’ouvrage, le 10 décembre dernier.
Il précise qu’il souhaitait tester le marché et espérait aux moins trois offres. Finalement, il y en a eu neuf, d’une telle qualité qu’un autre projet a également été primé, la tour Silva, qui sera construite non loin d’Hypérion pour une livraison légèrement décalée, mais avec une hauteur réajustée à 55 mètres.
La jauge ne s’applique pas, dans le cas d’Hypérion, à la tour en bois qui démarre à proprement parler à R+3, de façon à ne pas dépasser la limite fatidique de 50 mètres (IGH), au-delà de laquelle la construction de tours en bois reste aujourd’hui presque impossible en France.
L’architecte Jean-Paul Viguier aux côtés de Stefan de Faÿ dans ses locaux d’Euratlantique.© JT
« Le bon matériau au bon endroit »
L’agence Viguier, spécialiste des tours en béton de La Défense, a coordonné un travail de pionnier un peu frustrant pour la construction bois, tant le résultat témoigne d’une approche mixte. Le noyau est en béton, il s’élève actuellement avec suffisamment d’avance pour permettre le démarrage d’un montage sec grande vitesse dès janvier 2020.
Les planchers en CLT sont en appui sur le noyau et sur un réseau de poteaux-poutres en acier. La façade est en ossature bois, selon une solution HyperMOB brevetée par Eiffage : façade Rockpanel, pare-pluie, caisson vertical de 140 mm rempli de laine de roche avec côté extérieur 12 mm de panneau Fermacell, et 15 mm de panneau Fermacell côté intérieur. Les éléments sont solidement accrochés à une sablière en BLC.
L’ensemble, complété par un pare-vapeur intérieur, est monté équipé de ses baies. Les poteaux en acier sont pratiques pour y attacher de solides consoles qui supportent des balcons que le projet voulait spacieux, avec d’ailleurs une sous-face faisant apparaître du bois massif en appui dans certains cas sur de solides bracons métalliques.
Quant à l’essence, il s’agit de Douglas récolté notamment en Corrèze (Nouvelle-Aquitaine) et de CLT en Douglas de PiveteauBois qui joue la carte locale avec FargesBois d’Egletons, en relais du producteur local initialement pressenti pour oser le CLT en pin maritime, SACBA, qui a jeté l’éponge. L’entreprise Savare, nouvelle antenne construction bois d’Eiffage, se charge de la solution HyperMOB et des balcons.
Etat d’avancement au 10 décembre 2019 de la structure béton, avec le prototype de la structure sèche. ©JT
Un séquentiel de montage ambitieux
Le segment témoin est éloquent, et l’ordre de montage très séquencé retarde le lancement du montage, afin que ce dernier n’entre pas en collision avec la réalisation en cours du noyau en béton.
Savare, qui coordonne le montage, prévoit une semaine par niveau et veut procéder comme suit : environ une journée pour placer toute la structure en acier, puis une journée pour fixer sur les sablières la façade en bois, puis les planchers en CLT. Les balcons viennent se raccrocher aux consoles en attentes dans un second temps.
Détail de la solution mixte bois massif-acier choisie pour les balcons.© Viguier
Dire que selon Jean-Paul Viguier, les poteaux auraient pu être en bois si l’ATE relative au recollage de poteaux en LVL avait été renouvelé à temps !
De fait, le bois dispose encore de ressources pour augmenter sa part dans de tels ouvrages, ne serait-ce que pour en améliorer le bilan carbone, même si une part de mixité bois-acier sera toujours utile et gage d’efficacité. Quant au béton, l’enjeu sera sans doute de réduire le noyau et de passer au béton préfabriqué.
Aspect intérieur de la structure du prototype avec son poteau en acier.©JT
Tout un quartier dans un fût de bois
Après la livraison des tours Hypérion et Silva, c’est tout le nouveau quartier Armagnac Sud qui devrait être construit à 100% en bois, et plus précisément en bois local, avec la volonté déclarée de stimuler une activité locale en non délocalisable allant de la sylviculture jusqu’à la construction. Soit 16 immeubles cumulant 120 000 m2 de surface de plancher.
A la fois Euratlantique et Jean-Paul Viguier insistent également sur le facteur de la construction urbaine vertueuse, préfabriquée, sèche, rapide. Les études pour le quartier Armagnac sont lancées et Euratlantique est en train d’y conforter l’avance acquise grâce à l’audace de sa politique biosourcée.
Pour sa part, Eiffage exploitera pleinement les enseignements du montage de la tour Hypérion pour aborder sereinement le grand chantier du secteur E du Village Olympique.
Pose symbolique d’une sorte de première planche, le PDG d’Eiffage, Benoît de Ruffray, ayant fait le déplacement. ©JT
Cet engrenage bordelais doit beaucoup à FCBA et plus précisément au citoyen et résident local Patrick Molinié, qui a accompagné la longue gestation des projets d’Euratlantique depuis une dizaine d’années, tout en stimulant la compétence de son employeur FCBA en matière d’ingénierie et de conseil pour la construction multi-étage. Un flair récompensé par le lancement réussi, à son instigation, du congrès mondial Woodrise dont la troisième édition est en préparation au Japon.
Source : batirama.com /Jonas Tophoven