Le programme de crèches municipales éphémères et démontables de la ville de Paris s?affirme comme le segment idéal pour sensibiliser la maîtrise d?ouvrage territoriale aux vertus du bois.
A Paris intra-muros, malgré un manque criant de foncier, la mairie de Paris devrait parvenir à tenir sa promesse de mandature, à savoir créer 4000 nouvelles places de crèches, dans la poursuite d’un mouvement de rattrapage engagé au début du siècle.
Dans le cadre de ce vaste programme, dès le début de la dernière mandature, Paris a sollicité les Hôpitaux de Paris afin de pouvoir installer dans l’enceinte des établissements des crèches municipales démontables, pour un bail d’une douzaine d’années.
Les hôpitaux ont proposé quatre sites parisiens : hôpital Trousseau (12e), hôpital Bichat (18e), hôpital St Louis (10e) et La Pitié-Salpêtrière (5e). S’ajoute le cas particulier de la crèche provisoire du Sénat, installé pour une durée de deux ans seulement dans une allée du jardin du Luxembourg.
L’hôpital Bichat, exemple de l’architecture monobloc massive mais somme toute éphémère des années soixante-dix.©JT
Objectif in extremis
Dans les cinq cas, la durée limitée de l’installation invite à concevoir des projets réutilisables. C’est pourquoi le Pôle petite enfance de la mairie de Paris a engagé une démarche innovante en principe axée sur des solutions en modules 3D en bois, et fixant d’emblée, pour les composants du bâti, un taux élevé de réemploi ou de recyclage.
Afin d’assurer un bon suivi de ces travaux inhabituels, le service d’Emmanuel Romand s’est adjoint les services d’Olivier Marty, plus spécialement en charge des crèches Bichat et St Louis. La mise en pratique de ce programme innovant s’est révélée plus complexe que prévue.
Finalement, seule la crèche de l’hôpital Trousseau a été réalisée en modules 3D en bois. La crèche du Luxembourg illustre une approche en éléments modulaires tramés 2D anticipant un démontage prochain pour une réinstallation ailleurs dans Paris, dans une configuration sans doute modifiée.
La crèche de Bichat, sur le point d’être livrée, est une construction bois intégrant des éléments de structure en acier. Egalement très avancée, la crèche de l’hôpital St Louis, installée sur un site historique, a dû rechercher un aspect compatible. Quant à l’opération prévue sur le site de la Pitié, elle a pris du retard et se débat actuellement avec des problèmes liés aux fondations.
Le bardage en tasseaux de mélèze uniformise la façade sud.©JT
Bois et métal pour Bichat
La particularité principale de la crèche municipale réalisée dans l’enceinte de l’hôpital Bichat, c’est qu’on ne sait pas si ce n’est pas l’hôpital Bichat, lourdement amianté, qui disparaîtra avant la crèche en bois, potentiellement démontable et située à la lisière des pavillons en brique de l’hôpital Claude Bernard.
Le cadre est d’autant plus terne que le périmètre hospitalier et ses abords sont quasiment dépourvus de verdure. Le peu d’espace vert qui reste, notamment pour la crèche d’hôpital qui jouxte la nouvelle crèche municipale, est tellement pollué que les jeunes enfants ne peuvent pas y jouer.
Le programme ne propose qu’une parcelle rectangulaire latérale à l’entrée principale venant se substituer à la morgue. L’accès est direct, mais le projet doit créer ses propres espaces de récréation « hors sol », d’autant que le sous-sol de la parcelle est complexe.
L’agence Quatro Architecture, très expérimentée dans le domaine des crèches, a remporté le concours avec un projet qui tranche nettement par rapport à son contexte, grâce à un bardage Eternit très coloré, combiné avec un bardage en tasseaux serrés qui prolonge une palissade finalement stabilisée par une structure métallique solide.
De fait, sur ce projet, l’acier vient en appoint du bois, à la faveur de l’intervention d’OBM comme constructeur. Sur le marché français, il s’agit de l’une des rares entreprises qui sont en mesure non seulement de développer un projet constructif intégrant l’acier là où il sera le plus utile, mais qui savent également préfabriquer les ouvrages dans les deux matériaux.
La crèche Bichat illustre une approche courante de cette mixité : les planchers en CLT (KLH par Lignatec, qu’on retrouve d’ailleurs sur la crèche de St Louis), reposent sur des poutres et poteaux centraux en acier, afin de fluidifier au mieux l’espace intérieur.
L’espace de jeu principal est accessible par une rampe latérale et repose sur des panneaux en CLT. ©JT
Les mauvaises surprises du sol
Quand bien même le parallélépipède intègre des espaces découverts sur trois niveaux, la mise en œuvre ne présente pas de difficultés pour une entreprise qui signe des groupes scolaires entiers, comme récemment à Montreuil.
Les problèmes sont venus du sous-sol, insuffisamment cartographié, et où chemine un tunnel d’accès de maintenance resté en service. L’idée de déposer sur des espaces inoccupés des équipements provisoires mais qui ne sentent pas le « préfabriqué » bute sur la question du sol, à la fois pour la Pitié, le Luxembourg et ici à Bichat.
Quant à l’hôpital Trousseau, il a été nécessaire de remplacer le sol pollué sur une épaisseur de 30 centimètres. Le projet de crèches innovantes de la ville de Paris semble bien humble au regard de ces hôpitaux immenses que les Chinois érigent actuellement en dix jours et en direct.
Pour autant, les fondations n’en restent pas moins le talon d’Achille de ces réalisations modulaires ultra-rapides, au point qu’elles pourraient en limiter sérieusement la durée d’exploitation. Le sol parisien est aussi traitre que chiche et demain, il restera sans doute encore à expérimenter l’option des crèches éphémères en surélévation, avec cependant les mêmes risques de mésaventure en infrastructure.
Les façades sont animées par des panneaux colorés d’Eternit.© JT
Atelier parallèle B4
Le segment des crèches, et notamment le cas des crèches innovantes de la ville de Paris, fera l’objet d’un atelier thématique parallèle dans le cadre de la dixième édition du Forum International Bois Construction, le 16 avril au Grand Palais.
Après une présentation générale par Emmanuel Romand, directeur travaux du pôle petite enfance, l’atelier détaillera successivement les crèches du Luxembourg, de Bichat et de St Louis, celle de l’hôpital Trousseau ayant déjà été abordée l’an passé à Nancy/Epinal.
En complément ou contrepoint, ce focus thématique abordera également l’actualité des micro-crèche de gare développées par l’AREP, et qui relèvent pour le coup le pari du modulaire 3D. Dans le cadre d’une table ronde sur le thème de « l’architecture de crèche à l’image de la société », une réflexion d’ensemble sera nourrie par l’animatrice Véronique Klimine, avec David Fayolle (Wild Architecture), Aline Duverger (Atelier des Vergers) et Juliette Rapinat-Freudiger (Finadorm).
Second espace ouvert, en rez-de-chaussée, avec la rampe d’accès à l’espace de jeu en R+1.©JT
Source : batirama.com /Jonas Tophoven