La rénovation de cet ensemble en plein c?ur de Paris, se caractérise par une surélévation de deux étages en bois bien intégrés à l?ouvrage existant, pour le compte de Paris Habitat.
Légende photo : Judicieusement associée à la rénovation de la façade en ITE, la surélévation confère à cette barre une sorte de majesté. ©JT
En bordure de l’avenue Auguste Blanqui que sillonne le métro aérien de la ligne 6, la rue de la Glacière, la rue Vergniaud et la rue Daviel dessinent un rectangle de plusieurs hectares bordant l’ancien cours de la Bièvre, déclaré insalubre et entièrement reconstruit durant les années 60 selon un plan masse élaboré par les architectes-urbanistes Dubrulle et Lana.
Serge Lana, est l’auteur de l’échangeur de la Porte de Bagnolet… Le tandem Dubrulle et Lana tentait alors de conjuguer une approche orthogonale liée à des procédés de préfabrication, avec le souci de créer un quartier vivant.
Ainsi, les immeubles sont étirés et moins élevés côté nord comme pour mieux se raccorder au tissu haussmannien. Une véritable aubaine pour combiner rénovation et surélévation à grande échelle.
Elisabeth Hodbourg et Marie Wagner, associées à la tête d’une agence modeste qui est venue à bout d’une opération de 42 millions d’euros, avec 64 300 m2 réhabilités et 5480 m2 créés.©JT
Deux niveaux en bois
Achevé quelques années avant le premier choc pétrolier, ce quartier de logements sociaux baptisé Ilot Bièvre et géré par Paris Habitat vieillit mal et devient « sensible » au cœur de la capitale. Il y a une dizaine d’années, le bailleur décide une rénovation d’ensemble qui sera mené par l’agence EHW Architecture (Elisabeth Hodbourg et Marie Wagner).
Dans un premier temps, il est surtout question d’une réhabilitation en site occupé qui sera précédée par une opération de désamiantage (colles des faïences, plinthes, joints de fenêtres). L’idée d’une surélévation des bâtiment R+4 n’intervient qu’en cours de consultation, et c’est également Paris Habitat qui suggère le recours au bois, plus léger qu’une construction métallique.
A cette échelle, la référence est certes alors la double surélévation de 226 logements à Boulogne, livrée par Magendie Architectes en 2004, et qui s’est faite alors en charpente métallique. Mais depuis, ponctuellement et le plus souvent dans le cadre d’opérations privées, la construction bois a déjà fourni la preuve de ses capacités en la matière, sans attendre la triple surélévation d’un foyer de migrants par l’Atelier Marie Schweitzer en 2012 dans la rue de Tolbiac toute proche.
Appropriation des balcons-terrasses par les nouveaux locataires des surélévations. ©JT
Recomposition architecturale
Le projet voté en 2011 prévoit la réalisation de 72 nouveaux logements sur deux niveaux. Les cages d’escalier sont prolongées en béton sur deux niveaux. Puis, un plancher en bois est posé sur la toiture plane existante. De fait, les nouveaux logements reposent sur la structure existante sans renforcements ni création d’une dalle de compression.
Dans un second temps, s’ajoutent les murs en ossature bois du premier étage, couverts ensuite par le plancher en bois du dernier étage. Suivent les murs en bois du dernier niveau et enfin la pose de la toiture plane en bois. Le plancher bas est porté par des solives en BLC et encapsulé dans le prolongement d’une façade en ITE.
Comme les appartements surélévés ne sont pas en duplex, la qualité acoustique impose des séparatifs et des systèmes de planchers gourmands en volume. Les nouveaux logements bénéficient de terrasses en créneau révélant des parois bardées de mélèze.
Les architectes instaurent un jeu de contraste entre un socle d’aspect minéral habillé de dalles composites Carea, la teinte claire des panneaux de fibro-ciment couvrant l’ancienne façade en mosaïque céramique et une surélévation dont les faces en prolongement de façade sont couvertes de cassettes VM Zinc réinterprétant les couvertures haussmaniennes. En complément final, des ascenseurs sont rapportés à la façade.
Rare mais net exemple de dégradation volontaire faisant bien apparaître la façade d’origine et la solution d’ITE.©JT
Une opération récompensée par un "Geste d'Or 2019"
L’ensemble des opérations de rénovation en site occupé s’étend sur une durée de cinq ans et s’accompagne de toutes sortes de complications sociales. Les surélévations ne sont pas toujours accueillies de gaîté de cœur. On leur associe tantôt la crainte de travaux assourdissants, de désordres structurels induits, ou la perspective mal vécue d’une gentrification.
Les derniers logements sont livrés en décembre 2019, au moment où l’opération est récompensée par un « Geste d’Or 2019 » dans la catégorie « Architecture, innovation sociale et économique ». Comme ce projet spectaculaire a été souvent commenté en amont, la qualité de la livraison finale passe pour l’heure presque inaperçue, d’ailleurs gâchée très ponctuellement par quelques actes de dégradation volontaire en partie basse.
Le quartier de Dubrulle et Lana avait dans les premiers temps séduit des cinéastes par ses perspectives soignées. Nul doute que le nouvel îlot Bièvre n’attire d’autres caméras dès que la coulée verte qui le traverse aura repris des couleurs, en compléments des documentaires déjà réalisés par Manuel Schapira et Jules Zingg (« Au cœur de Glacière ») pendant la longue phase des travaux.
Aspect du dernier Bâtiment livré fin 2019. La mise en place de rampes a été nécessaire pour ménager les cuvettes des ascenseurs, au-dessus d’un parking souterrain. ©JT
Atelier parallèle B2
Réalisée par GTM et donc Vinci Construction, la vaste opération de surélévation de l’îlot aurait amplement mérité une présentation détaillée dans le cadre de l’atelier qui sera consacré à ce type de projets dans le cadre du 10e Forum International Bois Construction, le 15 avril prochain au Grand Palais.
Elle figurera en bonne place dans le panorama introductif qui sera dressé par Mathias Boutier de BAM Archi. Pour des raisons de calendrier, la « case » relative aux opérations parisiennes de surélévation de logements sociaux sera cependant assurée par Marc Bénard de l’agence Equateur.
Il interviendra en sa double qualité de maître d’œuvre d’une importante opération de surélévation rue Decaen dans le 12e arrondissement de Paris, et de rapporteur d’une étude réalisée pour le compte de bailleurs sociaux, portant sur la faisabilité des opérations de surélévation dans un contexte foncier particulièrement tendu et donc très favorable.
De fait, un nouveau chapitre de l’histoire du bâti parisien est en train de s’écrire avec la multiplication des opérations de réhausse, pour lesquelles l’exemple de l’îlot Bièvre constitue indéniablement une référence architecturale durable.
Source : batirama.com/ Jonas Tophoven