La RT Existant par élément est toujours en retard sur les normes européennes et, sauf en éclairage, demeure vraiment peu exigeante.
Puisque l’on débat beaucoup, mais largement en vain pour l’instant, de la future RE2020 qui ne concernera que la construction neuve, c’est le moment de s’intéresser aux Réglementations Thermiques (RT) qui concernent le bien plus vaste parc des bâtiments existants.
Elles devraient avoir un effet beaucoup plus important que la RE2020 sur la réalité et sur le rythme de la transition énergétique en France. Nous commençons par la RT Existant par élément.
La RT Existant par élément s’applique aux bâtiments résidentiels et non-résidentiels, publics et privés, dans lesquels on n’engage pas de rénovation lourde. En cas de rénovation lourde, ils relèveraient de la RT Existant globale, s’ils réunissaient les trois conditions suivantes : bâtiment de plus de 1000 m², construit après janvier 1948, pour lequel le projet de travaux envisagé coûtait > 382,50 € HT/m² en logement, > 326,25 € HT pour les locaux non-résidentiels au 1er janvier 2017. ©PP
La RT Existant par éléments apparaît en 2007
La RT Existant par éléments a été créée par l’arrêté du 3 mai 2007 « relatif aux caractéristiques thermiques et à la performance énergétique des bâtiments existants ». Puis, pendant 10 ans, il ne s’est rien passé. Elle a été modifiée en 2017, puis verra une nouvelle version s’appliquer à compter du 1er janvier 2023.
Le mécanisme de la RT Existant par élément est simple : lorsqu’un Maître d’Ouvrage décide de remplacer ou d’installer un élément du bâtiment, il doit choisir des produits dont les performances sont supérieures aux caractéristiques minimales énumérées dans l’arrêté du 3 mai 2017, modifié par l’arrêté du 22 mars 2017, applicable depuis le 1er janvier 2018.
L’idée est simple, c’est la rénovation par étapes : après avoir remplacé ou installé suffisamment d’éléments au fil du temps et au rythme des possibilités financières des propriétaires, la performance énergétique du bâtiment doit s’en trouver nettement améliorée.
Les « éléments » concernés sont les parois opaques – murs, toitures et planchers -, les parois vitrées, le chauffage, la production d’eau chaude sanitaire, le rafraîchissement, la ventilation, l’éclairage et les Energies Renouvelables (ENR).
Pour les fenêtres, portes-fenêtres, doubles fenêtres et façades rideaux de plus de 0,5 m² de surface, par exemple, la RT par élément demande, aujourd’hui et en 2023 également, une valeur Uw ≤ 1,9 W/(m².K). La fenêtre coulissante 2 rails K.LINE commence à Uw = 1,5 (double vitrage) et va jusqu’à Uw = 1,1 (triple vitrage). Rien de bien contraignant, par conséquent. ©PP
La modification du 1er janvier 2018
Comme on n’avait touché à rien depuis l’apparition de la RT Existant par élément en 2007, la situation devenait un peu ridicule : les performances minimales exigées par la RT par élément, pour un certain nombre de produits et systèmes, n’étaient plus disponibles sur le marché européen.
En effet, la Directive ecoDesign, qui porte sur l’amélioration des performances des produits utilisant ou produisant de l’énergie, avait écarté du marché européen bon nombre de produits – chaudières, pompes à chaleur, ballons d’eau chaude, groupes froids et climatiseurs, sources lumineuses et luminaires, etc. – en imposant des exigences de performances minimales plus élevées que la RT par élément, ainsi qu’un calendrier d’amélioration de ces performances sur 10 à 15 ans.
Bref, cette RT Existant par élément tellement peu exigeante, n'était plus crédible. Donc, le 22 mars 2017 paraît un arrêté, applicable seulement au 1er janvier 2018 pour ne brusquer personne, qui augmente les exigences de performance minimale des éléments concernés par la RT Existant par éléments.
Bon, ce n’était pas encore de folles demandes. Par exemple, la résistance thermique des murs en contact avec l’extérieur et des rampants de toitures de pente supérieure à 60° doit atteindre au moins R = 2,9 m².K/W partout en France, saut en zone climatique H3 à une altitude inférieure à 800 m où R = 2,2 suffit. Tout compte fait, les exigences de la RT Existant par éléments, depuis le 1er janvier 2018, ne sont pas encore considérables.
La RT par élément demande R ≥ 4,5 m².K/W pour’ l’isolation des combles perdus et R ≥ 4 pour l’isolation des combles aménagés avec une pente de toiture inférieure à 60°. Dans le même temps – l’incohérence ne faisant peur à personne -, pour bénéficier du CITE (Crédit d’Impôt pour la Transition Energétique), il faut R ≥ 6 en combles aménagés et R ≥ 7 en combles perdus, en plus de la réalisation des travaux par une entreprise RGE. ©Isover, ©PP
L’étape 2023 n’est pas très exigeante non-plus
Une nouvelle étape est déjà prévue au 1er janvier 2023. Le texte qui la détaille est disponible sur le site Légifrance où l’on trouve le texte de l’arrêté du 3 mai 2007 dans sa version originale, dans la version applicable depuis le 1er janvier 2018 et dans la version applicable à compter du 1er janvier 2023. Ce qui permet les comparaisons.
Clairement, l’outil principal pour concevoir et rédiger les exigences 2023 de la RT Existant par élément a été le copier/coller. Une grosse partie des texte 2017 et 2023 sont strictement identiques, erreurs comprises.
Par exemple, l’article 41 de la version 2017 indique : « les installations d’éclairage, comprenant l’ensemble des réseaux électriques et des luminaires, remplacées ou installées sont soumises aux articles 43 à 48 ». En réalité, il s’agissait des articles 42 à 46. Et, miracle du copier/coller, exactement la même erreur resurgit dans la version 2023. Personne n’a relu la nouvelle mouture.
A propos des chaudières, la RT Existant par élément pose des exigences seulement pour les générateurs ≥ 400 kW. ©PP
Des exigences exprimées dans un langage particulier
Depuis l’avènement de la Directive européenne ecoDesign, les fabricants doivent exprimer les rendements de leurs générateurs de chauffage, de rafraîchissement et de production d’eau chaude sanitaire selon une méthode reposant sur un calcul saisonnier. On obtient une efficacité énergétique saisonnière exprimée en %, notée ?s et prononcée étas.
Par exemple, les pompes à chaleur Atlantic Alféa Extensa A.I. affichent un ETAS chauffage de 153% avec une sonde extérieure et une température de départ d’eau de 35°C, contre 114% avec une température de départ de 55°C.
La plupart des exigences de performance pour les aides publiques au changement de générateur, qu’il s’agisse du CITE ou de la nouvelle modalité 2020 MaPrimeRénov’, sont également exprimées en Etas : Pac chauffage Etas 117% à basse température, 102% à moyenne ou haute température, pour les chaudières ≤ 70 kW : ?s ≥ 90%, …
Pour les chaudières, l’article 16 de la version 2023 rappelle les conditions d’installation des chaudières non-étanches à coupe-tirage de type B1, oubliant que la Directive ecoDesign a écarté cette technologie du marché européen en demandant des rendements minimaux qu’elle ne permet pas d’atteindre.
Sinon, le texte 2023, comme la version 2017 d’ailleurs ne pose d’exigence sur la performance des chaudières que pour les générateurs ≥ 400 kW et demande un rendement minimal sur PCI (Pouvoir Calorifique Inférieur) ≥ 90,9% à pleine charge et pour une température d’eau moyenne dans la chaudière de 70°C, ainsi que pour une charge partielle avec une température d’eau moyenne de 40°C.
D’une part, ces valeurs pour les Pac comme pour les chaudières, seront difficiles à trouver parce que les fabricants doivent maintenant communiquer les caractéristiques de leurs générateurs dans le langage de la Directive ecoDesign.
Les versions 2017 et 2023 de la RT Existant par élément en restent au COP pour les Pac, demandant en mode chauffage, un COP ≥ 3,2 à puissance nominale pour les Pac de plus de 400 kW, ainsi que pour celles dont la puissance nominale est ≥ 12 kW, quelle que soit leur technologie (air/eau, eau/eau, etc.). ©PP
Des minimums peu sévères
D’autre part, ces valeurs 2023, dès aujourd’hui, ne sont pas très exigeantes. Pour les Pac vendues en Europe en 2020, un COP chauffage ≥ 4,5 à puissance nominale est une sorte minimum syndical, les COP ≥ 5 pour une température de départ d’eau de 35°C sont quasiment standards.
De même les exigences pour la production d’eau chaude ne sont pas contraignantes, pas plus que celles sur la programmation du chauffage sur l’efficacité et sur le pilotage des émetteurs de chaleur ou sur l’équilibrage des réseaux de chauffage collectif.
En ce qui concerne le refroidissement des locaux, le texte 2023 (Art. 30) rappelle qu’il faut installer des protections solaires extérieures, sauf si les règles d’urbanisme ne l’autorisent pas. Les valeurs EER (European Energy Ratio) qui expriment l’efficacité des systèmes de climatisation, comportent des valeurs minimales dépassées par tous les climatiseurs vendus en Europe aujourd’hui.
Nouveauté en éclairage depuis le 1er janvier 2018, il est désormais tenu compte de l’apport de l’éclairage naturel pour atteindre les valeurs d’éclairage de consigne grâce à un régulateur et à des sources fonctionnant en gradation. ©PP
Le cas particulier de l’éclairage
Le traitement de l’éclairage est strictement identique dans la version 2017 et la version 2023. Mais il a introduit un certain nombre de règles de conception utiles, poussées notamment par le Syndicat de l’Eclairage.
Premièrement, le texte (Art.42) prend en compte les circulations, les parties communes horizontales et verticales, ainsi que les parcs de stationnement. Lorsque le local n’est pas occupé, l’installation d’éclairage doit permettre soit l’abaissement à un niveau déterminé, soit l’extinction de l’éclairage si aucune règlementation n’impose un niveau minimum. Il faut donc une détection de présence qui asservit la commande d’éclairage.
Ensuite, un même dispositif dessert une surface maximale de 100 m² et un seul niveau pour les circulations horizontales et les parties communes intérieures, trois niveaux pour les circulations verticales, un seul niveau et une surface de 500 m² au maximum pour les parcs de stationnement.
Donc, détection de présence et zoning dans les parties communes, espaces de circulation et de stationnement.
La RT Existant par élément, depuis le 1er janvier 2018, demande également, zone par zone, l’asservissement de l’éclarairage à une détection de présence. ©PP
Des spécifications précises pour l’éclairage des locaux hors habitation
Dans les espaces autres que le logement, l’art. 43 demande une commande centralisée ou un dispositif automatique permettant, soit l’abaissement de l’éclairage en cas de non-occupation, soit l’extinction si aucune réglementation n’impose un niveau d’éclairement minimal en inoccupation.
Dans les mêmes locaux, s’ils ont accès à l’éclairage naturel, l’installation d’éclairage comporte des sources à gradation de puissance, régulées en fonction d’une détection du niveau d’éclairement pour tenir compte de l’apport de lumière naturelle. Ces dispositifs couvrent chacun une surface de 25 m² au maximum.
L’Art. 44, pour sa part, demande dans les locaux autres que d’habitation, une puissance installée pour l’éclairage ≤ 1,6 W/m² de surface utile et par tranche de niveaux d’éclairement moyen à maintenir de 100 lux sur la zone à éclairer.
Par exemple, en bureaux, la norme NF EN 12464-1 demande un éclairement moyen de 500 lux dans la zone de travail. La puissance maximale installable pur l’éclairage selon l’Art. 44 sera donc 5 x 1,6 = 8 W/m².
Ces prescriptions requièrent une étude d’éclairage, notamment parce qu’un même bâtiment abrite des locaux différents et que la norme NF EN 12464-1 stipule des niveaux d’éclairement moyens à maintenir différents selon les activités exercées et la norme liste 53 activités principales.
Pas de contrôle
Il est probable que l’étude d’éclairage est rarement réalisée. La RT Existant par élément ne prévoit en effet pas de contrôle. Ou, plus exactement, un décret n°2012-490 du 13 avril 2012 instaurait bien une attestation de prise en compte de la RT Existant, à la fois par élément et globale, à l’achèvement des travaux.
Mais, un arrêté devait préciser la forme de cette attestation. Il n’a jamais été pris : donc la RT Existant demeure attestation. Le bâtiment peut toujours faire l’objet d’un contrôle d’application de la RT Existant par élément. Certains travaux touchant la façade – isolation par l’extérieur, changement d’un mur rideau, etc. – ou la toiture font en effet l’objet d’une demande de permis de construire. Aucun de nos interlocuteurs n’a cependant été en mesure de citer un contrôle exercé sur leur chantier pour vérifier l’application de la RT Existant par élément.
En l’état et même pour l’étape 2023, la RT Existant par élément rappelle des principes de base – ce qui n’est jamais inutile - et pose des exigences de performances pour les divers systèmes concernés, tellement basses, que les matériels correspondants ne sont souvent plus disponibles sur le marché Européen, dépassés par les exigences de la Directive ecoDesign, notamment dans le cas des chaudières, des pompes à chaleur et de la climatisation.
De plus, cette règlementation est largement ignorée de tous, concepteurs, entreprises et Maîtres d’Ouvrage, pas au sens où ils décideraient de s’en affranchir, mais vraiment par méconnaissance. Très peu d’acteurs connaissent le contenu de la RT Existant par élément.
Source : batirama.com / Pascal Poggi