L'urbanisme en question dix ans après la tempête Xynthia

Aucune intempérie n'a été aussi meurtrière en France depuis cette fin février 2010. La tempête Xynthia balayait la côte atlantique provoquant la mort de 47 personnes.

Cette tempête, conjuguant vents violents et marées à fort coefficient, a soufflé sur l'Europe occidentale les 27 et 28 février 2010, depuis l'Espagne jusqu'à l'Allemagne. Le bilan s'élèvera à 59 morts. La France a payé le plus lourd tribut avec 47 décès et d'importants dégâts en particulier en Vendée et en Charente-Maritime, où les digues n'ont pas suffi à arrêter la puissance des flots.

 

A la Faute-sur-Mer, ce 27 février, un "avis de coup de vent", fréquent en hiver, avait conduit Annette et François Anil à ne rien "laisser traîner dehors". Plus tard, dans la soirée, est diffusé un avis de "risque de submersion dans le sud Vendée"."Avec mon épouse, on s'est regardé et on a dit c'est nous", se souvient M. Anil, qui a vu l'eau envahir sa salle à manger quelques heures plus tard et a trouvé refuge sur le buffet.

 

Mais en pleine nuit, bien peu avaient été alertés et pris conscience du danger. L'eau est montée jusqu'à 2,80 mètres dans la "cuvette mortifère" de La Faute-sur-Mer, où une trentaine de personnes ont péri. Dans ce secteur devenu inconstructible depuis, "les gens qui avaient un étage ont pu s'y réfugier, ceux qui n'en avaient pas sont morts", résume Corinne Lepage, ancienne ministre et avocate qui a défendu les victimes de Xynthia dans un marathon judiciaire achevé à l'automne 2019.

 

L'urbanisme en question

 

Immédiatement après la tragédie, des questions surgissent : celle de l'urbanisme et celle de l'entretien des digues. A la Faute-sur-Mer, il est décidé de raser 600 maisons, près d'un tiers des habitations de la commune. "Depuis la Seconde guerre mondiale, il n'y a pas une ville en France qui a vu 30% de sa population disparaître, 30% de ses maisons disparaître", souligne Laurent Huger, premier adjoint au maire.

 

Et "après la Seconde guerre mondiale, on a pu reconstruire, ce qui n'est pas le cas ici". Dans le petit village de Charron, en Charente-maritime, où une grand-mère et ses deux petits-enfants avaient péri noyés, ce sont 180 maisons qui seront détruites. Au total, les dégâts provoqués par Xynthia ont coûté 1,5 milliard d'euros aux assurances (470.000 sinistres déclarés dans 28 départements), tandis que le montant pour l'Etat des rachats de maisons en Vendée et en Charente-Maritime avoisine les 300 millions d'euros.

 

Sur le terrain judiciaire, à l'issue là aussi d'une longue procédure, l'ancien maire de La Faute-sur-Mer, René Marratier, a lui été condamné à deux ans de prison avec sursis pour "homicides involontaires".

 

Alerte vagues-submersion

 

Depuis dix ans les choses ont beaucoup évolué. Des mesures ont été prises pour durcir les Plans de prévention des risques d'inondation (PPRI) et, de manière générale, les règles d'urbanisme ont été remises en cause. La ministre de la Transition écologique, Élisabeth Borne, qui a également été préfète de la région Poitou-Charentes (2013-14), vient ainsi d'annoncer le projet de "relocaliser" entre 5.000 et 50.000 habitations menacées par l'érosion maritime d'ici 2100.

 

Selon Corinne Lepage, "les élus ont pris la question du risque beaucoup plus au sérieux qu'ils ne l'avaient fait précédemment, où finalement la question de la pression foncière avait tendance souvent à l'emporter". "Aujourd'hui, quand il y a une inondation, un risque naturel de quelque nature que ce soit, on voit les élus au premier rang", note-t-elle.

 

Autre conséquence de Xynthia, l'alerte "vagues-submersion" a été intégrée en 2011 au dispositif de Météo-France. Bien que l'alerte rouge de Météo-France ait été déclenchée pour Xynthia, beaucoup avaient eu confiance dans les digues et certaines ont été défaillantes. Les règles concernant ces ouvrages et leur entretien ont donc aussi évolué.

 

Monter les maisons sur pilotis

 

Pour autant, selon Lionel Quillet, le "Monsieur digues" du Conseil départemental de Charente-Maritime, "il faut arrêter de monter des digues, ce sont les maisons qu'il va falloir monter, sur pilotis, flottantes ou que sais-je. Il faut arrêter de vivre contre le risque, il faut vivre avec", plaide-t-il.

 

Laurent Roblet, un Vendéen, a retrouvé une maison en bord de mer après avoir été exproprié suite à Xynthia. "On est tellement habitué à vivre au bord de l'eau. La proximité de l'eau depuis qu'on est tout petit fait qu'on n'a pas spécialement peur", explique-t-il. Le dimanche 1er mars, une commémoration est prévue à La-Faute-sur-mer, avec une marche silencieuse.



Source : batirama.com

↑ Allez en Haut ↑