Trois ans après le rachat inopiné de Fermacell et Aestuver, James Hardie, spécialiste des bardages en ciment composite a précisé sa stratégie européenne et française pour les dix prochaines années.
Pour mémoire et mieux comprendre, rappelons le jeu de chaises musicales qui s’est déroulé en 2017 : Uralita lâche Ursa, Xella s’empresse de mettre un pied sur le marché de la laine minérale, au prix d’une cession de Fermacell et Aestuver, -valorisés un petit demi-milliard d’euros-, puis de celle de l’ancienne maison-mère Fels-Werke, cédée plus récemment au chaufournier irlandais CRH pour 600 millions d’euros.
En soi, cette scission des activités industrielles allemandes avait sa logique. Les plaques Fermacell sont apparues en 1971 au sein d’un groupe ancré dans l’industrie minérale et les matériaux de construction.
Fermacell s’est fait une place en Europe comme l’ami de la construction bois. James Hardie, qui rachète les activités sèches de Xella, connaît très bien la construction bois, même si c’est côté façade, et de l’autre côté de l’Atlantique.
Etex de front
De fait, James Hardie est très américain, Louis Gries, qui en mène les destinées depuis 2005 et décide le rachat de Fermacell, dirigeait déjà le site R&D de James Hardie en Californie dès 1993.
Mais l’entreprise installe son siège aux Pays-Bas il y a vingt ans, puis en Irlande depuis dix ans. Ce qui lui donne l’occasion de regarder ce qui se passe sur le vieux continent. Il n’échappe pas à Louis Gries qu’en rachetant Fermacell et Aestuver, James Hardie fait frontalement face au groupe Etex dans une configuration tout à fait inédite.
Ses bardages concurrencent Eternit. Fermacell fait face à Siniat, tout particulièrement sur le segment des écrans thermiques de la construction bois. Quant à Aestuver, c’est une alternative au leader des solutions de protection passive contre l’incendie, Promat. S’ajoute que les deux groupes partagent le même lourd passé industriel, pas vraiment soldé.
HardiePlank VL Blanc ambiance maison
Installer le business des bardages en ciment composite en Europe
De toute évidence, les Américains ont fait un choix stratégique clair : l’objectif fondamental est d’établir le si juteux business des bardages en ciment composite en Europe. Jusque-là, le chat se mordait la queue : il fallait importer des USA les produits, et même les ré-exporter de la Grande-Bretagne vers le continent.
Eternit pouvait dormir sur ses deux oreilles. Celles de Louis Gries ont cependant dû commencer à siffler dès le vote du Brexit en juin 2016. Il fallait agir et l’occasion a été saisie sans qu’on comprenne bien au premier abord tout ce que cela voulait dire.
Dès le rachat en 2018, le dauphin, Jack Truong, déclare que Fermacell est une plateforme pour accélérer la croissance du segment ciment composite en Europe. Il rajoute cependant que Fermacell dispose d’un potentiel de croissance en Grande-Bretagne, en Scandinavie et en France.
En France, le chiffre d’affaires de Fermacell est de plus de 24 millions d’euros par an. C’est peu compte tenu de l’antériorité, des quelque 200 millions de CA réalisés en Allemagne. Mais c’est beaucoup comparé au 7 millions de CA de James Hardie.
Mise en œuvre sans clip des lames HardiePlank VL
Face à Eternit
La présentation donnée au nouveau siège français est éloquente. Les équipes fusionnent et même si Philippe Rémy, le pilier de Fermacell, est chapeauté par le jeune Aurélien Bourrier, ancien d’Eternit, également responsable régional Europe de l’Ouest, il assume les fonctions de directeur général de James Hardie Bâtiment.
La plateforme logistique lyonnaise de Fermacell s’ouvre aux bardages, en complément de Carquefou. L’objectif est d’atteindre 150 millions de CA en France en 2029, à parts égales entre le segment James Hardie et le segment Fermacell (Aestuver joue un rôle secondaire).
Le groupe mise d’une part sur le développement du marché de la construction bois, en phase avec l’étude prospective présentée par la filière l’automne dernier. Mais conscient du fait que cette croissance ne sera sans doute pas linéaire, notamment en France, le groupe a l’intention de prendre des parts de marché à Eternit.
Nouvelle Plaque sol 35 mm + fibres bois détouré de Fermacell
Marketing au top et négoce à fond
James Hardie fait confiance à des produits plus légers (10,5 kg par lame contre 12 kg), et à son arme stratégique, le centre californien de R&D à Fontana. On se dit que cela ne peut pas fonctionner, si loin du marché européen.
Pourtant, James Hardie ne fait pas dans la nuance en sortant actuellement son Hardieplank VL. Il s’agit d’un bardage à emboîtement sans clips, pourvu de surcroît d’un profil en V. En matière de R&D, les choix se font sérieusement par le biais de panels utilisateurs.
De fait, le Hardieplank VL réussit à corriger, par son aspect, la mauvaise image des bardages composites. Quant à la facilité de pose, c’est toujours un avantage.
Il reste que James Hardie attaque sur un segment étroit, une force par son expertise mais une faiblesse aussi, parce que la marque a décidé de commercialiser ses produits exclusivement par le négoce et la GSB. Or, Eternit dispose d’une gamme beaucoup plus large qui s’étend à la toiture. C’est pourquoi James Hardie souhaite viser plus spécifiquement le négoce du bois, précisément là où Fermacell a déjà des entrées.
La nouvelle plaque de sol permet d’offrir une parfaite continuité entre le sol de la chambre et celui de la douche à l’italienne.
Les perspectives du Village olympique
Les objectifs de croissance de Fermacell, en France et en Europe, sont plus mesurés, à l’image du nouveau produit lancé par Philippe Rémy en matière de plaque de sol. Il a suffi d’ajouter en sous-face une couche de fibre de bois de 10 mm pour atteindre une épaisseur suffisante permettant de loger le receveur Fermacell d’une douche à l’Italienne.
C’est l’une des solutions qu’on attendait dans la perspective de l’équipement du Village Olympique, à condition que les planchers soient en bois. Une incertitude qui contribue sans doute à ce que cette solution ne dispose pas encore d’un avis technique spécifique.
Multi-étage
Si James Hardie atteint ses objectifs, le marché sera mûr pour implanter une ou des usines de production de bardages en ciment composite en Europe. L’ambition ne semble pas démesurée dans le sens où l’axe de développement de la construction bois est le multi-étage.
Après Grenfell, les exigences en matière de feu ont été relevées. Le ciment composite, c’est beaucoup de ciment Portland et un peu de fibres de bois. Même avec des usines en Europe, le bilan carbone ne sera pas époustouflant. Mais on parle de bardages qui restent légers. Et qui sont garantis 15 ans.
Force est de constater que le marché s’anime et c’est incontestablement une bonne nouvelle pour la construction bois en Europe, qui reste pénalisée par son surcoût. On attend avec impatience les prochaines salves d’innovations de James Hardie, sur un marché européen de la construction bois très calme en matière de R&D.
Source : batirama.com/ Jonas Tophoven