Un guide, en attente, élaboré par les acteurs du BTP et l?OPPBTP détaille les conditions dans lesquelles, le travail pourra reprendre sur les chantiers. A défaut, les entreprises pourront bénéficier du chômage partiel.
Chômage partiel ou pas pour les entreprises du BTP ? C’est tout l’enjeu de l’accord négocié entre les acteurs de la Construction et le gouvernement, et signé le week-end dernier. Or, cet accord devait être complété cette semaine par la parution d’un guide de bonne conduite rédigé par l’OPPBTP.
Mais voilà, attendu d’une minute à l’autre dans la journée de jeudi, le guide n’est toujours pas publié. Et la colère monte chez les responsables syndicaux, accusant le gouvernement de mettre la vie des entreprises et de leurs salariés en danger. « Déjà, les règles de sécurité ne sont pas toujours bien appliquées en temps normal par certains professionnels, et là, avec ce virus, la situation risque d’empirer » explique vendredi matin Patrick Liebus, président de la Capeb.
En effet, faute de document officiel publié rapidement, certains « fake guide » ont commencé à circuler sur les réseaux sociaux et chantiers, avec des logos officiels, comme ceux de l’OPPBTP ou de bureaux de contrôle connus (ex : Socotec). De quoi, perturber davantage une profession confrontée à la désorganisation complète de leur filière.
80% des chantiers arrêtés
Alors que près de 80 % des chantiers sont actuellement arrêtés, selon les estimations de la FFB, la parution de ce guide doit permettre de préciser les conditions à respecter sur les chantiers afin de favoriser la reprise d’activité des entreprises et artisans.
Une reprise qui ne pourra pas être générale et majoritaire, de l’aveu des acteurs du secteur. Les entreprises et constructeurs sont en effet confrontés à la désorganisation de la filière, aux ruptures d’approvisionnement et aux fermetures de chantiers imposées par certains maîtres d’ouvrages (notamment les chantiers de l’Etat). Ce qui n’a pas empêché certaines entreprises de poursuivre leur activité, quand les conditions le leur permettaient.
« Il est important de clarifier les choses sur le terrain et d’expliquer rapidement aux artisans et entreprises en capacité de travailler, dans quelles conditions précises, ils peuvent exercer leurs activités » explique Patrick Liebus, président de la Capeb. Ne pas mettre en danger la vie des salariés, chefs d’entreprises mais aussi les clients, demeure primordiale selon le responsable, qui ne décolère pas.
Le retard dans la publication du guide a encore rajouté à la pagaille ambiante, selon certains observateurs. Certaines entreprises ont estimé que faute de guide publié, il leur était possible de poursuivre « légalement » leurs activités qui ne sont pas interdites. D’autres, au contraire, ont refusé de reprendre le travail, tant que le précieux sésame ne les couvrait pas officiellement, dans l’exercice de leurs métiers.
Clarifier les conditions de travail sur le terrain
Or les professionnels rappellent qu’ils ont assuré leur part de responsabilité en participant à la rédaction du guide. « En 4 jours, toute la profession s’y est mise, en incluant les organisations professionnelles et syndicales de la profession, ainsi que les négociants, sous l’égide du Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique » rappelle Patrick Liebus.
Rappelons que certaines professions, dont les architectes et les bureaux d’étude, avaient également réclamé de pouvoir réfléchir au projet et d’être consultés, ce qui a donc été fait.
Un guide entre les mains des ministères du Travail et de Bercy
Si le guide a été rapidement adopté par les acteurs de la construction, il a dû ensuite être examiné de près par différents ministères dont la Direction générale du Travail (dépendant du ministère du Travail), des Transport et de la Santé, pour valider les préconisations des professionnels. Mais il semblerait que les conditions du guide toujours en discussion aient été revues.
Rappelons que cet examen par les instances gouvernementales est logique puisque faute de pouvoir respecter les pratiques décrites par l’OPPBTP, les entreprises pourraient justifier d’une activité partielle. C’est en effet l’enjeu essentiel de l’accord signé et complété cette semaine.
Ce guide constitue donc à la fois le précieux sésame permettant soit de poursuivre une activité, soit de la stopper, moyennant du chômage partiel. Et les mesures prescrites sont, selon les Organisations professionnelles, des mesures sanitaires de bon sens : présence recommandée d’un bac ou lavabo pour se laver les mains ou encore absence de personnes, (client et enfants) autre que les travailleurs, sur le chantier.
Les masques sont également recommandés, quand les conditions le justifient (présence de plusieurs passagers dans un véhicule, par exemple, ou dans un bungalow de chantier). "Mais où trouvera-t-on les masques" ? se demandent déjà les professionnels. Ceux qui avaient un stock ont pu les utiliser mais le stock risque vite de s’amenuiser et il deviendra compliqué d’en trouver d’autres.
"Une capacité de redémarrage quasi nulle "
Enfin, d’autres entreprises, comme le groupe Legendre, indiquent d'ores et déjà que leur capacité de redémarrage à court terme est quasi nulle « En effet, les contraintes sanitaires reportées sur les entreprises pour protéger nos salariés sur chantiers sont incommensurables ». Car même si les dispositions sont légitimes, pour nos salariés, comment pourrons nous assurer les mesures suivantes, se demande Vincent Legendre :
- Proscrire toute tâche ne permettant pas de respecter la distanciation minimale de 1m (à moins de porter un masque que nous ne trouvons déjà pas !)
- Imposer de nettoyer tout outillage avant de passer entre les mains d’un autre compagnon
- Imposer à nos compagnons de se laver les mains toutes les 2h
- Désinfecter les bases vie 2 fois par jour.
- Limiter au maximum la co-activité. Ce qui est par définition compliqué sur des chantiers de construction ou les différents lots travaillent les uns à côtés des autres.
- Mettre en place un local d’isolement en cas de suspicion de Covid-19.
- Se déplacer à un par véhicule 2 places et à 2 maximum par véhicule 3 places
"Toutes ces mesures auront un coût et allongeront les délais de façon importante", reprend Vincent Legendre. "Nos clients vont-ils accepter nos demandes ? Il est évident que non et je les comprends très bien. Ils vont nous demander de justifier chacun des euros supplémentaires qui leur seront demandés et vont nous demander de réduire au maximum l’impact sur les délais (ce qui aura encore un coût pour les entreprises).
Alors je pose cette question : et si l’industrie du bâtiment ne parvenait pas à redémarrer ?" conclut le chef d’entreprise.
Source : batirama.com/ Fabienne Leroy