La 5G est une collection de normes qui s?étendent à travers tout un spectre de fréquences. La 5G dans les bâtiments laisse entrevoir de nouveaux usages, mais rien n?est prêt.
Tout ce que l'on peut entendre et lire à propos de la 5G porte en réalité sur les télécommunications à l’air libre, hors des bâtiments. Il n’est pas du tout certain que les technologies 5G seront les mêmes hors et à l’intérieur des bâtiments. Et les principales promesses de la 5G n’offrent pas nécessairement d’intérêt pour des applications techniques à l’intérieur des bâtiments.
Huawei, le grand spécialiste mondial de la 5G, les résume de la manière suivante par rapport à la 4G : une bande passante multipliée par 100, un débit multiplié par 10, un nombre de connexions simultanées multipliée par 1000 et une division de la latence par 10. La latence est le temps d’attente pour recevoir les données. Le changement d’échelle est tel qu’on ne parle plus d’IoT (Internet of Things), mais d’IoE - internet of Everything -, un monde dans lequel tout est connecté.
Mais tout cela, c’est à l’air libre. Pour ce qui concerne l’intérieur des bâtiments, pour l’instant on ne sait pas grand-chose. Ce qui pose une difficulté importante aux promoteurs qui se lancent dans des projets de bâtiments, notamment tertiaires, qui seront prêts d’ici 3 ou 4 ans. S’ils ne veulent pas que leur bâtiment soit obsolète à sa livraison, ils doivent, en toute incertitude technique, le rendre compatible avec la 5G dont on ignore presque tout.
5G : ce qui est connu
La 5G n’est pas une seule norme, mais une collection de normes, dont toutes ne sont pas encore parues. Elles couvrent un très large spectre de fréquences et de types de connexions, allant d’objets connectés très simples à des applications gourmandes en débit et bande passante, comme les opérations chirurgicales à distance. Dans la collection des normes 5G, celles qui concernent l’IoT – Internet of Things ou internet des objets – devaient paraître en mars, mais sont finalement repoussées à mai ou juin 2020.
En France, l’Arcep – Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse - a lancé une première consultation sur la 5G en janvier 2007. En février 2018, elle a autorisé les premières expérimentations à Lille, Douai, Bordeaux et Lyon. Puis en juin et juillet 2018, les expérimentations se sont étendues à Marseille, Nantes, Toulouse et à l’Île de France qui réunit 14 expérimentations à elle seule.
Les premiers smartphones 5G, notamment ceux de Samsung, sont disponibles en France depuis le mois de mars 2020. Toutes les autres marques devraient en commercialiser d’ici la fin de l’année 2020. La couverture du territoire, en revanche, ne sera pas assurée avant 2022 ou 2023. Les années 2021 et 2022 devraient voir un développement des applications 5G dans l’industrie et l’IoT.
5G : un grand nombre de bandes de fréquences
En France, selon l’ANFR, Agence Nationale des Fréquences, la 5G pourrait à terme exploiter des fréquences depuis 700 MHz à 71 GHz. L’Arcep a lancé des enchères pour la bande de 3,5 GTHz et la bande de 26 GHz, mais la 5G sera progressivement étendue à toutes les bandes de fréquences utilisées par la 2G, la 3G et la 4G, tandis que de nouvelles bandes millimétriques permettront d’accroître les débits dans les zones denses.
Toutes ces bandes de fréquences ne seront pas destinées aux mêmes usages, bien qu’elles soient toutes utilisées par la 5G. Par exemple, le très haut débit de données exige de larges canaux disponibles pour les transmissions. Si l’on doit utiliser un canal de 1 GHz de largeur, c’est possible autour de 26 GHz, mais pas du tout à 800 MHz. Autre exemple, les objets connectés et la fiabilité des communications nécessitent une bonne couverture – une bonne capacité de pénétration dans les bâtiments, notamment – que seules les bandes de fréquences basses, en dessous de 2 GHz rendent possible.
Par conséquent, les premières bandes de fréquences rendues disponibles pour la 5G – 3,5 GHz avec des largeurs de bandes de 50 à 100 MHz, 26 GHz avec des largeurs de bandes de 800 MHz – conviennent bien pour le très haut débit mobile, pas du tout pour l’IoT. En revanche, les bandes 700 ou 800 MHz sont déjà considérées comme des bandes 5G et les conditions d’utilisation contenues dans les autorisations délivrées par l’ARCP pour les services 2G, 3G ou 4G, ne requièrent aucune modification pour être étendues à la 5G.
L’utilisation de la bande 3,5 MHz, couplée avec les bandes 700 et 800 MHz permettrait donc à un opérateur 5G de proposer à ses clients un service combinant pénétration et débits importants.
Dans ce que l’on appelle les bandes millimétriques, la conférence mondiale des radiocommunications de 2019 à alloué 3 bandes à la 5G : 26 GHz, 40,5 à 43,5 GHz et 66 à 71 GHz. La bande de 37 à 43,5 GHz était déjà disponible pour la 5G depuis deux ans. En Europe, la Commission Européenne à lancé une étude de la bande 42 GHz et de la bande 66 à 71 GHz.
5G : que faire dans les bâtiments ?
Une fois les normes 5G portant sur l’IoT connues et exploitées par les fabricants d’équipements, elles pourraient déboucher sur des applications dans les bandes inférieures à 2 GHz, à faible débit et longue distance, potentiellement capables de remplacer les technologies Lora et Sigfox pour la relève à distance, le report d’incidents de fonctionnement, etc. La 5G permettra la connexion simultanée de milliards d’objets du monde de l’IoT. Ces appareils transmettent chacun un faible volume de données et le temps de transmission/réception – la latence – n’a pas vraiment d’importance.
Pour avoir une idée plus claire des enjeux dans le bâtiment, nous avons demandé son avis à Stephan Ganne de Magellan Partners, un cabinet conseil en organisation et systèmes d’information. Il admet tout de suite que si des expérimentations ont lieu en France dans les bandes millimétriques, on connaît encore peu de retours publiés. La principale attente dans le bâtiment porte sur la multiplication des objets connectés. Il est donc encore largement trop tôt pour proposer une marche à suivre tout à fait fiable.
En ce qui concerne la pénétration des ondes 5G dans les bâtiments, il souligne que les fréquence 3,5 GHz et en dessous passent à travers les murs et les cloisons. En revanche, les fréquences millimétriques de 26 GTHz et au-delà ne se comporteront sans doute pas de la même manière et poseront probablement des problèmes de pénétration. On peut donc imaginer que si un Maître d’Ouvrage souhaitait équiper un bâtiment de bureaux en communication 5G, il soit donc contraint d’installer un grand nombre de récepteurs/émetteurs. C’est un vrai enjeu à la fois pour les bâtiments de bureaux existants et pour les projets en cours de développement.
En même temps, si le Maître d’Ouvrage consent l’effort nécessaire – qui peut être coûteux – pour équiper son bâtiment en réseaux 5G et étant données les multiples capacités de la 5G depuis le haut débit jusqu’à l’IoT, il devient absurde de multiplier les réseaux pour piloter les diverses fonctions techniques, liées au confort et à la sécurité.
Des bornes communes 5G/Wifi
Ce que Bluetooth Low Energy (BLE), Sigfox ou Lora permettent aujourd’hui, la 5G le fera mieux encore demain. Toute la question porte sur « demain ». On peut imaginer que les fabricants s’empareront des spécifications 5G IoT (en dessous de 2GHz) et proposeront pour les réseaux 5G dans le bâtiment, des émetteurs/récepteurs capables de travailler aussi bien en IoT qu’en haut débit. Aucun fabricant n’en a proposé pour l’instant, cependant, même si apparaissent déjà des borne communes 5G/Wifi.
Selon Stephan Ganne, Lora, Sigfox, BLE, ZigBee et autres bus de terrain ont des années de prospérité devant eux, avant que la 5G ne les rattrape. Cependant, la 5G présente un caractère attractif majeur et il faut, à son avis, prévoir un déploiement de la 5G dans tous les bâtiments tertiaires neufs.
En toutes incertitudes cependant, les coûts de déploiement de la 5G dans les bâtiments sont encore mal connus. Il reste aussi de grosses incertitudes sur la consommation électrique des objets connectés en 5G et fonctionnant sur piles. Bref, le bâtiment doit préparer et anticiper autant que possible l’arrivée de la 5G, mais n’abandonnera pas les proptocoles de bus de terrain, Lora et Sigfox avant plusieurs années.
Et aussi, malgré les rumeurs qui parcourent internet, la 5G n’a rien à voir avec la dissémination du Covid-19 : ce n’est pas la peine de détruire les mâts 5G en cours d’installation.
Source : batirama.com / Pascal Poggi