Malgré une diminution de leur rythme de travail en 2019, les artisans sondés sur leur santé sont toujours soumis à des phénomènes de stress et se disent davantage isolés.
Comme chaque année depuis 2014, la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb) la Chambre Nationale de l’Artisanat des Travaux Publics et du Paysage (Cnatp) et le pôle d’innovation Iris-ST dévoilent les résultats de la nouvelle édition du baromètre ARTI Santé BTP. Il s’agit d’une enquête nationale sur les conditions de travail et la santé des chefs d’entreprise artisanale du BTP.
Pour la première fois, l’étude révèle une diminution de leur rythme de travail. Ils étaient ainsi davantage en 2019 à prendre des congés au-delà de deux semaines par an et à réduire leur temps de travail hebdomadaire.
Cependant, la part des dirigeants qui déclarent leur métier très exigeant physiquement mais aussi mentalement est en hausse avec respectivement +5 et +3 points par rapport à la précédente édition et la difficile déconnexion avec le travail s’accentue.
Face au rythme soutenu de leur activité, les répondants sont toujours autant soumis à des problèmes de santé (stress, burn-out) et ont de plus en plus le sentiment d’être isolés (+4 points).
La Capeb, consciente de toutes ces données et difficultés, fait le bilan des 6 éditions passées du baromètre et propose un partenariat, avec le réseau du Centre d’Information sur la Prévention des difficultés des entreprises (CIP) qui s’avère d’autant plus nécessaire du fait de la crise sanitaire actuelle.
Pour la première fois, une légère diminution du rythme de travail
L’étude menée auprès de 2053 répondants entre novembre et décembre 2019 révèle une baisse du rythme de travail des dirigeants d’entreprise artisanale du BTP et du paysage.
En 6 ans, les congés des dirigeants sont en effet de plus longue durée. Ainsi, le nombre de dirigeants s’octroyant plus que deux semaines de congés est en augmentation. Ils sont également de moins en moins nombreux à travailler de 6 à 7 jours par semaine (54 % en 2019 contre 59 % en 2018). De plus, la proportion du nombre de dirigeants travaillant plus de 60 heures par semaine est également en baisse (21 % en 2019 contre 26 % un an auparavant).
L’intensité du rythme de travail hebdomadaire des dirigeants varie en fonction de la taille de l’entreprise. Ainsi, les répondants employant 11 à 15 salariés sont plus susceptibles de travailler plus de 60 heures par semaine par rapport aux artisans travaillant seuls (38 % contre 14 %), quand bien même les employeurs ayant répondu déclarent prendre plus de congés.
Un rythme soutenu pour l’ensemble des répondants qui s’explique en partie par la lourdeur des tâches administratives qui représentent pour près de la moitié des chefs d’entreprise 25 % de leur temps de travail.
Difficulté d’opérer une réelle coupure avec l’activité
Si le rythme de travail opère pour la première fois une légère baisse, il reste cependant très soutenu. Comme les années précédentes, les chefs d’entreprise artisanale peinent à trouver le bon équilibre entre vie familiale et vie professionnelle : 87 % des répondants ont toujours le sentiment que leur vie professionnelle empiète sur leur vie privée et 75 % d’entre eux considèrent qu’ils ne sont pas suffisamment disponibles pour leur entourage.
En cause : le rythme soutenu mais également la difficulté pour ces dirigeants d’opérer une réelle coupure avec leur activité. Travailler pendant les jours de repos est une pratique en augmentation chez les chefs d’entreprise artisanale du BTP et du paysage : ils sont ainsi 51 % à consulter leurs mails tous les jours ou tous les deux jours pendant leurs congés. Pour 34 % d’entre eux, il s’agit en effet de rester disponible auprès de leurs clients.
Le nombre de chefs d’entreprise qui considèrent leur travail très exigeant ne cesse d’augmenter : +5 points (83 % en 2019 – 78 % en 2018) pour l’exigence physique et +3 points (91 % en 2019 – 88 % en 2018) pour l’exigence mentale. L’accroissement de l’exigence physique peut s’expliquer, au-delà du fait qu’il s’agisse de métiers manuels, de l’évolution de certains matériaux et équipements et les contraintes liées aux chantiers.
Bien que ce soit l’exigence physique qui augmente le plus, l’exigence mentale reste toujours plus importante. Elle s’explique entre autres par le poids des responsabilités et de la multitude de tâches qui incombent aux chefs d’entreprise. Une situation qui n’est pas sans risque pour la santé mentale et physique de ces artisans.
Un état de stress stable à 48 % pour les artisans sondés
Depuis six ans, les résultats du baromètre alertent sur l’état de stress des dirigeants des entreprises artisanales du BTP et du paysage. Si la proportion des répondants qui se déclarent stressés reste stable à 58 %, son intensité quant à elle augmente.
Le poids des démarches administratives, la charge de travail, les contraintes de délais et la nécessité de devoir être de plus en plus réactif sont notamment en cause. 84 % des chefs d’entreprise artisanale du BTP et du paysage déclarent ainsi travailler dans l’urgence.
Cet état émotionnel influence fortement la qualité du sommeil et les expose à un risque accru d’épuisement professionnel voire de burn-out. Un syndrome qui concerne davantage de répondants cette année : 6 % contre 5 % en 2018.
Il est à craindre que cette situation déjà préoccupante se détériore considérablement cette année avec la gestion de la crise sanitaire à laquelle sont confrontés tous les chefs d’entreprise.
Sentiment d’isolement des chefs d’entreprise
Les chefs d’entreprise artisanale sont également 58 % à affirmer se sentir très fatigués (contre 59 % en 2018, 58 % en 2017 et 56% en 2016) et 47 % déclarent se réveiller au milieu de la nuit et avoir du mal à se rendormir.
Ce manque de sommeil a des répercussions concrètes sur l’activité professionnelle pour 70 % des répondants. 51 % des répondants se disent ainsi davantage irritables (contre 32 % en 2018) et 64% en manque d’énergie et en permanence fatigués.
La lourde charge de travail ainsi que les troubles émotionnels dont les répondants sont victimes sont des facteurs qui favorisent le sentiment d’isolement des chefs d’entreprise.
En effet, 40 % des sondés éprouvent ce sentiment (+ 4 points par rapport à l’année dernière) et 46 % souhaitent être davantage soutenus. Pour répondre à ce besoin, les réseaux professionnels arrivent pour la première fois en première position (64 % des répondants), suivis par les institutions telles que les assurances et les banques.
Malgré cette situation inquiétante, le baromètre met en avant un regain d’optimisme chez les répondants. 54 % sont plutôt optimistes concernant l’activité de leur entreprise (contre 40 % en 2018) et 65 % sont totalement épanouis dans leur métier.
Faible suivi médical des chefs d’entreprise
Depuis plusieurs années, le baromètre fait le constat d’un faible suivi médical des chefs d’entreprise de l’artisanat du bâtiment. En 2019, seulement 45 % consultent leur médecin régulièrement ou de temps en temps.
Plus inquiétant encore, pour 48 % des répondants, leur état de santé nécessiterait un arrêt de travail qu’ils n’ont pas pris. La première raison évoquée est le maintien à tout prix de l’activité de l’entreprise.
Ce constat alarmant montre la nécessité de continuer à sensibiliser les artisans du bâtiment sur les risques liés à leur activité. De plus, l’étude révèle que 68 % les dirigeants seraient intéressés par un suivi médical en lien avec leur activité professionnelle avec leur médecin généraliste ou un autre professionnel.
Source : batirama.com