ll est à craindre que certaines entreprises connaissent des difficultés dans un proche avenir, suite à la crise du Covid-19. Que faut-il éviter, que faut-il faire ? Voici un point sur ce qu'il ne faut pas faire...
La récession économique post-Covid-19 devient une menace sérieuse, pour des pans entiers de l’économie. Et les entreprises devront, pour certaines, adopter des solutions sociales. Ce dossier fait le point sur les options possibles avec un premier volet : ce qu’il ne faut pas faire…
Rompre par anticipation un contrat à durée déterminée
Sauf d'un commun accord avec l’employeur, un CDD ne peut être rompu avant son terme que dans des cas bien précis :
- Faute grave du salarié
- Force majeure
- Inaptitude du salarié
- Signature d'un CDI (article L 1243-1 du Code du travail
Le licenciement économique ne fait pas partie de ces motifs. Le salarié dont le contrat est rompu pour ce motif pourrait prétendre au moins au paiement des salaires jusqu’au terme du contrat (soumis à cotisations sociales) ainsi que l’éventuelle prime de prime de fin de contrat
Rompre par anticipation un contrat d’apprentissage
Durant la période probatoire des 45 premiers jours de formation (consécutifs ou non), l’employeur ou l’apprenti peuvent rompre le contrat sans avoir à fournir un motif précis. De plus, cette rupture ne nécessite pas de respecter un délai de préavis Passé ce délai, le contrat peut être rompu par accord écrit signé des deux parties.
A défaut, le contrat peut être rompu en cas de force majeure, de faute grave de l'apprenti, d'inaptitude constatée par le médecin du travail (l'employeur n'est pas tenu à une obligation de reclassement) ou en cas de décès d'un employeur maître d'apprentissage dans le cadre d'une entreprise unipersonnelle. La rupture prend la forme d'un licenciement.
La rupture du contrat d'apprentissage peut aussi intervenir à l'initiative de l'apprenti et après respect d'un préavis. L'apprenti doit, au préalable, solliciter un médiateur. Si l'apprenti est mineur, l'acte de rupture doit être conjointement signé par son représentant légal.
Le contrat peut être rompu si l'apprenti obtient son diplôme en avance (article L 6222-18 du Code du travail)
Le licenciement économique ne fait pas partie de ces motifs. L’apprenti dont le contrat est rompu pour ce motif pourrait prétendre au moins au paiement des salaires jusqu’au terme du contrat
Ne pas respecter les promesses d’embauche
On distingue classiquement l’offre de contrat de travail et la promesse unilatérale de contrat.
L’offre de contrat de travail est un acte par lequel l’employeur exprime sa volonté de conclure un contrat de travail. L’offre comprend les éléments essentiels du contrat de travail envisagé.
Une promesse unilatérale de contrat est un acte par lequel un employeur accorde le droit d’opter pour la conclusion d’un contrat de travail. Les éléments essentiels de ce contrat sont déterminés. L’entreprise est engagée, il ne manque que le consentement du salarié pour la formation du contrat de travail.
Ainsi la promesse unilatérale de contrat engage davantage l’employeur que l’offre de contrat (Cass. soc., 21/09/17, n° 16-20.103 et 16-20.104). C’est l’examen des termes de la promesse d’embauche qui permettra de déterminer s’il s’agit d’une offre de contrat ou d’une promesse unilatérale de contrat de travail.
S’il s’agit d’une promesse unilatérale de contrat, l’employeur ne pourra donc plus se rétracter, sauf à engager une procédure de licenciement en invoquant un motif légitime. A défaut, il pourra être condamné à verser des dommages et intérêts au salarié en fonction du préjudice subi, ainsi qu’une indemnité de préavis.
Il est donc hors de question pour un employeur de rompre de sa propre incitative une promesse unilatérale de contrat de travail, et ce, même si les conditions économiques ne se prêtent pas à l’embauche. La procédure de licenciement économique devra être menée même si le salarié n’a pas encore eu de salaire…
Rompre une période d’essai pour un motif économique
La période d’essai permet à l’employeur d’évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d’apprécier si les fonctions occupées lui conviennent.
Si la liberté de rupture de la période d’essai est la règle (moyennant le respect d’un délai de prévenance), un certain nombre de limites ont été posées par les tribunaux à cette liberté. En effet, le but de cette période d’essai étant d’évaluer les compétences du salarié dans son travail, certaines ruptures sont exclues. Ainsi en est il :
- si cette rupture est fondée sur un motif disciplinaire
- ou pour un motif d’inaptitude physique à l’emploi
- ou pour un motif économique
- ou si l’employeur n’apprécier les compétences de l’intéressé
Tous ces cas de rupture entraîneraient les conséquences d’un licenciement sans cause réelle ni sérieuse.
Pratiquer des ruptures amiables
Il ne pas confondre rupture amiable et rupture conventionnelle. Il a été jugé par les juges du fond que l’instauration de la rupture conventionnelle (dans le cadre du CDI) interdisait aux parties le recours à la rupture amiable (Dijon, 5 mai 2011, RG no 10-160 - Riom, 12 juin 2012, RG no 11/0099). Cette position a été approuvée par la Cour de cassation (Cass. soc. 15 octobre 2014, pourvoi no 11-22251)
La loi vise la rupture amiable dans deux cas :
- Le contrat d’apprentissage passé les quarante-cinq premiers jours, consécutifs ou non, de formation pratique en entreprise, peut être résilié selon l’article L. 6222-18 du Code du travail « sur accord écrit signé des deux parties ».
- Le contrat de travail à durée déterminée selon l’article L. 1243-1 du Code du travail peut être rompu par accord des parties.
Toutefois, en cas de rupture amiable dans ces hypothèses, il ne saurait y avoir de garantie de l’assurance chômage pour le salarié !
Modifier unilatéralement un contrat de travail
Un contrat de travail ne peut être modifié qu'avec l'accord exprès du salarié, lequel ne peut résulter de son silence ou de la poursuite par lui du travail (Cass soc. 16 octobre 2019, pourvoi n° 17-18443)
Mettre en œuvre des licenciements économiques de façon prématurée
Il existe une définition du licenciement économique : constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail.
Ces mesures doivent être consécutives notamment à des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés (article L 1233-3 du Code du travail)
Toutefois, même s’il n’y a pas des difficultés économiques avérées au moment du licenciement, il y a peut-être des difficultés économiques prévisibles.
« Constitue un motif économique de licenciement, la réorganisation mise en œuvre pour prévenir des difficultés économiques à venir liées à des évolutions technologiques et leurs conséquences sur l’emploi, sans être subordonnée à l’existence de difficultés économiques à la date de licenciement ».
La réorganisation de l’entreprise afin de sauvegarder sa compétitivité est donc un motif de licenciement économique même si les difficultés ne sont pas encore concrétisées.
Pour établir le bien fondé d’un tel licenciement, il paraît cependant impératif que la menace pesant sur la compétitivité de l’entreprise, même si elle n’est pas imminente, ne soit pas simplement hypothétique (Cass soc. 11 janvier 2006 (arrêts Pages Jaunes)
Après avoir envisagé ce qu’il ne fallait pas faire, nous envisagerons la prochaine fois ce que l’on peut faire …
Source : batirama.com/ François Taquet