Dix huit organisations militantes pour la performance énergétique demandent au Premier ministre de revoir les points essentiels des réglementations thermiques en révision : RE 2020, DPE et label BBC.
Rappel des épisodes précédents. Début novembre dernier, l’administration est largement revenue sur les fondamentaux de la RE 2020 : abandon du Bepos, révision du contenu carbone de l’électricité et abaissement du coefficient de conversion de l’électricité – 2,3 au lieu de 2,58. Ce qui avait produit un débat, lancé notamment par Thierry Rieser sur le blog de la coopérative Enertech.
En décembre, les pouvoirs publics sont revenus sur le diagnostic de performance énergétique, qui, selon la loi Elan, deviendra opposable. En outre, les niveaux de référence s’exprimeraient en énergie finale et non en énergie primaire, et les bornes seraient modifiées en conséquence.
RE 2020 : NegaWatt monte au créneau
Très tôt, les associations et organisations professionnelles sont montées au créneau. En particulier, Olivier Sidler, ex-gérant du bureau d’études Enertech, co-fondateur de NegaWatt.
C’est aussi un expert connu pour ses interventions en formation (Dorémi, démarche de rénovation des maisons individuelles), ses rapports réguliers sur la performance énergétique des chantiers neufs et de rénovation, ainsi que ses travaux pour l’Ademe, a repris son bâton de pèlerin. « Tout est fait pour que, systématiquement, l’électricité soit adoptée en rénovation », constate-t-il.
Début d’année, il a plusieurs fois été reçu par les responsables administratifs du ministère de la Transition énergétique pour exposer les biais que peuvent comporter ces nouvelles mesures et l’inefficacité énergétique et économique qui en découleraient. Les entretiens polis où il dit avoir été écouté « avec intérêt » n’ont visiblement pas fait bouger les lignes.
Olivier Sidler a mis à profit le confinement pour poser ses arguments dans un modèle démonstratif et une note de 28 pages, datée du 9 avril, intitulée « Incidences des projets de réglementation thermique dans le bâtiment ». Tous ses interlocuteurs en ont reçu une copie.
"Non à la Mono-culture du grille-pain »
Les conclusions de ce document pointent tour à tout la « mono-culture du grille-pain », « la tromperie qui va s’opérer autour de l’étiquette énergie [qui] va maintenant autoriser deux logements de même volume d’énergie finale à être dans la même classe énergétique, bien que présentant des factures de chauffage, et c’est la nouveauté, pouvant être dans un rapport de 1 à 3 ».
Il pointe aussi un « abandon de fait des familles les plus démunies dans la lutte contre la précarité énergétique remplacée par la course aux « équivalents rénovations » beaucoup plus visibles politiquement ».
Olivier Sidler demande donc un « abandon de toutes les dispositions réglementaires envisagées ». Sans effet.
Un courrier adressé au Premier ministre
Deux mois plus tard, la démarche de technicien se transforme en opération plus concertée et politique. Ce 9 juin, un collectif de 18 associations et organisations* reprennent ce sujet dans un courrier adressé au Premier ministre, Edouard Philippe.
Ce texte traite six points : la distorsion du seuil du label BBC au profit de l’électricité ; la mise à l’écart de la distribution de confort par eau chaude ; la mise à l’écart du chauffage bois ; le risque d’augmentation de 10 GWe de la consommation d’électricité ; les écarts de coût de l’énergie entre « effet joule » et « combustibles » pour une même étiquette énergie ; une mise à l’écart de nombreuses passoires thermiques.
Pour Patrick Corbin, président de l’Association française du gaz (AFG) et signataire du courrier, les nouvelles mesures envisagées « ne permettent plus la liberté de choix de l’énergie », rajouttant que « l’électricité en pointe de consommation n’est pas décarbonée. »
Dans l'attente d'une nouvelle concertation sur les réglementations thermiques
Qu’attendent les porteurs de ce courrier ? Patrick Corbin souhaite « que l’on se remette autour d’une table et que l’on entame une nouvelle concertation », arguant que les données et les calculs ont été clairement développés.
Pour sa part, Olivier Sidler se dit « moyennement optimiste ». Le message est aussi disponible sur le site intenet « https://www.soutiens.online » dont la page consacrée à ce sujet se termine par un appel à signature. Ce 10 juin, on en comptait 80.
* Les signataires sont négaWatt, le Synasav, Uprigaz, l’AFG, l’AFL, l’AFPG, Amorce, le GFBP, le CIBE, le Cler, l’AFC, Coénove, Energies et Avenir, Enerplan, Flame, l’Iceb, Isolons la terre, Le Mur Manteau.
Source : batirama.com / Bernard Reinteau