Le Maître d??uvre n?ayant pas payé les factures des sous-traitants, ces derniers se retournent vers le maître d?ouvrage afin d?en obtenir le paiement. Peut-il être déclaré responsable ?
En 2015, la SARL M.J (le Maître d’ouvrage) a conclu cinq contrats de construction de maisons individuelles avec la SAS EM 14 (le Maître d’œuvre) qui a sous-traité les travaux d'électricité et de plomberies à deux sociétés (les sous-traitants).
En 2016, le Maître d’œuvre n’ayant pas payé les factures des sous-traitants, ces derniers se retournèrent vers le maître d’ouvrage afin d’en obtenir le paiement. L’affaire va en appel.
La Cour rappelle qu’en application de l'article 1383 devenu 1240 du code civil, le maître de l'ouvrage qui ne respecte pas ses obligations engage sa responsabilité envers le sous-traitant.
Or, aux termes de l'article 14-1 1er tiret de la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975 applicable aux contrats de travaux de bâtiment et de travaux publics, le maître de l'ouvrage doit, s'il a connaissance de la présence sur le chantier d'un sous-traitant, s’assurer que le maître d’œuvre a constitué une caution bancaire correspondant au montant du contrat de sous-traitance.
Caution bancaire par le Maître d’œuvre, du montant de la sous-traitance
À défaut, le maître d’ouvrage se substitue au maître d’œuvre dans son obligation de payer les factures du sous-traitant. Encore faut-il prouver que le maître d’ouvrage avait connaissance de la sous-traitance sur son chantier.
En l'espèce, les sous-traitantss n'ont pas fait l’objet d’une acceptation formelle par le maître d’ouvrage. Un faisceau d’indices va néanmoins permettre aux juges de considérer que le maître d’ouvrage ne pouvait pas ignorer la présence des sous-traitants sur son chantier.
Ainsi, un échange de messages électroniques intervenu le 29 octobre 2015 entre le maître d’ouvrage et un sous-traitant confirme que le maître de l'ouvrage connaissait sa présence sur le chantier.
Plus important, le maître d’ouvrage a fait réaliser par sa propre société des ouvrages nécessaires à la viabilisation du terrain, qui nécessitaient d’interagir avec les sous-traitants.
À défaut, le maître d’ouvrage doit acquitter les paiements… s’il savait !
Par conséquent, la Cour estime que le maître d’ouvrage avait nécessairement connaissance de la présence sur le chantier des sous-traitants.
Les sous-traitants rapportent donc la preuve que le maître de l'ouvrage avait connaissance de leur présence, et qu'il n'a pas satisfait aux prescriptions de l'article 14-1 de la loi de 1975.
Or, il lui appartenait de faire régulariser l'intervention des sous-traitants sur le chantier, d'interdire leur présence ou de prendre toute mesure coercitive à l'égard du maître d’œuvre, telle que l'arrêt des paiements, afin qu’il constitue la caution qui lui incombait par la loi.
Faute de l’avoir fait, le maître de l'ouvrage a commis une faute de nature à engager sa responsabilité et doit en conséquence être condamné à indemniser les sous-traitants de leur préjudice, à savoir : régler leurs factures impayées par le maître d’œuvre.
Source : Cour d'appel de Caen, 14 mai 2020
Source : batirama.com / Damien Aymard