Créé il y a 10 ans par Benoît Dulac, âgé de 47 ans, le groupe Les Eco-isolateurs connaît une croissance exceptionnelle. Une méthode éprouvée lui permet de se développer sur le marché de la rénovation globale.
La société spécialisée dans les travaux de rénovation globale et thermique s’est développée à la manière d’une start-up démultipliée. Elle compte 20 agences, 350 collaborateurs et réalise un chiffre d’affaires de 50 millions d’euros. Sa croissance exceptionnelle a d’ailleurs été distinguée par la presse économique (1).
La société Les Eco-isolateurs est à ce jour la principale entreprise de rénovation thermique en France. Elle s’apprête à recruter 100 collaborateurs et vise sur le prochain exercice un chiffre d’affaires de 100 millions d’euros (2021 – 2022). Un succès qui montre que le marché de la rénovation globale, encore opaque et peu exploité, existe bien… à condition de savoir s’y prendre.
Benoît Dulac est d’ailleurs à l’origine de la création d’une association « Ethique et Thermique » qui vient de voir le jour pour défendre les principes d’une rénovation énergétique de qualité et conforme aux attentes des clients (voir encadré).
Après avoir créé une agence pilote à Evreux il y a 10 ans, Benoît Dulac a fait le pari de développer le nombre d'agence les Eco-Isolateurs sur le territoire pour s'attaquer au marché de la rénovation globale en France. ©Maxime Schaal
Rénovation : le pari de l’approche globale
Qui est Benoît Dulac ? De formation HEC, il s’est rapidement intéressé au marché de la maintenance des chaudières, après avoir acheté une maison équipée d’une chaudière fioul. Il rachète alors 4 entreprises et passe de 15 à 200 personnes en 2 ans et demi.
Suite à l’ouverture du marché de l’énergie et à la politique de rachats par GDF de nombreuses entreprises de maintenance, Benoît Dulac revend ses sociétés fin 2008 et va s’intéresser à l’isolation avec un objectif « clivant » : faire de l’isolation globale.
Cette approche globale consiste à faire un diagnostic sur un bâti et à proposer des solutions spécifiques pour le remettre aux normes. Ce qui suppose de maîtriser un grand ensemble de lots techniques : enveloppe, combles, toiture, façade, fenêtre, ventilation… mais pas le chauffage.
Complexe, cette approche nécessite de former les nouvelles recrues car les savoir-faire sont rares. Une agence pilote est alors créée à Evreux et la société décide d’essaimer sur le territoire. Pour être à la pointe de ces savoir-faire, un centre de formation interne a été créée.
La société a créé un centre de formation interne afin d'enseigner les techniques et les savoir-faire du marché de la rénovation énergétique globale.
Création d’agences en propre
Le mode de développement choisi est celui de la création d’agences en propre. Le modèle de la franchise a été testé mais Benoît Dulac, un homme pressé, considère que la croissance aurait été trop lente et qu’il lui aurait fallu 20 ans avant de pouvoir réaliser ses objectifs, à savoir la couverture du territoire national.
En 2016, le choix de la création d’agences en propre est adopté, sur la base d’un modèle plus industrialisé grâce à un savoir-faire développé en interne. La société s’appuie sur trois piliers : les outils du marketing pour capter la demande des particuliers, un logiciel pour gérer l’entreprise (de type ERP) et le savoir-faire technique.
" Ce sont ces trois piliers qui ont permis à la société de lancer l’offre industrielle à bas coût" souligne Benoît Dulac. Le président compare le modèle éconmique de sa société à celui de la Dacia chez Renault, qui préconise une approche moins artisanale et plus organisée pour traiter la rénovation globale.
Le dispositif des aides à la rénovation en appui
En 2016, la société s’empare du dispositif des aides gouvernementales en créant, pour les clients en situation de précarité, des dossiers basés sur les primes et les subventions à la rénovation. D’où une croissance forte, le développement des 20 agences et le recrutement de 350 collaborateurs.
« On en revient à l’approche globale de manière industrialisée pour massifier les travaux de rénovation. Or, il est difficile de massifier et il faut y aller avec méthode » reprend le président de la société. Marché visé au départ et au cœur de métier de la société : celui des pavillons des années 50 à 80, rectilignes construits selon des schémas simples.
« Il y a 7 millions de passoires thermiques de ce type, soit 30 ans de travaux devant nous » indique le président de la société.
Comment la société procède-t-elle ? Nous ne faisons pas de démarchage téléphonique. Nos outils nous permettent d’apparaître dans le radar des personnes intéressées et nous qualifions la demande en envoyant un écotechnicien qui valide les travaux simples, ou un chargé d’affaires s’il s’agit d’un bouquet de travaux.
« Il y a 7 millions de "passoires thermiques" en France, soit 30 ans de travaux devant nous » indique le président de la société Les Eco-Isolateurs
40 % de CA réalisé avec des travaux de rénovation globale
La société a ainsi beaucoup traité l’isolation de combles et de sols, points faibles de ce type de pavillons, et donc le gros de son marché. Toutefois, elle parvient à réaliser 40 % de son CA en proposant des travaux de rénovation globale.
Elle vise par ailleurs les logements collectifs, des démarches plus complexes et plus longues (avec de multiples interlocuteurs) qui bénéficient cependant d’une prise de conscience forte des interlocuteurs.
Le coût des travaux pour un pavillon s’établit entre 25 000 et 40 000 euros en rénovation globale. Selon la typologie de client, le reste à charge est peu élevé, 2000 à 3000 euros pour 30 000 euros (10 %) selon le nouveau système de MaPrimeRenov’.
Vendre de la rénovation thermique, sans subvention, est-ce possible ? Beaucoup pensent que non et à juste titre. « Quand on pose la question aux Français, neuf personnes sur 10 se disent concernés par l’urgence climatique. Donc, la conscience d’un changement inéluctable existe, notamment en matière de rénovation thermique. Il reste à la financer car les travaux génèrent des coûts que la majorité des particuliers ne peuvent pas financer » explique Benoit Dulac.
Des dispositifs d’aide en attente d’efficacité et de performance
Ce constat est à l'origine de la politique du gouvernement qui a lancé tour à tour le CITE ou Crédit d’impôt sur la transition énergétique (qui a donné lieu à des dérives notamment en menuiseries) et qui a été remplacé par le dispositif MaPrimerenov’.
Cette prime doit être distribuée aux particuliers sous conditions de ressources après la réalisation des travaux. Le gouvernement vient toutefois d'annoncer qu'il avait changé son fusil d'épaule. Désormais, la prime sera en effet accessible en 2021 à l'ensemble des ménages, sans condition de ressources.
M. Dulac regrette cependant que la mise en œuvre pratique de MaprimeRenov qui doit se substituer au CITE, soit peu agile. De fait, alors que 200 000 opérations de rénovation devaient être lancées en 2020, seules 5 000 d’entre elles ont pu voir le jour. Et seulement 40 000 dossiers avaient été déposés fin juin. L’Anah a récemment décompté 60 000 dépôts de dossiers dans un communiqué datant de la mi-juillet.
De fait, la succession des dispositifs de rénovation énergétique, a eu des impacts : les délais se sont allongés et certaines entreprises spécialisées dans la rénovation se sont retrouvées en difficulté puisque les dossiers ont été bloqués, remarque Benoît Dulac
Un guichet unique avec un service public en région
Toutefois une prestation de service digitalisée commandée par les pouvoirs publics dans le cadre du nouveau dispositif devrait permettre d’apporter davantage d’efficacité. Benoît Dulac estime que le mécanisme de MaPrimeRenov’ est plus intelligent que celui du CITE. La prime est désormais basée sur le prix de vente d’une prestation bien définie (par exemple : 75 euros/ m2 pour une ITE) alors que le CITE reposait sur le calcul d’un plafond par adulte pour donner lieu à un crédit d’impôt.
Le système mis en place repose sur un guichet unique avec un service public en région. « Or, avec la croissance de ce marché, l’accompagnement de la rénovation énergétique par les services publics peut s’avérer inapproprié » juge Benoît Dulac. Le patron des Eco-isolateurs estime que le secteur privé serait plus réactif et investirait plus massivement que le service public confronté à des problèmes de budget et de recrutement.
100 collaborateurs à recruter chez les Eco-isolateurs
"Le métier d’isolateur n’existe pas et c’est notre difficulté", souligne Benoît Dulac qui poursuit : "Nous avons créé le terme « d’isolateur » car il s’agit d’un nouveau métier dont le savoir-faire n’existe pas non plus, et il faut l’enseigner. Nous recrutons donc des gens sérieux, parfois issus d’horizons différents, et nous les formons dans notre centre de formation. « En fait, tous nos services ont besoin de renfort, le marketing, le centre d’appel et de relations clients qui compte 25 personnes, sans oublier les « poseurs » qui sont les propres salariés de la société".
Objectif : une croissance de plus de 10 000 % sur les dernières années, mais le patron de l’entreprise sait « qu’il n’est pas raisonnable de continuer à croître à ce régime absolu ». La croissance a été ralentie de 50 % sur l’exercice en cours, poursuit-il tout en notant que la crise du Covid a également impacté le chiffre d'affaires de la société.
Toutefois, à partir du 11 mai, le groupe était en mesure d’assurer 70 à 80 % de ses chantiers et en juin, l’activité a repris à son rythme normal. Les nouvelles orientations du gouvernement désireux d’accélérer la transition écologique et rénover les bâtiments seront en tout cas décisifs pour l’ensemble des acteurs de ce marché prometteur.
(1) Les Echos
Une association pour défendre l’éthique et la thermique
Les Eco-isolateurs est à ce jour la principale entreprise de rénovation thermique en France. « Nous avons une vision et essayons de faire porter cet avis par la profession. Membre d’un syndicat professionnel, (la Capeb à laquelle il avait adhéré au début de son aventure entrepreneuriale), Benoît Dulac, veut porter l’éthique et les valeurs de sa profession, avec la création d’une association (qui regroupera les acteurs du marché, avec un système de cooptation reposant sur le respect de règles strictes).
Une commission de discipline sera d’ailleurs instituée afin de faire respecter les règles professionnelles et commerciales indispensables au succès d’une bonne rénovation énergétique. L’apparition de quelques sociétés peu scrupuleuses (les « margoulins de la rénovation ») souvent dénoncées par les associations de consommateurs ont en effet entaché la profession décidée à faire le ménage dans ses rangs.
Benoît Dulac remarque que de nouvelles escroqueries de particuliers crédules ont été mises à jour sur les métiers de l’ITE en façade. Les entreprises peu scrupuleuses financées avec des primes, ont posé du PSE en façade, laissé tel quel (sans enduit). Les syndicats de la profession se sont emparés du sujet et envisagent une action collective. De son côté, l’Anah a revu les règles de la prise en charge des travaux d’ITE, pour éviter les effets d’aubaine, avec une diminution du forfait jugée inappropriée par Benoît Dulac.
"Jusqu’à la mi-juillet, un grand précaire pouvait isoler 130m² de façades pour un montant d’environ 20k€ avec un reste à charge inférieur à 2000€. Aujourd’hui, son reste à charge est supérieur à 4000€ ! C’est beaucoup trop. Nous pensons que les pouvoirs publics feraient mieux d’augmenter les contrôles des chantiers afin de dissuader les éco-délinquants, plutôt que de raboter les subventions ce qui pénalise les foyers modestes" termine Benoît Dulac |
Source : batirama.com / Fabienne Leroy