Malgré un contexte sanitaire tendu, les 3e Rencontres Woodrise, à Bordeaux et en Nouvelle Aquitaine, seront l?occasion de dépasser la polémique déclenchée par le nouveau maire de Bordeaux autour du sapin de noël.
Légende photo : La tour Hypérion avant l’accrochage des balcons, attraction bien en phase avec le thème initial de Woodrise.© Alban Gilbert
Comme le rappelle la présidente de Woodrise, Béatrice Gendreau, les Rencontres Woodrise avaient initialement pour but de maintenir un lien entre un congrès biennal censé revenir à Bordeaux tous les six ans, après une première édition en fanfare en septembre 2017.
Le thème du congrès est en principe la construction bois ou mixte de moyenne hauteur. Les Rencontres, qui s’adressent plutôt au grand public, ne sont pas centrées sur cette problématique technique, mais plutôt sur l’ambition de donner envie de vivre dans un environnement constructif en bois.
NA champion du bois
Tandis que s’essoufflaient un peu partout les salons régionaux dédiés à la construction bois qui avaient eux-mêmes pris le relais du salon Maison Bois d’Angers, les Rencontres ont créé un modèle de manifestation ouvertes et souvent ludiques qui a séduit non seulement la ville de Bordeaux, mais aussi la région et d’autres régions françaises comme la Bourgogne Franche Comté.
Selon Patrick Molinié, inventeur du congrès Woodrise et aux commandes de l’archipel Woodrise au sein de FCBA, la région BFC a renoncé cette année à une déclinaison Rencontres chez elle pour cause de Covid.
En Nouvelle Aquitaine, l’incidence de la pandémie a longtemps été bien plus faible. Et l’enthousiasme pour la promotion de la construction bois conforté par l’année charnière 2020, l’arrivée du Limousin contrebalançant l’hégémonie landaise en matière de bois.
S’ajoutent les résultats de l’excellente enquête biennale sur la construction bois en France pour 2018 : comme le rappelle Bruno Latour, président de l’interprofession Fibois Landes de Gascogne (co-organisateur des Rencontres avec FCBA), la Nouvelle Aquitaine excelle dans le domaine du logement collectif en bois avec une part de marché de 11,3% contre 4,3% en moyenne en France.
Cela correspond, pour la région NA, à quelque 2000 logements par an, et le bailleur Aquitanis doit y être pour quelque chose. Aquitanis pionnier français du logement social en bois il y a déjà une dizaine d’années, sous l’impulsion de son directeur général Bernard Louis Blanc, à présent propulsé adjoint à l’urbanisme résilient au sein de la nouvelle équipe municipale écologiste.
Marina des Talaris, les Pêcheries, à Lacanau : l’origine de la construction bois régionale, et un terrain d’opérations de rénovation. © courtesy Jacques Heim
Le Bordeaux Vert sort du bois
Etonnamment, l’équipe Woodrise n’a pas encore rencontré la nouvelle équipe municipale, tant sa programmation se situe dans le prolongement de la municipalité précédente, sans pourtant sembler en contradiction.
La polémique déclenchée naguère au détour de la présentation de 30 mesures par le nouveau maire de Bordeaux, Pierre Hurmic, a d’abord fait dresser l’oreille à une filière bois qui redoute chez les écologistes urbains un impact du syndrome Wohleben, ce sylviculteur allemand auteur d’un bestseller mondial qui projette une forme d’humanité sur la forêt et ses arbres.
Si le sapin de Noël est évoqué comme un arbre mort au détour d’une phrase par Pierre Hurmic – en fait par différence avec les arbres vivants qu’il s’agit de planter sur la même place avant l’hiver – qu’en sera-t-il de la construction bois, va-t-on se mettre à la stigmatiser comme équarissage ?
Bernard Louis Blanc ne s’y retrouverait pas, lui qui annonce de fait « la révision du PLUi sur les cinq prochaines années » pour aller vers un « bio PLU », « de nouvelles règles plus éco-responsables sur l’imperméabilisation des sols, la végétalisation par îlot, un système constructif favorisant bois et brique, et un label « Bâtiment frugal bordelais » autour « d’une dizaine de projets démonstrateurs ».
La maison de l’architecture est associée aux Rencontres Woodrise. © Arthur Pequin pour le 308-Maison de l'Architecture
Villa Médicis et Proto-Habitat
Au sein des 3e Rencontres Woodrise, le 6 octobre, la rencontre du nouveau maire se fera à l’occasion de l’exposition d’un Proto-habitat en bois imaginé par deux « Prix de Rome ». Il s’agit d’une unité d’habitation modulaire et démontable conçue essentiellement avec du bois de la région et assemblé également en région, dans le Lot-et-Garonne (sans doute chez Ami Bois, dont le patron Frédéric Carteret cumule les fonctions de nouveau président de l’UICB et de président du comité d’orientation de Woodrise).
Le Proto-Habitat n’est sans doute pas un fantasme modulaire en bois de plus : le tandem Frédérique Barchelard (architecte) et Flavien Menu fait partie de l’élite de la relève conceptuelle française, ce que trahissait, avant le privilège du séjour à la Villa Médicis de Rome, un ancrage auprès de prestigieuses institutions de formation britanniques…
Pour la présidente de Woodrise, il s’agit peut-être là d’un modèle pour améliorer le logement des saisonniers qui de fait ne sont pas hébergés à la Villa Médicis... La problématique des équipements sanitaires d’urgence en bois, lancée en mars dernier, semble déjà loin, et pourtant…
Maquette de l’habitation Proto-Habitat développée par Frédérique Barchelard et Flavien Menu et exposée pendant les Rencontres. © Frédérique Barchelard et Flavien Menu
Woodrise et Covid
Ces 3e Rencontres risquent de donner des sueurs froides aux organisateurs. Le 14 septembre, la Gironde a annoncé un renforcement des mesures sanitaires, notamment en ce qui concerne les événements, rassemblements et manifestations sur la voie publique ou dans un lieu ouvert au public.
Les mesures prévoient un abaissement de la jauge de 5000 à 1000 personnes pour les événements et réunions sur la voie publique ou dans un lieu ouvert au public ; les événements de typer fêtes foraines, brocantes et fêtes des voisins ne seront pas autorisés ; les manifestations sociales seront interdites seulement si elles ne respectent pas un protocole sanitaire strict ; les Journées européennes du patrimoine, qui devaient se tenir les 19 et 20 septembre, seront annulées pour Bordeaux et la métropole.
Pour l’heure, les organisateurs se consolent par la dimension non spécifiquement girondine qu’a pris l’événement, relayé dans d’autres villes de la région comme Limoges ou La Rochelle, le bassin d’Arcachon, les Landes. De fait, le symbole des Rencontres précédentes, ce fameux Tram qui prend le temps des Rencontres les couleurs de la construction bois, se mue à présent en TER bois. La SNCF est le nouveau partenaire de l’événement.
Préfabrication de la charpente de toiture de Proto-Habitat, qui dévoile déjà toute l’originalité de l’approche.©Frédérique Barchelard et Flavien Menu
Cap sur Kyoto
Du 15 au 19 octobre 2021 à Kyoto au Japon, la 3e édition du congrès Woodrise, qui attend plus de mille participants, ne sera sans doute pas confrontée à des jauges sanitaires.
Quant à la rencontre du réseau Woodrise Alliance programmée en principe le 5 octobre à Bordeaux dans le cadre des Rencontres, en mode présentiel, il devrait basculer vers une rencontre virtuelle.
Source : batirama.com/ Jonas Tophoven