Une mousse minérale et les aérogels de silice permettent de fabriquer de nouvelles matières isolantes pour le calorifugeage des canalisations, plus efficace et plus durables.
L’isolation thermique des canalisations de chauffage et de distribution d’eau chaude sanitaire devient de plus en plus populaire. Cela vient du fait que les pertes d’une boucle de distribution d’ECS mal isolée peuvent dépasser 50% de la quantité d’énergie consommée pour la production d’ECS et sa distribution.
Mais, il faut bien avouer que le regain d’intérêt pour l’isolation thermique des canalisations est aussi poussé par les CEE calculés selon les fiches standardisées BAR-TH-160 en logement collectif et BAT-TH-146 en tertiaire.
Des déperditions d’énergie considérables
Le forum Infoénergie https://www.infoenergie.eu/, consacré aux énergies renouvelables et aux économies d’énergie, fournit un exemple de calcul. Dans un bâtiment existant de 66 appartements, six niveaux avec 11 logements par étage, on trouve le plus souvent deux colonnes montantes d’eau chaude par appartement : l’une pour la cuisine, l’autre pour la salle de bains.
Les colonnes salles de bains sont en diamètre 50 mm (0,157 m²/ml), celles des cuisines plutôt en 25 mm (0,08 m²/ml). Pour chaque colonne, un petit bouclage en diamètre 15 mm (0,047 m²/ml) maintient la boucle en température.
Avec 25 cm d’épaisseur de dalle et 2,5 m de hauteur sous plafond, chaque colonne mesure 16,8 m de hauteur. Toutes colonnes et bouclage confondus, la surface des canalisations pour la distribution d’ECS atteint 61 m². Avec un coefficient de déperdition thermique proche de 10 W/m².K, cela représente une puissance de déperdition de 21 350 W avec de l’eau chaude à 55°C et une température moyenne des appartements de 20°C.
Ce qui se traduit par une consommation annuelle d’énergie de 175 000 kWh pour la seule distribution d’ECS bouclée. Avec une consommation annuelle de 1500 m3 d’eau chaude, la production d’eau chaude, de son côté, ne consomme que 78 000 kWh
CEE : trois fiches standardisées
Dans un précédent article, Hellio, un agrégateur de CEE, explique comment il parvient à financer l’isolation thermique des réseaux collectifs de chauffage et d’eau chaude chez Troyes Habitat à l’aide des CEE de la fiche BAR-TH-160. Le calorifugeage des réseaux est également tout à fait rentable en tertiaire, notamment en hôtellerie, grâce à la fiche standardisée BAT-TH-146.
Le cas de l’industrie est un peu plus tordu. La fiche IND-UT-131 : Isolation thermique des parois planes ou cylindriques sur des installations industrielles (France métropolitaine) doit être comprise comme portant aussi sur l’isolation thermique des canalisations. Si le financement du calorifugeage en logement collectif et en tertiaire ne porte que sur les réseaux d’eau chaude et de chauffage, en industrie, cela concerne les fluides à des températures comprises entre -60 et 0°C, d’une part, entre 40 et 600°C, d’autre part.
Les performances requises pour ces différents usages en collectif, tertiaire et industrie sont très différentes. Mais l’efficacité thermique et la fiabilité dans le temps dans des conditions d’exploitation qui peuvent être très stressantes, notamment en industrie, figurent au premier plan des vertus recherchées par les Maîtres d’ouvrage. Deux entreprises arrivent sur ce marché avec de nouveaux matériaux d’isolation et proposent des produits avec des performances inédites.
Ipsiisa été créée en 2014 et depuis développe un isolant thermique et anti-feu à base de mousse minérale. ©IPSIIS
IPSIIS et sa mousse minérale à la fois isolant thermique et anti-feu
La première entreprise, rencontrée lors du Meet-Up Greentech les 5 et 6 octobre derniers par le ministère de la Transition écologique, est la start-up IPSIIS, installée à Moissy Cramayel en Seine et Marne. Depuis 2014, IPSIIS travaille sur la valorisation des déchets matériaux minéraux dans une perspective écologique à travers la conception d'une mousse isolante incombustible à faible contenu énergétique. Disposant aujourd'hui d'un matériau unique qui a fait ses preuves et a reçu de nombreux prix, Ipsiis investit dans un centre de production industrielle.
Ipsiis sélectionne des poudres minérales produites de manière contrôlée pour des besoins de traçabilité ou bien issues du recyclage des déchets du bâtiment, des travaux publics ou de l’industrie. Ce sont, par exemple, des boues d’argiles, produites lors de creusement de tunnels, des fines de pierres calcaires issues de carrières, des fines de briques, d'ardoise ou encore de cendres silico-alumineuses.
La contrainte principale est que la poudre minérale affiche une granulométrie < 100 μm. L’entreprise ajoute à ces poudres des agents de cémentation et agents de cohésion, biosourcés, et les mélange avec de l'eau pour former un slurry ou barbotine en français délicat. Cette barbotine est ensuite travaillée par une machine de foisonnement, fabriquée initialement pour l'industrie agroalimentaire.
De l'air est ajouté à la matière afin de donner une mousse qui peut être soit projetée à faible pression par flocage, soit simplement déposée ou encore moulée, par exemple en forme de demi-coquilles pour l’isolation thermique soit de canalisations, soit de points singuliers, types vannes d’arrêt, coudes ou vannes d’équilibrage. La mousse ainsi obtenue dont la structure est poreuse, donc perspirante, est déshydratée soit à température ambiante, soit dans des séchoirs à 40°C. ©Ipsiis
La mousse Ipsiis offre des caractéristiques tout à fait inhabituelles. Sa densité de 200 à 300 kg/m3 rend les produits fabriqués avec cette matière manipulable à la main. C’est un matériau réfractaire, capable de résister à des températures de 1300°C en industrie, avec des valeurs λ = 0,14 mW/mK à 200°C et 0,25 mW/mK à 1000°C.
Non seulement cette mousse ne brûle pas, mais contrairement au béton ou à la laine de roche, elle ne se déstructure pas à très haute température ce qui permet de protéger les matériaux plus sensibles auxquels elle est adossée, par exemple lors d'un feu de tunnel.
Outre ses vertus thermiques, la mousse crue d’Ipsiis contient encore une fraction d'eau liée, qui lui confère des propriétés endothermiques et permet d'absorber d'éventuels chocs thermiques dans une fonction coupe-feu. Pour une application d’isolation thermique en bâtiment ou en industrie, la mousse est virtuellement indestructible dans le temps.
Au mois d’octobre, I'entreprise a réalisé une augmentation de capital de 2,5 millions d’euros et annoncé la création d’un centre de production en Belgique.
PIB Isolation propose des longueurs de tubes de diverses matières et diamètres, pré-isolées à l’aide d’un matelas souple composé de fibres de verre et d’aérogel de silice. ©PIB Isolation
PIB Isolation utilise l’aérogel de silice
La seconde entreprise est PIB Isolation , installée à Morlaix. PIB Isolation utilise les matelas flexibles, contenant de l’aérogel de silice amorphe MatSA pour préfabriquer des canalisations pré-isolées, prêtes à être posées et raccordées.
L’aérogel de silice est un matériau connu. Mais l’offre de PIB Isolation, consacrée au calorifugeage des canalisations est une première en France. Le λ du matelas aérogel MatSA est de 0,021 W/mK à 25°C. Il résiste à des températures de -50 à + 600°C. Ce qui couvre l’ensemble de plages de températures décrites dans les trois fiches standardisées ci-dessus. Ces matelas offrent une excellente hydrophobie (<1%) et un classement au feu A2 s1 d0, ce qui correspond à M0 dans l’ancien système français. Le vieillissement de l’aérogel de silice est proche de celui du verre.
Les matelas MatSA se composent de fibres de verre chargées d’aérogel de silice. Ce qui les rend infiniment recyclables, comme le verre. PIB Isolation recommande ce matériau pour l’isolation des canalisations – intérieures, extérieures ou même enterrées – en bâtiment, en industrie et en chauffage urbain.
Les matelas MatSA sont compatibles avec les classes d’isolation thermiques 1 à 6 de la norme EN 128208, certificat du CSTB à l’appui. PIB Isolation commercialise à la fois les matelas MatSA et plusieurs gammes de tubes préfabriqués. Il s’agit soit de tubes fournis par une entreprise de pose pour un chantier précis, dont PIB Isolation assure l’isolation thermique, avant de les livrer sur le chantier, soit de barres de différentes matières et de longueurs standardisées.
Les gammes proposées par PIB Isolation, pour la distribution de chauffage, d’eau glacée ou d’eau chaude sanitaire, affichent des résistances thermiques de 2 à 10 mK/W. La gamme 2in Toob, par exemple, propose des tubes multicouches ou en PE, avec des Ø extérieurs du DN16 au DN50. Ce qui correspond à des Ø intérieurs de 12 à 40 mm. Le tube 2in Toob DN16 avec une siolation en MatSA de 15 mm d’épaisseur, atteint un Ø extérieur total de 47 mm, une résistance thermique globale de 9,19 et la classe 6 selon EN 128208. ©PIB Isolation
La gamme DouarToob – PE est conçue pour les réseaux enterrés. Ce sont tubes PE du DN25 au DN75, principalement en Classes 5 ou 6, avec des résistances thermiques totales allant jusqu’à 8,43. La gamme TwinToob-inox, par sa part, est destinée au raccordement entre une source de chaleur primaire extérieure – panneaux solaires thermiques, pompe à chaleur, etc. – et le réseau secondaire intérieur. Ce sont des longueurs de 2 tubes en acier inoxydable 316L annelés et jumelés, du DN 10 au DN32.
Cette solution d’isolation thermique est plus chère que la laine de roche habituellement utilisée, mais à résistance thermique égale, elle est nettement plus mince, plus durable et plus confortable. Dans le cas d’une distribution d’eau chaude sanitaire non-bouclée, par exemple, une isolation aérogel avec R = 5 signifie que durant une heure et demie sans puisage, l’eau des canalisations demeure à une température suffisante pour une utilisation immédiate.
Plus les réseaux sont vieillissants, plus une rénovation avec des tubes pré-isolés par PIB Isolation devient rentable. En construction neuve, pour toutes les installations où chauffage et production d’eau chaude sont assurés par des satellites d’appartement, tous alimentés par un réseau unique à 65°C ou davantage, l’emploi de canalisations pré-isolées par PIB Isolation est particulièrement rentable : encombrement minimal et pertes thermiques très fortement réduites.
Source : batirama.com / Pascal Poggi