Christian Moricet, fondateur de Moricet Carrelage & Revêtements de sol à Guérande (44) vient d?être élu à la tête de l?UNECP-FFB*. Il parle d'un métier passionnant sans oublier les sujets épineux?
« L’attractivité de nos métiers va être essentielle au cours de mon mandat »
Batirama : Le 5 novembre dernier, vous avez été élu président de l’UNECP-FFB, dans un contexte un peu particulier…
Christian Moricet : L’an passé, j’ai repris le mandat en cours de Maryse De Stefano. C’est tout naturellement que les administrateurs m’ont confié un nouveau mandat de trois ans pour poursuivre cette mission avec un grand enthousiasme. Mon objectif est de finaliser les actions initiées, et d’assurer leur continuité après ma présidence grâce à une équipe déjà constituée.
Confinement oblige, cette élection a eu lieu par visioconférence pendant notre assemblée générale qui aurait dû se dérouler au CFA de Brétigny-sur-Orge (91), la veille de la Journée des carreleurs. Cet événement est primordial et le fait de l’organiser dans un CFA n’est pas anodin. Aujourd’hui, bon nombre de jeunes qui sortent d’apprentissage quittent le bâtiment dans les cinq années qui suivent. Il faut absolument les garder et en attirer davantage vers nos métiers.
C’est une de vos ambitions pour ce mandat ?
C.M. : D’abord, il faut saluer le travail accompli par mes prédécesseurs. De nombreux travaux déjà engagés doivent être finalisés, que ce soit pour nos métiers de carreleur, de chapiste ou d’applicateur de mousse polyuréthanne projetée.
Dans UNECP, il y a un mot qui est union. En ces temps particuliers, il faut la conserver, la renforcer, partager nos expériences afin que cette union soit un vrai moteur pour la défense et la promotion de nos métiers. Les jeunes sont au cœur de nos enjeux, il reste beaucoup à faire en matière d’attractivité. Ce sujet important et ambitieux va être essentiel au cours de ce mandat.
Comment comptez-vous traduire cette volonté ?
C. M. : La commission Formation-Excellence de l’Union travaille sur un plan d’actions visant à renforcer la promotion et la technicité de nos métiers. Nos professionnels sont particulièrement investis dans l’organisation du concours des MOF et nous apportons notre aide pour les Olympiades des métiers.
De plus, la Journée des carreleurs reste un évènement majeur de notre union. C’est une occasion unique d’échanges entre les professionnels, les apprentis et les industriels. Grâce aux ateliers techniques animés par nos partenaires, les apprentis découvrent des choses nouvelles et valorisantes. Confinement obligeant, l’édition 2020 a été reportée au printemps 2021 au CFA de Brétigny-sur-Orge (91).
La sinistralité touche particulièrement la profession. Sur quels leviers allez-vous agir ?
C. M. : Trop souvent associée à nos métiers, elle n’est pas valorisante. La sécurisation de nos ouvrages est une priorité. Plusieurs textes de l’art évoluent dans ce sens : le NF DTU 52.1 « Revêtements de sols scellés » révisé a été publié en février 2020, le NF DTU 52.2 relatif à la pose collée de revêtements céramiques et assimilés - Pierre Naturelle » est en cours de révision. Des règles professionnelles pour la pose de carreaux de grands formats vont être finalisées. L’évolution des ouvrages à base de chapes fluides s’inscrit dans la même démarche.
L’Union continuera d’aller à la rencontre des entreprises en département pour les informer des évolutions techniques et rappeler les bonnes pratiques. Nous éditerons de nouveaux guides et fiches pratiques pour nos professionnels. Au niveau de l’assurance de nos entreprises, des améliorations sont aussi nécessaires.
Comment mener ces améliorations ?
C. M. : L’évolution des textes de règles de l’art et l’appropriation des bonnes pratiques visent à réaliser des ouvrages de qualité et à réduire les désordres. Si la sinistralité baisse, les primes d’assurance ne devraient plus augmenter. Côté assureurs, nous pensons qu’il est important d’améliorer les expertises afin de mieux identifier la source des sinistres. Un groupe de travail dédié a été créé au sein de l’UNECP-FFB et des échanges sont prévus avec les assureurs.
Idem pour le métier de projeteur en mousse polyuréthanne ?
C. M. : Développée en France, il y a à peine 15 ans, cette technique nouvelle d’isolation a besoin de spécialistes formés. Nous développons donc un nouveau Certificat de qualification professionnelle (CQP) qui sera prêt en 2021. Ce métier doit être structuré et demande de sécuriser la santé des applicateurs car ce sont des produits particuliers.
Par ailleurs, il est indispensable de travailler sur le recyclage des déchets générés par la mousse de polyuréthane projetée, - des travaux sont en cours depuis 2019 -, et d’anticiper les contraintes futures de déconstruction des bâtiments et de recyclage des matériaux. Le Groupement des techniques de la mousse de polyuréthane projetée (GTMPP) travaille en étroite collaboration avec l’UNECP-FFB afin d’avancer sur ces différents sujets essentiels pour l’avenir de ce métier.
Quels sont les enjeux pour le métier de chapiste ?
C. M. : La Commission chape, créée en 2020, œuvre pour la transition des chapes fluides vers le domaine traditionnel A terme, les Avis techniques des chapes fluides disparaîtront au profit de règles professionnelles pour la mise en oeuvre et d’une certification de produits. L’enjeu est majeur. Il faut faire monter les chapistes en compétence grâce à la mise en place d’une formation reconnue.
Cette formation est en cours de création et valorisera les compétences des applicateurs. La chape fluide se développe depuis environ 30 ans en France, elle est appréciée des professionnels car elle apporte un meilleur confort de travail et une meilleure maîtrise de la qualité des ouvrages. C’est aussi un axe majeur pour développer le métier et le rendre plus attractif vis-à-vis des jeunes. Au même titre que l’innovation et la valorisation professionnelle apportées par les carreaux grands formats.
Pourtant, le poids important des carreaux grands formats ne va pas dans le sens de la réduction de la pénibilité sur les chantiers ?
C. M. : Bien sûr pour manipuler les carreaux de très grands formats, il faut être deux. Le confort de travail passe par l’utilisation des matériels conçus pour faciliter leur mise en œuvre ainsi que leur manipulation.
Nous alertons sans cesse les fabricants sur la nécessité d’anticiper la problématique de manutention lors du développement de ces carreaux. Souvenons-nous qu’il avait fallu batailler pour que les sacs de mortier-colle soient moins lourds ! De plus, ce nouveau marché est primordial. Il est la démonstration que notre profession évolue et notre savoir-faire aussi.
Le marché pousse aux carreaux pouvant atteindre par exemple 300 x 120 cm, la révision du NF DTU 52.2 va-t-elle intégrer ces formats XXL ?
C. M. : Ce sont plutôt les règles professionnelles qui vont s’appliquer aux carreaux de grandes dimensions en pose murale. Elles sont en processus de validation par la Commission Prévention Produits (C2P) et devraient être publiées début 2021. Un nouveau guide pratique illustrant ces nouvelles Règles Professionnelles sera édité par l’UNECP-FFB dans la foulée.
Quelles sont les conséquences de la crise sanitaire pour les entreprises représentées au sein de l'UNECP-FFB ?
C. M. : Dès le mois de mars, lors du premier confinement, nous avons été une des premières unions de la FFB à mettre en place des fiches pratiques afin d’aider nos entreprises à s’approprier le protocole sanitaire. Elles ont tout de suite été adoptées par nos professionnels, et nous ne pouvons que nous en féliciter.
Cette adaptation très rapide nous a permis de reprendre notre activité sur les petits chantiers. Le redémarrage a été plus difficile pour ceux de taille importante. Le deuxième confinement n’impacte pas particulièrement nos entreprises car les gestes barrières essentiels pour assurer les chantiers sont appliqués. Et, les entreprises ont du travail !
En raison des retards pris sur les permis de construire, consécutifs aux dernières élections municipales, la mise en chantier de logements neufs tarde à se concrétiser et peut devenir problématique pour notre activité future si rien n’est fait. Mais la rénovation se porte bien, avec des marchés qui sont toujours soutenus pour nos entreprises comme celui de la mise en accessibilité des logements.
Justement quelle est votre position par rapport à l’arrêté du 11 septembre dernier qui modifie celui du 24 décembre 2015 relatif à l’accessibilité des personnes handicapées dans tous les logements neufs, en imposant la mise en œuvre de douches à l’italienne zéro ressaut en 2021 ?
C. M. : Il a été publié sans l’accord des différentes parties prenantes, notamment les professionnels du bâtiment. Par le biais de la FFB, nous avons demandé son report. Nous devons d’abord trouver des solutions viables d’un point de vue technique et économique.
Pour réaliser une douche à l’italienne sans ressaut, il faut intégrer un siphon de sol vertical dans une chape d’au moins 10 cm. Or la hauteur des planchers ainsi augmentée alourdit les structures, accroit la hauteur des bâtiments… On ne va pas dans le sens d’une construction à coûts maîtrisés. C’est un sujet qui sera traité par un groupe de travail constitué des unions de métiers de la FFB, dont la nôtre.
En revanche, cette mise en accessibilité des logements pour les personnes à mobilité réduite reste porteuse en rénovation…
C. M. : Face au vieillissement de la population, ces travaux sont réguliers. Et les plus petites entreprises sont directement concernées. Ce type de travaux fait partie du volume nécessaire et qui se maintient de manière générale. Il suffit de regarder le nombre de maçons qui ont des démarrages de chantier jusqu’à un an.
Hormis, les quelques entreprises qui ont dû avoir recours au Prêt garanti par l’Etat (PGE) qu’il faudra rembourser un jour, dans un avenir immédiat et au moins jusque mi-2021, le niveau d’activité de nos entreprises devrait être stable. Il est difficile de se projeter plus loin. Nous rattrapons les retards de chantier, même si en parallèle nous observons des décalages de planning des nouveaux chantiers.
Même avec le confinement acte II ?
C. M. : Grâce à la mise en place des mesures barrières dès le printemps dernier, il a été anticipé. De plus, parce que ce nouveau confinement n’est pas total, il n’y a pas de rupture de matériaux et nos compagnons sont présents.
D’ailleurs, comme d’autres entreprises du bâtiment, ce ne sont pas les chantiers qui manquent, mais plutôt la main d’œuvre qui nous fait défaut. C’est aussi la raison pour laquelle il est impératif de relancer l’apprentissage, d’améliorer le confort de travail sur les chantiers, et de valoriser les nouvelles techniques pour attirer les jeunes vers nos métiers.
Vous venez de transmettre votre entreprise à votre associé Emmanuel Dupuis, un passage de relais anticipé et préparé de longue date. Que retenez-vous de vos quatre décennies en tant qu’entrepreneur et carreleur ?
C. M. : En accompagnant Emmanuel Dupuis, présent dans l’entreprise dès 2000, cette transmission me permet, aujourd’hui d’être encore plus présent dans la technique et de fait, d’apporter une disponibilité constructive pour l’UNECP-FFB. L’esprit d’innovation m’a toujours animé. Même lorsque j’ai acheté mon premier ordinateur et mon premier fax.
Si j’ai démarré en tant que carreleur en 1978, au fil des années, l’activité de l’entreprise s’est diversifiée vers le sol souple, le parquet, la chape fluide dans les années 1990, puis, l’application de mousse polyuréthane projetée il y a 10 ans. Ma plus grande satisfaction et ma fierté d’entrepreneur est d’avoir réussi à transmettre en formant de nombreux apprentis qui sont devenus des piliers de mon entreprise ou d’autres, et qui forment à leur tour des compagnons.
* UNECP-FFB : Union nationale des entrepreneurs, carreleurs, chapistes, projeteurs de polyuréthane, membre de la Fédération française du bâtiment.
Source : batirama.com/ Stéphanie Lacaze Haertelmeyer