L’industrie du bois unifiée prête à mener la bataille de la RE 2020

Après des années de restructuration, les composantes institutionnelles de l?industrie française du bois se sont dotées d?une structure unifiée qui leur permet de mener actuellement la bataille de la RE2020.

Photo : Juste livrés par l’entreprise qu’a fondée et dirige Frédéric Carteret, les 400 cottages du Center Parcs Lande de Gascogne sont la première implantation de Center Parcs dans le Sud de la France© MMC Groupe

 

Il y a dix ans, le gouvernement et la filière bois établissaient un plan de route qui visait à porter la part de marché de la construction bois à 20% en 2020. On était alors dans l’euphorie du Grenelle de l’Environnement, du label BBC et de la préparation de la RT2012 censée accélérer une évolution en profondeur de la construction vers une approche biosourcée.

 

A la clé, un décret signé en 2010 visant à imposer une part minimale de bois dans tous les projets de construction. Dix ans plus tard, la part de marché du bois dans la construction de logements tourne autour de 6%.

 

Le décret de 2010 a été suspendu par le conseil d’Etat et avec lui tous les minima de bois préexistants. La rénovation énergétique n’a pas décollé, la construction bois a traversé une grave crise. Le chemin logique menant à la systématisation de bâtiments à énergie positive en 2020, en passant par une étape intermédiaire passive, n’a pas été entamé.

 

Qui blâmer ? Une interprétation pragmatique serait de dire que la filière française de construction bois n’était tout simplement pas prête. « Notre filière est très jeune », tempère Frédéric Carteret, le patron du constructeur de maisons toulousain AMI Bois : « Suite à l’abandon stratégique de la filière bois par Saint Gobain en 1993, il a fallu partir de zéro et en 2000, notre part de marché était insignifiante ».

 

 

 

La charpente du Grand Palais Ephémère, juste achevée au Champ de Mars à Paris, illustre le potentiel du lamellé-collé et des lamellistes qui sont une composante de l’industrie du bois et de l’UICB.©Patrick Tourneboeuf / Tendance floue

 

2020 n’est pas 2010

 

Arrive à présent la RE2020, avec des seuils émissifs progressifs qui doivent faire en sorte, dans la pratique, que « la construction bois deviendra la norme pour la maison individuelle et sera très couramment utilisée pour la structure des logements collectifs ».

 

Compte tenu de ce qui s’est passé en pratique durant la décennie précédente, il y a de quoi rester dubitatif, même si, c’est le moins qu’on puisse dire, le changement climatique n’attend pas. Ni d’ailleurs l’Accord de Paris, dont les générations montantes ne comprennent pas qu’il ait été signé et ne soit pas appliqué, notamment en France, alors que même le respect de cet accord ne nous met pas à l’abri de cataclysmes.

 

A première vue, les mêmes causes produisent les mêmes effets et on peut se donner rendez-vous en 2030 pour constater que le bois n’y aura pas remplacé le béton comme matériau de référence, que la commune de Grande-Synthe disparaisse sous l’eau ou non.

 

Entre 2010 et 2020, notons la longue et pénible restructuration institutionnelle engagée au sein de la filière bois, et qui se manifeste au sein de l’industrie française du bois autour de l’UICB, Union des Industriels de la Construction Bois.

 

 

Frédéric Carteret a piloté la fusion d’Afcobois au sein de l’UICB dont il est désormais le président.© MMC Groupe

 

L’échec du Plan Climat ne profite à personne

 

Lorsque l’arrêté de 2010 a été annulé par le Conseil d’Etat, la filière bois a laissé entendre qu’elle ne comptait pas en fait sur ces minimas que l’Etat lui avait accordé, et miserait plutôt sur ses forces propres pour développer ses parts de marché. C’était tout à la fois un geste noble et un aveu d’impuissance.

 

De fait, après une crise autour de 2015, la construction bois française renoue actuellement avec le niveau d’activité de 2011, sans minimas. En d’autres termes, le béton a gagné en France, au même titre que la production de béton a explosé dans le monde, où aujourd’hui, la Chine produit à elle seule autant de béton par an que le monde entier en 2006.

 

Parallèlement, pour de multiples raisons, les émissions de gaz à effet de serre ont encore progressé de 40% et les feux de forêt ou de tourbière, la fonte de la banquise et le dégel du Permafrost font craindre un emballement qui fait que tout arrive déjà trop tard.

 

 

Dominique Cottineau vient de Promotelec. Il connaît bien le monde du Bâtiment et ses enjeux, ainsi que, tout particulièrement, les enjeux énergétiques. Pour lui, la prise en compte par le recours au bois des enjeux émissifs se place dans le droit fil des préoccupation environnementales.©MMC Groupe

 

Une longue et lente restructuration de la filière bois

 

La résignation de la filière bois quant à l’abandon des minimas reflétait aussi, à l’époque, son incapacité à croiser le fer. A la tête de FIBC, Dominique Millereux avait inlassablement créé des syndicats sectoriels afin de constituer un pôle cohérent.

 

Mais l’indigence de ses moyens l’avait conduit à privilégier un travail normatif de fond plutôt que de mener des affrontements médiatiques pour lesquels, issu lui-même de la filière traditionnelle, il se savait insuffisamment armé.

 

De son côté, Loïc de Saint Quentin cherchait la bonne place pour le syndicat Afcobois qui constituait l’épine dorsale historique de la construction bois en France. Le rapprochement avec la FFB a échoué, débouchant sur une intégration au sein de l’UICB, où les différents syndicats ont fusionné, même si pour l’heure leurs noms subsistent dans l’usage courant.

 

Il s’agit en effet de prolonger les habitudes d’utilisation des sites dédiés, précise Bertrand Gauthier, en charge de la communication et de la relation adhérents à l’UICB.

 

Alors que FIBC avait le plus grand mal à faire acte de présence dans le bal incessant des normes et commissions, l’UICB à la mode 2020 dispose enfin d’un communicant dédié. Au point que l’Union est devenue le fer de lance de la bataille de la RE2020. Il était temps.

 

La bataille des ACV dynamiques : une victoire pour le bois

 

L’an dernier, la bataille des ACV dynamiques a été engagée par Arthur Helloin de Ménibus pour le compte d’associations et syndicats alternatifs et pourtant très au fait des enjeux. Les points de vue des uns et des autres se sont finalement accordés et au fil des mois, l’UICB a occupé le terrain, sachant que l’objectif d’une prise en compte des ACV dynamiques était partagé bien au-delà des l’industrie du bois.

 

Et c’est une victoire, comme l’a révélé la conférence de presse de présentation de la RE2020 du 24 novembre, juste avant la conférence en ligne de l’UICB qui faisait suite à l’entrée en fonction de son nouveau délégué général, Dominique Cottineau.

 

Si la FFB a réussi à repousser provisoirement l’introduction de seuils émissifs contraignants à la construction, ces derniers prennent corps par palier à partir de 2024 et sauf « dérive trumpiste » que le choc climatique rend de plus en plus improbable, ces seuils progressifs vont changer la donne du Bâtiment français.

 

Le bois veut relever le défi

 

Enfin à la manœuvre en synergie avec le CSF et l’association de filière FBIE, l’UICB est aussi en mesure d’orchestrer la montée en puissance d’une filière industrielle permettant de répondre aux attentes de la société.

 

Le message de Frédéric Carteret, président de l’UICB, est clair : l’industrie du bois relève le gant. Elle mise pour cela sur l’accompagnement d’une reconversion des filières traditionnelles et sur le développement de la mixité. Frédéric Carteret rappelle qu’il était initialement constructeur de maisons individuelles maçonnées. Il a simplement pris le virage de la construction bois avant les autres.

 

De son côté, le nouveau Délégué général de l’UICB précise : « Nous sommes satisfaits des annonces faites par les ministres Barbara Pompili et Emmanuelle Wargon, et nous attendons avec impatience les textes car les seuils de stockage carbone pour les produits de construction n'ont pas été communiqués.

 

L'ACV dynamique constitue un élément positif pour prendre en compte les éléments constructifs qui émettent aujourd'hui du CO2 et ceux qui en stockent. Faire du « bas carbone », c'est une chose, mais cela revient toujours à émettre des gaz à effet de serre. Le bois, au contraire, stocke du carbone. Grâce à ces engagements forts, nous n'aurons pas demain à rénover des épaves environnementales, comme nous devons gérer aujourd'hui un parc d'épaves énergétiques.

 

Et Dominique Cottineau de conclure : « Le bois et les biosourcés vont connaître une forte progression d'ici 2030 dans la maison individuelle et le petit collectif. La filière est en mesure de répondre à ces enjeux. La mixité des matériaux sera importante et l'UICB accompagnera l'ensemble de la chaîne de valeur de la construction. La massification de ce marché permettra de faire baisser les coûts. D'autant que la filière sèche et la préfabrication amènent d'autres leviers d'optimisation économique ».

 


Source : batirama.com/ Jonas Tophoven

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