A la suite de l'apparition de désordres affectant un immeuble neuf, le syndicat des copropriétaires introduit une procédure afin de désigner un expert.... qui lui sera contestée.
La société Bouygues Immobilier avait fait construire un immeuble dénommé 'Aktuel' qu'elle avait vendu en l'état futur d'achèvement. Plusieurs sociétés avaient participé à ces travaux de construction dont la société Archikubik, en qualité de maître d'œuvre, à la fois pour la phase de conception et de conformité architecturale puis pour la phase d'exécution.
A la suite de l'apparition de désordres affectant l'immeuble, le syndicat des copropriétaires de la résidence Aktuel (le syndicat des copropriétaires) a introduit une procédure aux fins de désignation d'un expert judiciaire.
Par ordonnance rendue le 11 mars 2019, le juge des référés du tribunal de grande instance de Nanterre a désigné Monsieur L. en qualité d'expert judiciaire.
L’assignation de l’assureur du maître d’œuvre aux opérations d’expertises
Le syndicat des copropriétaires a alors fait assigner l’assureur du maître d’œuvre, la société Lloyd’s. Mais la société Lloyd’s a fait appel de cette ordonnance, au motif que, le maître d’œuvre ayant résilié son assurance, le syndicat n’avait aucune chance de gagner son procès contre elle. Elle ne pouvait donc être assignée à participer à l’expertise.
La Cour d’appel de Versailles statue en commençant par rappeler les termes de l'article 145 du code de procédure civile, selon lequel : « s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées, à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ».
Elle poursuit en précisant que le demandeur à la mesure d'instruction n'a pas à démontrer l'existence des faits qu'il invoque au soutien de sa demande d'expertise puisque cette mesure est destinée à les établir, mais il doit toutefois justifier d'éléments rendant crédibles les griefs allégués.
Elle rappelle ensuite que l'assurance de responsabilité décennale obligatoire ne couvre que les seuls travaux ayant fait l'objet d'une ouverture de chantier pendant la période de validité du contrat d'assurance.
Mise hors de cause de l’assureur, faute de chance pour la demande d’aboutir
Or, la police d'assurance du Maître d’œuvre a bien été résiliée par courrier antérieurement à la déclaration d'ouverture du chantier. Cette garantie ne pourra donc pas, à l'évidence, être mobilisée dans le cadre d'une future action au fond pour couvrir l'éventuelle responsabilité civile professionnelle du maître d'œuvre.
Dès lors, à défaut pour le syndicat des copropriétaires de rapporter d'autres éléments pour démontrer que ses griefs à l'égard de l’ancien assureur du maître d’œuvre sont crédibles et que sa future action à son encontre n'est pas vouée à l'échec, il ne justifie pas d'un motif légitime à les attraire aux opérations d'expertise.
Il convient en conséquence d'infirmer l'ordonnance entreprise de ce chef et de déclarer la société Lloyd's hors de cause dans le cadre des opérations d'expertise.
Cour d'appel de Versailles, 26 novembre 2020
Source : batirama.com/ Damein Aymard