Alors que la RE 2020 préconise l?abandon de l?énergie gaz dans le logement neuf, le syndicat des industriels du génie climatique Uniclima formule des propositions « moins pénalisantes ».
Photo : Chantier Bâtiment Intelligent Hager-Bouygues Cachan©P.Poggi
La décarbonation, oui. Mais sans exclure aucune solution performante. Telle est la ligne défendue par le syndicat Uniclima dans ses commentaires adressés mi-décembre à plusieurs ministères – ceux de la Transition énergétique et de l’Économie – après la présentation, le 24 novembre dernier, des grands principes de la réglementation environnementale RE 2020. Ce texte devrait s’appliquer dès le second semestre 2021.
Rappelons les faits : les constructions devront présenter un besoin bioclimatique inférieur de 30 % à celui de la réglementation actuelle RT 2012, et les solutions énergétiques fossiles sont exclues par l’application d’un seuil très bas d’émission de carbone : 4 kgCO2/m²/an en maison individuelle, 14 puis 6 kgCO2/m²/an dans le collectif. De telles mesures excluent les solutions gaz et créent pratiquement un monopole pour les pompes à chaleur.
Les acteurs du bâtiment disposent depuis peu des règles de calcul pour les diverses solutions d’enveloppe et d’équipements techniques (sous forme logiciel ou dans 1 500 pages imprimées) et il leur était possible de formuler leurs remarques auprès du CSCEE (Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique).
Cette instance a la possibilité de formuler un avis consultatif auprès de l’administration. Uniclima a confié ses commentaires à la Fieec (Fédération des industries électriques, électroniques et de communication), admise au collège des professionnels.
En réunion ces 15 et 17 décembre pour discuter de la RE 2020, il est peu probable que l’expression des experts soit entendue : la RE 2020 a été notifiée à Bruxelles la veille, le 14 décembre. Ce que d’aucun commente sèchement.
Eviter le blocage d’une industrie
Entre les lignes du document d’Uniclima, c’est l’exclusion du gaz des solutions énergétiques disponibles pour le neuf et le monopole accordé aux pompes à chaleur qui sous-tend le propos développé.
Les termes sont clairs : « Uniclima rappelle que pour arriver à cette décarbonation du bâtiment, il devrait être possible d’adopter une trajectoire qui serait moins pénalisante à aussi court terme pour une partie de l’industrie qu’il représente. »
Par ailleurs, le choix technique qui se résumerait à une construction bois équipée d’une pompe à chaleur porte des conséquences lourdes. Uniclima parle du gaspillage du savoir-faire et du tissu industriel de la production de chaudières et de radiateurs ; il en va de même de la filière récente qui relie les gaz verts (biométhane et hydrogène) et les nouveaux générateurs.
Le syndicat d’industriels rappelle aussi que la réglementation de la construction neuve constitue un terrain d’innovations techniques qui profite rapidement à la rénovation.
Laisser une place à la Pac hybride gaz
Uniclima ne s’alarme pas de la diminution des ventes de chaudières gaz en résidentiel : c’est un état de fait. Sur les 12 derniers mois, sur les quelque 150 000 maisons individuelles construites, seules 35 000 étaient équipées d’une chaudière gaz ; les autres ont déjà adopté la pompe à chaleur ou d’autres moyens de chauffage.
En collectif, sur les 200 000 logements produits, 150 000 seraient chauffés au gaz, dont la moitié avec des chaudières murales, l’autre moitié avec une chaufferie gaz en pied d’immeuble. En clair, le gaz n’est plus l’énergie majoritaire en logement, notamment dans l’individuel. Dans le collectif, le panorama a aussi beaucoup changé.
Pour autant, Uniclima voit plusieurs conséquences à l’éviction du gaz du logement neuf par la simple application d’un indice carbone énergie faible. La première est l’interruption de la R&D et de la production de chaudière hybrides, dites aussi Pac hybrides gaz.
Ces chaudières et pompes à chaleur réunies sous la même carrosserie, développées depuis une dizaine d’années, présentent un double avantage : tirer le meilleur parti des deux énergies utilisées, l’électricité jusqu’aux environs de +5 °C extérieur de manière à afficher un bon coefficient de performance, et le gaz lors des grands froids. La promotion d’un tel choix technique aurait l’avantage l’écrêter les pics d’appel d’électricité sur le réseau.
En construction neuve individuelle, l’éviction du gaz à aussi pour corolaire d’écarter aussi la production de chaleur par capteurs solaires thermiques pour la fourniture d’eau chaude. En collectif, l’application de la dérogation de consommation de 15 % (57,5 kWh/m².an au lieu de 50 dans l’individuel, d’ailleurs renouvelée pour 2021) n’a pas permis de bénéficier de cette variable « chaleur renouvelable », mais Uniclima rappelle qu’il serait bon de s’engager sur cette voie.
Proposer un éventail de solutions dans l’individuel
Quelles alternatives peuvent être opposées aux exigences affichées dans la présentation de la RE 2020 ? Dans l’individuel, Uniclima en propose trois :
- la première est un système associant une chaudière à gaz pour le seul chauffage, et une production d’eau chaude par capteurs solaires ou chauffe-eau thermodynamique ;
- la deuxième, basée sur un Indice carbone Énergie de 6 kgCO2/m²/an au lieur de 4, pourrait prendre plusieurs formes : une Pac double service (chauffage par radiateur eau chaude et production d’eau chaude sanitaire) ; une Pac air-air avec un chauffe-eau thermodynamique ; ou une Pac hybride gaz ;
- la troisième, vise simplement une application progressive d’une « trajectoire » carbone de 2020 à 2030, en fixant l’Indice carbone Énergie à 10 kgCO2/m²/an puis 8, enfin 6.
Ces propositions auraient les mérites, selon Uniclima, d’amortir les chocs industriels, d’ouvrir les solutions techniques pour les prescripteurs et installateurs et d’introduire de la concurrence face aux seules pompes à chaleur.
Des solutions alternatives dans le collectif
En collectif, les alternatives développées sont semblables et simplement adaptées aux ouvrages :
- la première est un système associant une chaudière à gaz pour le seul chauffage, et une production d’eau chaude par capteurs solaires ou chauffe-eau thermodynamique ;
- la deuxième, basée sur un Indice carbone Énergie de 8 kgCO2/m²/an au lieu de 6, pourrait prendre plusieurs formes : une Pac double service (chauffage par radiateur eau chaude et production d’eau chaude sanitaire) ; une Pac air-air avec un chauffe-eau thermodynamique ; ou une solution hybride, mais qui reste à développer ;
- la troisième, vise simplement une application progressive d’une « trajectoire » carbone de 2020 à 2030, en fixant l’Indice carbone Énergie à 12 kgCO2/m²/an en 2020, 10 en 2025, enfin 6 en 2030.
Des points encore à étudier
Le syndicat des industriels du génie climatique veille aussi sur quelques points durs qui peuvent gêner ses adhérents. Ainsi ressort le sujet récurrent de la reprise des Titres V de la RT 2012 : les arrêtés obtenus seront-ils repris dans la RT 2020 ? Rien n’est moins sûr.
À la clé, de lourds investissements pour repasser devant les commissions had hoc et intégrer les innovations dans la réglementation. Le même problème s’était posé lors du passage de la RT 2005 à la RT 2012.
Uniclima relève aussi que la ventilation est absente de la présentation de la RE 2020. Enfin, dès la fin de 2019, quand étaient sorties les informations sur le contenu carbone de l’électricité (79 g/kWh) et le coefficient de conversion de l’énergie primaire en énergie finale (2,3), les débats sur le risque de retour du radiateur électrique ont été relancés. Depuis, les travaux sur le nouveau diagnostic de performance énergétique (DPE) n’ont guère été rassurants : les niveaux seraient exprimés en énergie finale et non en énergie primaire.
Pour certains, le calcul du niveau de consommation d’énergie non renouvelable (CEP nr) dans la RE 2020 serait un garde-fou. Uniclima montre plutôt de l’inquiétude : « Les difficultés de calcul [moteur informatique bogué ou inutilisable – ndlr] nous empêchent de vérifier l’effectivité opérationnelle de cette volonté ministérielle », indique les auteurs.
« Des indices concordants donnent à penser que, dans plusieurs configurations, le risque reste important. Il faudrait faire valider ce point par le GT [groupe de travail] modélisateur », remarquent-ils.
Source : batirama.com/ Bernard Reinteau