L?Italie compte déployer, partout en Italie, des pavillons de vaccination en structure bois conçus par l?architecte milanais Stefano Boeri. Un concept en forme de coeur et de fleur plutôt séducteur?
Légende : L’objectif est de couvrir les places italiennes de ces fleurs de vaccination à cinq coeurs. ©Boeri
Si l’Allemagne fait actuellement la course en tête en matière de vaccinations contre le Covid-19, c’est, dit-on, à cause des centres de vaccination déployés sur tout le territoire à toute vitesse, dès que s’est répandue le 8 novembre la bonne nouvelle de la performance du vaccin BionTech-Pfizer.
L’approche a été pragmatique et efficace : un centre par Kreis, qui est l’unité territoriale allemande, sachant que les régions sont compétentes en matière de politique de santé, avec des tiraillements tout au long de l’automne face à la position volontariste du gouvernement Merkel.
Par exemple, il y a 53 Kreis dans la région de Rhénanie du Nord-Westphalie, et 410 centres de vaccination en Allemagne. Il ne s’agit pas de vaccinodromes décriés par le gouvernement français, ou fantasmés par les médias, mais simplement de sites tantôt dédiés depuis toujours (centres de vaccination), tantôt adaptés à la faveur parfois de la fermeture des lieux culturels et sportifs.
L’architecte Stefano Boeri transforme les seringues en serins et les piqûres en primevères.©DR
Du matériel de stands d’exposition basiques en Allemagne
En pratique, on voit le recourt massif à du matériel de partition de stands d’exposition basiques, avec montants en aluminium extrudé et panneaux en bois matériau surfacé. Dès début décembre, les centres étaient prêts dans cette région, même si on manquait parfois encore de personnel.
1er janvier, 165 000 doses de vaccin avaient déjà été injectées, 613 000 à la date du 11 janvier. Désormais, c’est le vaccin qui manque. Mais il faut relativiser la perfection allemande.
Si on reprend le cas de la région Rhénanie du Nord-Westphalie, et par exemple un Kreis rural comme celui de Clèves, le centre de vaccination installé dans un hall d’un parc d’exposition à Kalkar n’est toujours pas ouvert au public et les équipes se concentrent pour le moment sur la vaccination dans les Ehpad. L’ouverture au public et la prise de rendez-vous est implicitement remise au moment où suffisamment de vaccins seront disponibles.
Le faux spectre H1N1
La France a été confrontée au même phénomène de surprise le 9 novembre 2020, mais son expérience négative des « vaccinodromes » lors de la grippe H1N1 de 2009 a joué apparemment contre elle.
Exactement comme le fait l’Allemagne aujourd’hui, la France avait alors adapté des salles de fêtes ou gymnases, avec 1000 centres pour un coût estimé à 1,5 milliard d’euros et un résultat décevant, puisque seulement 5,35 millions de Français s’y étaient fait vacciner, comme le rappelle lefigaro.fr.
Une enquête parlementaire menée l’année suivante constatait que « la faible adhésion de la population à la vaccination est sans doute avant tout imputable au fait que le public a eu le sentiment que la grippe était généralement bénigne et qu’il était donc inutile de se faire vacciner ».
Mais la désaffection des pouvoirs publics pour les vaccinodromes est restée. A moins que l’administration ait été tout simplement prise de court début novembre, en plein reconfinement.
Toujours est-il que sous la pression du rythme de vaccination des voisins, dont le voisin allemand, la France a reconsidéré sa répugnance et inauguré la semaine dernière un premier centre de vaccination dédié dans une ancienne salle de fêtes de Poissy, apparemment suite à une initiative municipale, l’ARS vérifiant que le centre « respecte des normes sanitaires et sécuritaires strictes ». L’objectif français est désormais d’ouvrir 6 centres par département.
Le prototype de pavillon est prévu pour les jours qui viennent. ©Boeri
La gestion créative italienne
En Italie, l’effet de surprise de la bonne nouvelle du 9 novembre dernier n’est pas masqué derrière des considérations administratives de type campagne H1N1. En témoigne la façon dont les responsables vont réagir avec flexibilité à une proposition ad hoc de l’architecte Stefano Boeri.
Moins d’un mois après l’annonce du 9 novembre, la nouvelle du projet de Boeri fait déjà le tour du monde. L’architecte n’est pas parti d’un concept constructif mais d’une idée que la France a de quoi lui envier : donner envie de se faire vacciner.
La campagne de vaccination est placée sous l’égide d’une fleur, la primevère, dont les pétales doivent dessiner les contours de centres de vaccination légers érigés sur les places publiques italiennes, 300 d’abord, 1500 ensuite.
Stefano Boeri enseigne à l’école polytechnique de Milan. Il y a une dizaine d’années, sa grande réalisation a été le Bosco Verticale milanais, deux tours d’habitation couvertes d’arbustes et même d’arbres, un peu comme à la façon dont on verdit les projets dans les concours, saut que dans ce cas, la verdure est restée.
Et l’opération a été un succès commercial, y compris pour les acheteurs qui ont vu le prix de leurs logements grimper, tandis que le système adopté pour l’arrosage et la fixation des plantes a donné satisfaction.
Recours à des systèmes constructifs biosourcés
L’architecte s’est bien rendu compte du paradoxe de son opération : pour arrimer autant de plantes à une tour, il faut beaucoup de béton, ce qui annule un peu le bénéfice carbone de l’opération.
C’est pourquoi ses projets ultérieurs de jardins verticaux, notamment à Villiers-sur-Marne avec la Compagnie de Phalsbourg, prônent un recours plus systématique à des systèmes constructifs biosourcés, soit : noyau béton, CLT, poteau-poutre en BLC.
Bref, la tour en bois française standard. Depuis 2017, on attend donc à Villers-sur-Marne de voir sortir de terre cette tour verte au carré. Notons tout de même que ce ne sera pas facile de faire supporter à la structure en bois le poids de toutes les plantes et des bacs.4-intérieur
Pour les parois comme pour les partitions et le plafond, l’architecte fait le choix du textile.© Boeri
En attente d’éclosion
Que ces tours vertes grimpent ou pas, au moins l’architecte s’est-il familiarisé avec la construction bois. Ce qui lui permet de développer de façon convaincante son concept de centre de vaccin en forme de fleur.
Difficile en effet de vendre une approche à bilan carbone déplorable, même si l’on peut se demander ce que deviendront ces 1500 ouvrages projetés une fois qu’ils auront servi (en attendant la prochaine pandémie ?). Seront-ils vraiment remontables, stockables ? Est-ce qu’une formule comme celle-là s’improvise ?
L’agence fournit les informations suivantes : socle en bois (CLT), structure en bois en appui sur le noyau, parois textiles, toit avec panneaux photovoltaïques pour l’autoconsommation. Dans le cas où le centre de vaccination investit non pas une place mais un site comme un gymnase ou un hall d’exposition, l’approche visuelle et fonctionnelle sera identique.
La structure prend appui sur l’unité technique centrale.© Boeri
Pour l’heure, beaucoup d’images virtuelles, l’accord depuis un mois du responsable des vaccinations, l’appui de l’école polytechnique de Milan, l’annonce d’une première installation à la mi-janvier.
Qui fabrique, qui monte, comment récupérer l’électricité photovoltaïque en consommation directe ? L’agence ne donne pas plus de précisions. Et si on en produisait aussi pour en installer en France ? Une question incongrue ? N’en est-on pas plus ou moins au même point aujourd’hui qu’en Italie ?
Source : batirama.com/ Jonas Tophoven